L’acteur américain, chanteur d’opéra et propriétaire de club à ses heures, est aussi créateur de mode. Technobohemian, sa marque de vêtements pour Homme, se veut sobrement… ostentatoire.

Depuis sa pub pour une marque d’arabica encapsulé, on sait que John Malkovich et Dieu ne font qu’un. Père éternel de la dosette caféinée trônant en costume immaculé sur son nuage, le comédien esthète a créé à son image Technobohemian, une ligne de vêtements masculine sophistiquée. Les 5 commandements pour réussir la transition de l’écran au catwalk.

1. LES PISTES, TU BROUILLERAS

Américain francophile qui a longtemps vécu dans le Vaucluse avant de faire la promotion d’une marque de machines à café suisses au nom transalpin, John Malkovich peine à être géolocalisé. Son travail en tant que créateur de mode procède aussi du multi-ancrages. Le style d’abord. Sa marque est une improbable rencontre entre le vestiaire de Twiggy pour la légèreté pop des motifs et le goût rocailleux countryside  » old England  » pour les matières. Une inspiration contrastée, de source anglaise donc, même si c’est en Italie que Malko se fournit en matières premières. Son partenaire de fraîche date est un certain Riccardo Rami, à la fois designer, graphiste et architecte qui assure le suivi et la partie technique du projet. Fondé il y a dix ans, le label qui compte déjà une dizaine de collections tente aujourd’hui un nouveau départ.

2. D’UN PEU DE FOLIE, TU PIMENTERAS

Imaginez la rencontre entre un fournisseur officiel du duc d’Édimbourg et l’exubérance de la créatrice finlandaise Marimekko et vous obtiendrez un aperçu de la griffe Malkovich. C’est que les collections Technobohemian allient sobriété de la fibre naturelle, goût ludique pour l’imprimé à carreaux, à losanges ou à chevrons et passion pour les boutons qui rappellent le style  » Abacost  » du maréchal Mobutu. On a bien du mal à trancher : le label Malkovich est-il discrètement appuyé ou ostensiblement effacé ? C’est tout le paradoxe dont fait preuve ce collectionneur de dentelles, amoureux de la maille  » old fashion « , de l’Art & Craft et des tissus du XVIIIe siècle. À la réserve qu’il affiche avec ses interlocuteurs se double une secrète extravagance dont témoigne une filmographie qui compte une panoplie de rôles joyeusement barrés. Que l’on se rappelle de lui dans Burn After Reading des frères Coen, Red aux côtés de Bruce Willis, ou Appelez-moi Kubrick où il (sur)joue le rôle d’un vieil homosexuel aux lèvres maquillées qui se fait passer pour le réalisateur de 2001, l’Odyssée de l’espace. Cette comédie est surtout l’occasion d’un défilé de chemises à jabot, de visons synthétiques et de pulls en viscose. Pas étonnant que l’interprète principal ait choisi lui-même ses costumes.

3. BIZARREMENT, TU NOMMERAS

Refusant d’utiliser son seul nom pour sa griffe, celui qui joue le rôle du révérend Briegleb dans L’Échange avec Angelina Jolie a baptisé sa marque Technobohemian by John Malkovich. Kesako ? Le néologisme nécessite un certain entraînement à l’écrit. Si l’on craint d’oublier une voyelle dans l’affaire, se rappeler qu’il s’agit d’une fusion-contraction 2.0 entre le futur dématérialisé et la vie d’artiste forcément bohème. Plus facile à mémoriser est le nom du concept store que l’acteur a ouvert dans le centre de Prato, en Toscane, et cet hiver à Paris dans une version courte et éphémère, Opificio JM (pour Usine John Malkovich en français). L’enseigne comprend ses collections mais aussi une sélection de produits de terroir toscans, des bijoux, des produits de beauté. Pour l’immersion totale, on peut enchaîner avec un déjeuner au resto du même nom. Ou se contenter de commander les articles par Internet (www.opificiojm.it).

4. PLAISIR, TU TE FERAS

L’artiste ne s’est jamais rêvé en styliste, dit-il, pas plus qu’il ne s’est fantasmé en acteur ou réalisateur.  » Je ne suis pas quelqu’un de branché, affirme-t-il. Je ne lis pratiquement jamais les magazines de mode. Il y a toujours des personnes qui nous inspirent mais il ne faut pas non plus se laisser influencer.  » Guidé par l’envie et amateur de belles choses, il s’est mis à dessiner ses premiers patrons sur les tournages de film, entre les prises, là où l’attente est parfois longue. À cela s’ajoute son temps libre lors de ses trajets en avion, de quoi remplir quelques carnets de croquis ( » Je ne compte plus le nombre de pays que j’ai traversés cette année « ), complété par son insatiable curiosité… Copropriétaire d’une boîte de nuit tendance à Lisbonne, Le Lux, l’acteur est également metteur en scène, costumier de théâtre (il a récemment adapté Les Liaisons dangereuses sur une scène parisienne) et même chanteur d’opéra depuis sa récente interprétation lyrique dans le rôle de Casanova au théâtre Ronacher de Vienne, l’hiver dernier. Bref, aucun complexe.

5. DILETTANTE, TU RESTERAS ?

John Malkovich revendique l’intégrale paternité de sa marque vestimentaire, des dessins préliminaires aux choix des tissus, jusqu’aux corrections des prototypes. On l’a même vu arpenter les salons textiles parisiens à la recherche des meilleurs fournisseurs. Entrepreneur scrupuleux et créateur sincère, pourrait-il un jour quitter le monde du cinéma et des planches pour celui des catwalks ? Peu probable. Star courtisée, il n’est que trop conscient de son statut de couturier dilettante.  » Dans ce milieu ( NDLR : de la mode), confiait-il au site www.puretrend.com, tu n’obtiens pas toujours ce que tu veux, tu apprends plutôt à te rapprocher au maximum de ce que tu peux avoir. C’est un business difficile, qui apporte souvent des déceptions, mais il faut apprendre à être patient et à prendre sur soi.  » Son nom même est à double tranchant, suscitant à la fois la curiosité et la méfiance, voir l’hostilité à l’égard d’une star qui s’égarerait dans un domaine qui n’est pas le sien. À la manière des actrices qui poussent la chansonnette, JM styliste agace-t-il ?  » Peut-être, acquiesça-t-il en réponse à un journaliste de la télévision qui l’interrogeait sur le sujet, mais la vraie question serait plutôt : êtes-vous capable de le faire ? Le fait que Julian Schnabel soit peintre n’empêche pas à mes yeux qu’il soit un réalisateur à part entière, il utilise simplement une forme d’expression différente. C’est vrai également pour Tom Ford qui est devenu cinéaste.  »

PAR ANTOINE MORENO

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