Les enfants de stars jouent aujourd’hui les fashion victims dès le bac à sable… Une tendance lancée par les people et les grandes marques de luxe, mais suivie par tous ceux qui rêvent de faire de leurs kids des  » mini-moi « … en mieux.

Pour peu, elle concurrencerait Lady Gaga et ses frasques vestimentaires. Du haut de ses 10 ans, Willow, la cadette de l’acteur américain Will Smith, est déjà une référence modeuse. Coupe iroquoise 2.0, dégaine de star et regard un rien provoc’ devant les objectifs, la baby fashionista – qui est déjà chanteuse et actrice ! – n’a rien d’une apprentie. Un jour, elle débarque à la première californienne de Karate Kid – dont le rôle principal est tenu par son frère Jaden – en veste courte à imprimé léopard, sac Givenchy, grosse chaîne en or autour du cou et bottes en cuir noir lacées. L’autre, elle se pavane sur une red carpet londonienne, baskets montantes, leggings bardés de drapeaux britanniques et petite veste en jeans sans manches, décontract’ et très rock… À ses côtés, Will et sa femme, l’actrice Jada Pinkett, sourires radieux, fiers de leur miss mitraillée par les paparazzis. C’est que, dans le show-biz, il est aujourd’hui de bon ton de se balader avec ses chérubins transformés, dès le plus jeune âge, en gravure de mode.

Suri, la fille de Tom Cruise et Katie Holmes, est, elle aussi, une belle illustration de cette tendance. Dans la presse lifestyle, on parle de cette gamine de 5 ans comme d’une icône fashion et nombreux sont ceux qui, outre-Atlantique, lient le succès actuel des vêtements de luxe XXS à une sorte d' » effet Suri « . Car, même si ses parents essaient le plus souvent de la dissimuler dans leurs bras à l’approche de photographes incommodants, son look scotche tous les curieux. Chaussures à talons, robes de grands créateurs, sacs griffés et gloss assorti : la faute de goût n’est pas tolérée même pour s’ébattre à la plaine de jeu… Et quel qu’en soit le coût : sa garde-robe est estimée à plus de 2 millions d’euros et certains tabloïds prétendent que son dernier déguisement d’Halloween, incrusté de diamants, aurait à lui seul coûté près de 5 000 euros… Fantasme ou réalité ? Il n’en reste pas moins que la petite brunette était déjà élue, il y a deux ans,  » Enfant le plus influent de Hollywood  » par le magazine Forbes !

DES LOOKS QUI BUZZENT

Les exemples de kids à la pointe des tendances, que les people  » arborent  » – plus ou moins ostensiblement selon les cas – tel leur dernier it bag, sont en réalité plus nombreux que jamais : Shiloh et Zahara, les deux derniers du duo Pitt-Jolie ; Brooklyn, Romeo et Cruz, les trois fistons de David et Victoria Beckham, ; sans oublier Kingston, le fils de la chanteuse Gwen Stefani, qu’elle a fait monter sur le catwalk, en septembre dernier, lors de la présentation new-yorkaise de sa collection L.A.M.B ; ou encore Sasha et Malia, les filles du couple présidentiel Obama… Ces dernières prouvant d’ailleurs que la tendance dépasse désormais le star-system pour s’immiscer jusque dans le monde politique.

S’afficher en famille permet aux vedettes d’apparaître plus sympathiques, moins artificielles. Leur marmaille, en partie adoptée, confère clairement à Brad Pitt et Angelina Jolie une image qui plaît, plus humaine, plus citoyenne. Sans oublier que de tels shootings assurent une visibilité ininterrompue aux parents même si leur actualité n’est pas trépidante – qui pourrait dire dans quels films a joué Katie Holmes depuis ses débuts dans la série Dawson ? Enfin, certains reportages sont carrément monnayés par les éditeurs qui n’hésitent pas à allonger des sommes faramineuses pour dévoiler l’intimité de nos people préférés. Pitt et Jolie – encore eux ! – auraient ainsi touché plus de 3 millions d’euros pour les premières images de leur fille Shiloh dans le magazine américain People. Une somme qu’ils auraient néanmoins reversée à une £uvre de charité… Ouf !

BÉBÉS GRIFFÉS

Comme les stars, les grands labels du luxe usent également de la mode version kids pour se mettre en avant. Armani, Jean Paul Gaultier, Paul Smith, Stella McCartney, Kenzo… : tous ont désormais leur gamme  » mini « . Ce printemps, Gucci lance à son tour sa ligne junior ( lire aussi pages 8 et 9) et, pour faire le buzz, c’est Jennifer Lopez qui pose pour la campagne entourée de ses jumeaux. Si la chanteuse latino expose rarement Max et Emme sous les projecteurs, elle confesse avoir finalement accepté, puisque c’était pour une bonne cause, les bénéfices des ventes étant reversés à l’Unicef.

Pour Remi Salette, dirigeant du cabinet RSMS, à Paris, spécialiste des stratégies et relations client, cet intérêt croissant pour la mode enfantine est à mettre en parallèle avec l’évolution du profil des acheteurs habituels des marques de luxe. Aujourd’hui, ces derniers exprimeraient en effet  » une envie croissante de passer du bon temps avec leur entourage, notamment avec leur famille. Dans les années 80, les gens étaient plus individualistes et les parents se consacraient corps et âme à leur travail. En réaction, leurs descendants focalisent plus sur leurs enfants.  » Dès lors, l’expert estime que les griffes qui culmineront dans les dix prochaines années seront celles qui parviendront à toucher leur clientèle  » soit dans des moments de joie partagée, soit dans des moments forts tels qu’une naissance, un diplôme, un mariage…  » Autant d’événements heureux qui, une fois sur deux, impliquent un enfant… Ce qui justifie cette vague de looks en culottes courtes chez les grands de la mode. D’autant que ces derniers peuvent aussi, de cette manière, intéresser de nouveaux clients qui ne se permettraient pas de porter de tels vêtements eux-mêmes mais qui craquent sans culpabiliser dès lors qu’il s’agit de leurs  » petits chéris « . Si on ajoute à cela qu’une pièce griffée version layette coûte en valeur absolue beaucoup moins cher qu’une version adulte, les parents en viennent ainsi à porter non plus un sac ou un foulard griffé mais bien… un enfant !

PAPA ET MAMAN… EN MIEUX

Cette tendance à faire de ses mômes un must-have s’explique aussi de façon plus psychologique, comme en témoignent quelques cas d’école parmi les people. Ainsi, Madonna donnait naissance, en 1996, à Lourdes Maria Ciccone Léon… Quatorze ans plus tard, la mère et la fille, sapée tiptop comme la chanteuse dans les années 80, parcourent les tapis rouges, telles deux s£urs en goguette. Lourdes, déguisée en mariée coquine comme sa maman, époque de Like a Virgin, est même apparue dans le clip Celebration de la Madone en 2009…  » À travers son enfant, la chanteuse se met en scène, analyse Jérôme de Bucquois, psychologue et psychothérapeute bruxellois. Pour Madonna, cette ado est une sorte de double narcissique réparé. C’est un clone d’elle-même mais qui dispose de tout ce qu’elle n’a pas eu plus jeune. Quand on considère qu’on a été floué dans son enfance, on veut logiquement offrir mieux à ses descendants. C’est naturel. Mais en faisant cela, certaines personnes pourraient tenter également de se réparer elles-mêmes.  » Madonna n’avait que 5 ans quand elle a perdu sa mère, victime d’un cancer du sein. Elle avait cinq frères et s£urs, fut élevée quelques années par sa grand-mère et ne fut jamais acceptée par sa belle-mère… Un passé pas vraiment rose qu’elle tenterait d’effacer en offrant une jeunesse dorée à Lourdes, en l’habillant chez les grands créateurs et en la présentant au monde comme surdouée.  » Choisir ce prénom, quand on s’appelle Madonna, soit la Vierge à l’Enfant, c’est déjà tout un symbole, poursuit Jérôme de Bucquois. D’autant que l’Américaine est francophile et ne peut donc ignorer qu’elle fait référence à une ville d’apparition mariale. En réalité, on a l’impression que sa fille est une apparition d’elle-même…  »

Cette recherche d’une enfance perdue, à travers ses propres rejetons, qu’on retrouve aussi chez feu Michael Jackson –  » Il a appelé son fils Prince Michael, un soi-même anobli !  » relève le psychothérapeute -, est également observable chez les anonymes, éclairant par là même leur besoin de mettre leurs petits en avant, notamment via un look irréprochable, et parfois hors de prix.  » Ces gens donnent tout à leurs mouflets, mais en réalité, c’est d’abord à eux-mêmes qu’ils offrent quelque chose via leurs petits, déplore Jérôme de Bucquois. On peut se demander où est encore la place des gosses dans tout ça. « 

POUR LE PLAISIR

Si cette quête de reconstruction personnelle n’est pas neuve, tant dans le monde des people que plus modestement chez tout un chacun, il n’en reste pas moins que le phénomène du  » it kid  » est bel et bien en croissance. Et ce parce qu’aujourd’hui, l’enfant-roi dispose d’un statut bien différent de par le passé.  » Les plus jeunes sont aujourd’hui devenus des référents, de véritables mini-adultes, affirme le psychothérapeute. Je vois souvent des patients qui me disent  » ah, ces ados qui ont tout compris !  » et qui attendent d’être confirmés par eux dans leur rôle. Ils demandent à leurs gosses s’ils sont de bons parents et culpabilisent lorsqu’ils leur interdisent quelque chose – ce qui est probablement un héritage de Mai 68.  » Et cette attitude peut être destructrice pour les plus jeunes car elle brouille leurs repères. Surtout lorsque ce désir de (trop) bien faire amène les parents à percevoir leur mission d’éducation comme impossible, les poussant, au pire, à démissionner. Ainsi, pères et mères useraient de leur moufflet certes pour se valoriser eux-mêmes, mais peut-être plus encore pour se rassurer.

Alors bien sûr, il n’y a aucune raison de ne pas initier ses juniors, dès le plus jeune âge, à la mode, au bon goût, au jeu des associations de matières et de couleurs, des tendances et des accessoires, aux looks qui accrochent et reflètent la personnalité de chacun… Mais à une condition : que cet apprentissage esthétique et créatif se fasse pour le plaisir des mômes d’abord, et pas pour le nôtre. Must be !

PAR FANNY BOUVRY

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