Pas de vacances sans un bon livre ! Et pour vous aiderdans votre choix, les journalistes de Weekend vous offrent leur sélection. Thrillers ou romans, il y en a pour tous les goûts.

Vacances en mélancolie

Chaque semaine, découvrir la dernière chronique signée François Reynaert dans le Nouvel Observateur reste un plaisir inusable. Alors, quand il sort un livre, naturellement, on se jette dessus. Après avoir investigué les ressorts du comique dans Nos amis les journalistes, et soulevé les questions de genre dans Nos amis les hétéros, revoici Basile Polson, double romanesque de l’auteur, aspiré ici par la nostalgie,  » cette maladie de vieillard qui étouffe l’époque « . Tout commence par un e-mail dans lequel un ami de jeunesse convie Basile et d’autres copains de vacances à un week-end souvenir aux Tournesols, le camping de leur adolescence. A partir de là, ce qui semblait se dessiner comme une comédie sympathique va basculer dans un récit où se mêleront tour à tour suspense, romance et journal intime. Le tout servi par une plume implacable de drôlerie et de justesse.

B.G.

Rappelle-toi, par François Reynaert, Nil Editions, 230 pages.

D’ombres et de lumière

A quoi tient un roman ? A la mort d’un père et à la lecture de ses Mémoires, aux attentats du 11 septembre et à l’effroi concomitant, à des ateliers d’écriture, enseignée dans une clinique psychiatrique, et à bien d’autres choses encore, en ce qui concerne Siri Hustvedt. Alors quand elle écrit, oui, elle emprunte directement à la vraie vie pour mieux la mêler aux histoires imaginaires et signer un Elégie pour un Américain universel et personnel à la fois. Son narrateur sera donc un homme, psychiatre, fils d’immigré, qui bataille avec les fantômes du passé, une tristesse latente et un secret de famille. Son New York rassemblera des artistes, des psychanalystes, des philosophes et une petite fille solaire. Son espace-temps fera des allers-retours, de l’immigration norvégienne à la guerre du Pacifique, avec arrêt dans le Minnesota et ses champs de maïs à perte de vue. Depuis Les Yeux bandés, on sait toute la subtilité dont Siri Hustvedt est capable. Elle dit qu’elle écrit parce que cela la rapproche du monde, qu’alors elle devient  » plus vivante « ,  » plus heureuse « . A la lire, on découvre que tout cela est contagieux, et c’est tant mieux.

A.-F.M.

Élégie pour un Américain, par Siri Hustvedt, Actes Sud, 394 pages.

Potins sur glace

A la suite du phénomène Stieg Larsson (Millenium), Camilla Läckberg apparaît comme une des nouvelles sensations du polar suédois. La Princesse des glaces, son premier roman traduit en français dans l’excellente collection Actes Noirs, navigue entre huis clos de village façon Desperate Housewives et récit psychologique à la Simenon. L’auteur tisse une intrigue un peu convenue. Certes. Mais là n’est pas l’essentiel : on savourera plutôt la remarquable mise en place d’un petit monde pas toujours très reluisant. Et le regard perçant de Läckberg sur les dérives ordinaires de ses contemporains. Subtilement décalé.

B.G.

La Princesse des glaces, par Camilla Läckberg, Actes Sud, 382 pages.

Carnet à spirale

D’abord, on ne voit que son profil, si net, si lumineux, sur la couverture de ce récit autobiographique. Puis forcément, on entend sa langue, d’emblée tumultueuse et fulgurante, déjà aimée dans L’Art de la joie. Sans fards aucuns, avec une lucidité écorchée, Goliarda Sapienza déroule Le Fil d’une vie, la sienne. Elle y met tout – et c’est beaucoup pour une seule femme – son enfance sicilienne à la fin des années 1920, la folie de sa mère, le socialisme révolutionnaire et le fascisme, le théâtre, les électrochocs et la psychanalyse. Une lettre ouverte en deux temps, comme une rédemption, où l’auteur, sans ambages, vouvoie le lecteur. Lequel, ému et bouleversé par ce plongeon en spirale, se met in fine à tutoyer Goliarda.

A.-F.M.

Le Fil d’une vie, par Goliarda Sapienza, Viviane Hamy, 344 pages.

Climat polaire pour nuits caniculaires

Oubliez toutes celles que l’on nomme les  » reines du crime  » car si il en existe bien une c’est certainement Mo Hayder. Visage d’ange, encadré de cheveux blonds, sa plume est en revanche trempée dans une encre hideuse, décrivant des crimes odieux dans un climat des plus glaçants. Ses romans (5 à ce jour) sont tous construits comme des horloges suisses aux tic-tac monstrueux avec des personnages terriblement humains mais tous torturés par d’horribles secrets. Son dernier roman Rituel qui se déroule à Bristol, en Angleterre, ne fait pas exception : c’est du tout bon thriller… Et après ce dernier et excellent opus, reprenez-en encore un peu avec son excellentissime et terrifiant roman Tokyo…

Ch.P.

Rituel, par Mo Hayder, Presses de la Cité, 418 pages.

Destinées sentimentales

Anne-Marie Garat poursuit son feuilleton inauguré avec Dans la main du diable. On retrouve la famille Galay , les rois du biscuit au cours des années 1933-1934. Les deux héroïnes, Camille Galay et Elise Casson, vont chacune connaître des destins des plus extraordinaires. Mais le véritable fil conducteur de ce roman polyphonique est en vérité l’avant-guerre : la montée du nazisme en Allemagne et les camps de concentration, le Duce en Italie, l’espionnage mené par la Sécurité française ou encore des personnages plus clairvoyants qui devinent le sort qui sera réservé aux Juifs… On y croise Virginia Woolf, Cocteau et Brassaï, Goebbels et Goering. C’est foisonnant d’anecdotes, de romances et de sous-chapitres : de quoi largement tenir une bonne semaine de vacances….

Ch.P.

L’Enfant des ténèbres, par Anne-Marie Garat, Actes Sud, 645 pages.

Fenêtres sur cour

Volontairement solitaire, excentrique malgré elle, Claire Brincourt aime se faire spectatrice des petits drames ordinaires qui font le quotidien de son immeuble parisien. Parmi le menu fretin évoluant dans ces  » aquariums lumineux  » qu’elle observe pour tromper l’ennui, un spécimen rare la fascine : Monsieur Ishida, Japonais aussi séduisant qu’énigmatique. Très vite, la jeune femme soupçonne un lourd secret derrière la vie trop lisse de ce voisin trop parfait. Elle n’aura dès lors d’autre obsession que de faire remonter le passé à la surface. Entre étude de m£urs tendrement caustique et thriller psychologique, le premier roman de Sophie Bassignac nous plonge avec bonheur dans un microcosme savoureux.

D. Ki.

Les Aquariums lumineux, par Sophie Bassignac, Denoël, 250 pages.

Le c£ur a ses raisons

Depuis le décès de leur mère et une sombre querelle d’héritage, Vera et Nadezha sont brouillées. Pourtant, les deux s£urs vont devoir oublier leurs ranc£urs pour faire front commun face à l’ennemi. En l’occurrence, Valentina, belle et jeune Ukrainienne dont le tour de poitrine est proportionnel à l’ambition. Entendez : énorme. Pour assouvir son rêve de luxe à l’occidentale, la bombe platine est en effet prête à tout. Y compris épouser Nikolaï, octogénaire, amoureux, et – pour le malheur de Valentina – père de Vera et Nadezha. La bataille, qui s’annonce féroce, révélera aussi des secrets de famille jusque-là bien gardés. Une comédie de m£urs à la fois drôle, juste et grinçante.

D. Ki.

Une brève histoire du tracteur en Ukraine, par Marina Lewycka, Editions des Deux Terres, 424 pages.

Hollywood Boulevard

Envoyée spéciale permanente à Los Angeles d’un magazine de cinéma, Juliette se voit dérouler le tapis rouge par tous les studios hollywoodiens. Dans son agenda se bousculent avant-premières de films, invitations sur les tournages, rencontres plus ou moins intimes avec les stars. Sur papier, une vie de strass et de glam. Mais comme tous les rêves américains, celui de Juliette se met aussi à déraper. Basé sur l’expérience perso de Juliette Michaud qui fut pendant dix ans la correspondante aux Etats-Unis du magazine Studio, le livre, même s’il s’essouffle au final, amusera ceux et celles qui s’intéressent à cette monumentale industrie du divertissement. Aux rouages souvent écrasants.

I.W.

Junket, par Juliette Michaud, Sonatine Editions, 267 pages.

Pêche interdite

Amateurs de politiquement correct, passez votre chemin ! Les Indiens Makahs mis en scène avec une justesse terrifiante et drôle à la fois par Frédéric Roux, ne sont pas les héros romantiques d’une quête initiatique qui les reconnectera à l’héritage de leurs ancêtres massacrés et humiliés par les Blancs. Ces types-là sont des paumés, des vrais. Comme on peut en voir zoner par centaines dans les réserves misérables qui parsèment le sol américain. Et comme si cela ne suffisait pas, lorsque Stud et sa bande décident d’arrêter l’alcool, le chapardage et les filles faciles, ce n’est pas pour se lancer dans l’écotourisme. Mais pour se remettre à chasser la baleine grise. De quoi soulever un raz de marée médiatique, amenant à Neah Bay une meute de khmers verts davantage préoccupés par le sort d’un ou deux cétacés que par celui de leurs semblables. Un combat de la dernière chance peut alors s’engager…

I.W.

L’Hiver indien, par Frédéric Roux, Grasset, 550 pages.

Chic et suisse

Il s’en passe des choses derrière les portes capitonnées des banquiers et des collectionneurs d’art de la très austère Zürich. Enigmes, personnages troubles, intrigues, un monde foisonnant disséqué avec minutie par Martin Suter qui quitte ici le roman noir pour basculer vers un registre plus caustique et humoristique. Son héros, Adrian, un héritier dans la plus pure tradition de la haute bourgeoisie helvétique, la cinquantaine élégante, croise une jolie femme à qui on ne la fait pas. Entre eux deux, un tableau de maître, Femme nue devant une salamandre de Vallotton, qu’Adrian est chargé de vendre pour un ami désargenté. Des eaux troubles et chics, un zeste de cache-cache savamment orchestré, des entourloupes, des coups de théâtre, Suter a sorti le grand jeu pour nous tenir en haleine jusqu’à la dernière page d’un bon roman, dans la veine d’un Marc Lévy, et qui pourrait donner des idées à l’un ou l’autre cinéaste en mal d’inspiration.

C.L.

Le Dernier des Weynfeldt, par Martin Suter, Christian Bourgois, 406 pages.

B.G., A.-F.M., Ch.P., D. Ki., I.W., C.L.

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