Barbara Witkowska Journaliste

Avec Dress Your Body, le Swatch Group (17 marques horlogères) développe désormais des lignes de bijouterie-joaillerie. Aux commandes De cette cellule de design et de création : Arlette Emch.

Carnet d’adresses en page 92.

La rencontre a lieu à Anvers. Tout de blanc vêtue, Arlette Emch y est venue présenter son dernier  » bébé  » : White Concept, une nouvelle ligne de montres griffée Calvin Klein. Les six modèles, minimalistes et épurés, sont entièrement blancs et sertis de diamants. Très tendance… Arlette Emch porte quatre casquettes au sein du Swatch Group. Présidente des montres Calvin Klein, elle est aussi responsable de Jaquet-Droz et Léon Hatot, deux autres marques horlogères très prestigieuses. Enfin, depuis 2000, elle dirige Dress Your Body, filiale du groupe consacrée au développement des bijoux : Breguet, Swatch, Omega et, prochainement, Calvin Klein.

Franco-suisse, Arlette Emch est née dans le Jura, à Porrentruy, exactement, petite ville où l’on croit aux contes de fées, aux sorcières et aux princes charmants. Elle trouve le sien juste après le bac :  » On s’est marié tout de suite. Mon mari était sculpteur, donc artiste, et il fallait bien que quelqu’un gagne sa vie.  » La jeune femme pourvoit donc aux besoins de la famille, car deux enfants naissent rapidement. A l’âge de 30 ans, sa vie prend un autre virage : elle entame des études universitaires multidisciplinaires : l’histoire (importante pour comprendre le présent), l’ethnologie (indispensable pour comprendre l’autre), l’histoire de l’art (pour nourrir sa passion) et, enfin, le journalisme (dans un but plutôt alimentaire).

Le chapitre suivant de la vie d’Arlette Emch s’écrit dans les journaux et les magazines. Comme journaliste, elle touche à tous les domaines : critique d’art, culture, politique, économie. Un jour, on lui demande de réaliser une interview de Nicolas Hayek, PDG du Swatch Group.  » J’ai été subjuguée par cette rencontre, confie Arlette Emch. Nicolas Hayek est l’un des personnages les plus intéressants en Suisse. Or, après dix ans de journalisme, je cherchais une nouvelle orientation dans ma vie. A un moment, il faut partir, pour ne pas s’ennuyer. J’ai envoyé une candidature spontanée à Nicolas Hayek et j’ai été engagée. J’ai posé une seule condition, je voulais travailler directement pour lui. Ma condition a été prise en compte.  » Chargée de la communication du groupe, Arlette Emch s’acquitte de sa tache avec maestria, pendant cinq ans. Jusqu’au jour, où… elle commence à s’ennuyer. Sa nouvelle ambition ? Diriger une marque horlogère.  » C’était en 1997, se souvient Arlette Emch. Comme par hasard, Nicolas Hayek m’a appelée dans son bureau et m’a dit : « On a signé un contrat avec Calvin Klein pour lancer une ligne de montres à son nom. Vous commencez demain ».  » Tout était à faire : définir le style avec le couturier, briefer les designers, lancer la production.  » Nicolas Hayek m’a fixé un délai : neuf mois, poursuit Arlette Emch. C’était une expérience fantastique, la plus épuisante de ma vie. Mais la marque a été lancée dans les délais, avec un jour de retard, avec Kate Moss comme marraine.  » Tout en dirigeant cette marque à succès (un million de montres vendues chaque année), Arlette a été rapidement appelée à relever d’autres défis.

De la montre au bijou

Depuis quelques années, une nouvelle réalité se confirme : celle du  » branding  » ou de la  » griffe « . Le consommateur recherche aujourd’hui la griffe dans tous les domaines : dans l’habillement, dans les accessoires et dans les objets courants de consommation.  » Environ 80 % des bijoux ne sont pas griffés, explique Arlette Emch. Or les liens entre la joaillerie et l’horlogerie sont très forts. Je vais vous citer un exemple. Lorsque Louis XIV a révoqué l’édit de Nantes, les huguenots, dont beaucoup étaient des joailliers, se sont réfugiés vers les pays du Nord. Certains d’entre eux se sont installés à Genève. Mais Calvin avait interdit le port des bijoux aux femmes. Ils se sont donc convertis sans difficultés à l’horlogerie, car il existe de nombreuses ressemblances entre ces deux activités.  » Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Conscient de l’importance de l’identification des marques en joaillerie, Nicolas Hayek a décidé de développer des lignes de bijoux très fortes dans ces domaines qu’il maîtrise parfaitement. Une nouvelle société est créée au sein du groupe : Dress Your Body,  » habille-toi des pieds à la tête avec une seule marque « . Aux commandes ? Arlette Emch. Pour commencer, deux collections de bijoux sont lancées simultanément : Breguet, une ligne de joaillerie très haut de gamme, extrêmement prestigieuse et, à l’opposé, les bijoux Swatch. Ces derniers correspondent parfaitement à l’univers des montres en plastique multicolores. Les collections Swatch sont jeunes, joyeuses, colorées et ludiques et permettent de jouer avec les matériaux très novateurs, tels l’acier Inox ou la silicone teintée. Dès le lancement, les bijoux Swatch ont été accueillis très favorablement par les consommateurs et représentent aujourd’hui 10 % du chiffre d’affaires. Avec Breguet, le travail est complètement différent et relève de la très haute joaillerie. Ici, on travaille les matières les plus nobles et les plus belles pierres pour réaliser des pièces uniques entièrement faites à la main, en accord avec le passé prestigieux du grand horloger.  » Nous nous sommes attachés à rechercher l’ADN ou l’essence de la marque pour l’adapter au bijou, note Arlette Emch. Ainsi les aiguilles Breguet, le mouvement ou le c£ur de la montre sont les thèmes récurrents de la collection. La perle est très présente, car chaque perle est unique. Or les bijoux Breguet sont uniques et s’adressent donc à des femmes uniques.  »

En 2002, le groupe ouvre un nouveau chapitre avec les bijoux Omega. L’histoire se poursuit en quelque sorte, car cette marque horlogère a un très grand passé joaillier qui s’est perdu dans les années 1970-1980. Les bijoux Omega s’inspirent du  » code génétique  » de la marque : l’esprit bicolore, une certaine technicité, sans oublier un bon rapport qualité/prix. La collection  » Griffes  » évoque les quatre griffes qui enserrent la lunette du boîtier de la montre Constellation. Elles apparaissent sur les bagues, les colliers, les bracelets et les boucles d’oreille. La collection  » Symbole  » évoque la lettre Omega et donne naissance à des bagues en or jaune ou blanc ainsi qu’à un collier très épuré, serti ou non. La collection réunit des modèles en série et des séries limitées pour les pièces les plus prestigieuses, comme par exemple ce collier délicat en or et diamants, terminé aux extrémités par deux balles de tennis en or, créé pour Martina Hingis.

Enthousiaste et infatigable, Arlette Emch met la dernière main à son nouveau projet : une ligne de bijoux griffée Calvin Klein, prévue pour 2004. Elle sera pure, minimale, sensuelle et novatrice. Pour l’instant, on n’en saura pas plus.

Barbara Witkowska

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