De New York à Paris, Londres et Milan, les Fashion Weeks ont dessiné l’hiver prochain. Moins frileux, vintage toujours, nonchalamment élégant : la crise commencerait-elle à avoir moins d’emprise ? Notre album photo.

INSPIRATIONS

Sur une bande-son où il est question d’Epiphanie, les mannequins de Dries Van Noten marchent religieusement, on entend leurs talons frapper le parquet du salon d’apparat de l’hôtel de ville de Paris. Ils déroulent les volumes amples et les volants qui animent le créateur belge depuis quelque temps, avec mélanges de matières, contrastes visuels, manteaux masculins, jupes mi-mollets, tissus mixés et broche collier fleur qui s’enroule autour du cou, orne la poitrine. C’est l’apothéose, cette collection automne-hiver 14-15, il l’a conçue en menant de front le montage de son exposition au musée des Arts décoratifs, titrée Inspirations. De ce voyage intérieur sont nées des silhouettes vibrantes, riches, différentes, quelle maîtrise.

LE GANG DES ÉLÉGANTES

L’acmé de la féminité ? Le masculin. Du moins son vestiaire réinterprété par Christophe Lemaire pour Hermès. Dans la maison, on privilégie l’élégance, la simplicité sophistiquée et l’ultrabeauté des matières. Esprit sartorial, palette de gris, de beige et de kaki, cuirs chers au sellier et carrés de soie joliment détournés en robe fluide. La perfection est de ce monde.

UN MATIN NEUF

 » C’est un matin neuf. Un matin important…  » Sur beau papier crème aux armes de Louis Vuitton, dactylographiée, une lettre signée Nicolas Ghesquière, nouveau directeur artistique de la maison et ex-Balenciaga. Il dit sa  » joie immense d’être ici  » et salue le travail de Marc Jacobs,  » auquel je veux succéder avec toute ma sincérité « . Soit des silhouettes fin sixties, du volume, du sportswear dans les détails, mixé aux matières luxe du malletier, son parti pris vestimentaire abandonne le show-off auquel l’Américain Marc Jacobs nous avait habitués. Le nouveau luxe sera discret. Et dans la Cour Carrée du Louvre, quand les volets métalliques de la boîte épurée s’ouvrent et laissent entrer la lumière du jour, ensoleillé, il est vraiment question d’un matin neuf.

LES 5 DÉTAILS À ADOPTER

1. La veste sans manches

2. La ceinture bijou

3. Trois sacs plutôt qu’un

4. Les bottes de pluie

5. Le foulard cravate

LE PANIER DE LA MÉNAGÈRE

Tout est bon dans le jambon Cambon. Le Grand Palais s’est mué en grande surface, seul Chanel peut se permettre de mêler les torchons avec les serviettes. Dans ce mirage de temple de la consommation, on trouve de tout, et surtout des jeunes filles en baskets qui font leurs courses, logique, on est dans un Chanel Shopping Center. Elles portent parfois un panier strassé ou des mitaines qui rappellent celles du créateur Karl Lagerfeld. Au milieu de cette décontraction chic, une dame en tailleur rose semble un peu perdue, son homme à tout faire porte ses sachets blancs à liséré noir avec camélia. Avec dérision, avec distorsion, Monsieur Karl pour Mademoiselle pose la question de la solubilité de la mode dans le prêt-à-jeter.

L’EFFET MATIÈRE

Ça se gonfle, se matelasse, se rembourre et se capitonne. Les tissus prennent du volume, les étoffes de l’ampleur, est-ce l’effet couche de protection désormais vitale ? Les matières doudoune sont donc triomphalement entrées dans les vestiaires. Elles ont délaissé les rayons sport, pêche et chasse, pour se glisser dans des silhouettes caparaçonnées. Raf Simons, directeur artistique de Christian Dior, en fait même des femmes-fleurs. Et ose le Nylon au motif cannage matelassé en total look, avec métrage de tissu insensé et plis généreux, pour affronter les cocktails de la saison, sans frilosité.

PERSISTANCE REPTILIENNE

Un imprimé, oui, mais reptilien. Directement inspiré de vraies peaux, aux moirés insensés, aux dégradés chromatiques et aux reliefs accidentés. Cédric Charlier en use sans jamais en abuser. Rendez-vous avec une certaine idée du confort, de la nonchalance et de la sensualité. C’est ainsi que l’hiver se déclinera.

L’ÉTÉ EN HIVER

Du rose pâle, du bleu layette, de la lingerie légère, un souffle d’étoffe. Une envie de soleil, de narguer l’hiver, est-ce parce qu’il n’y a plus de saisons ?

REVIVAL

Comment réinventer la mode ? En revisitant les décennies précédentes. Pour l’automne-hiver, sans copier-coller, le vestiaire puise son inspiration dans les années 40, 60, 70 et 90. Or, Jean Paul Gaultier n’a rien oublié de ces années-là. Avec humour, exubérance et ce sens de la coupe qui le caractérise, il revisite ses archives. Et offre un défilé pour spationautes, avec vaisseau intergalactique en partance, quai d’embarquement au siège du Parti communiste, dans le bâtiment dessiné par Oscar Niemeyer au coeur du XIXe arrondissement de Paris. Dans un grand sourire, il envoie sur orbite tout ce qu’il faut sauver sur cette Terre, de la grand-mère glitter à la famille de punks avec tartan et crête d’Iroquois. Un seul mantra :  » Gravity, equality, fraternity.  »

PEAU D’ÂNE

Elle s’accroche à la saison, comme une seconde peau. L’hiver dernier, la fourrure faisait déjà des siennes. Elle reprend du service, de plus belle (même si parfois elle est fausse). A porter en accessoire aristocratique, en manchon parfait et décalé, en manches exubérantes, en col généreux, en total look astrakan rose, en touche fluo avec poils et même rasée de près, en version gilet sans manches sur bras nus mais avec écharpe soigneusement nouée autour du cou. Une chose est sûre : le réchauffement climatique n’y est pour rien.

LE BORDEAUX

Que reste-t-il quand le noir s’épuise ? Le bordeaux, dit aussi grenat, qui dans la palette mode prend parfois des nuances virant à l’aubergine. Toujours chic, il peut parfois verser dans un certain classicisme narratif. Carven le décale à grand renfort de Zips et de cuissardes.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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