Les dessous de Wonder Woman

DELPHINE KINDERMANS RÉDACTRICE EN CHEF © FRÉDÉRIC RAEVENS

Sandales en hiver, mohair en été… On sait que la fashion n’est pas à un paradoxe près, mais comment, diront certains, ose-t-elle pousser si loin la contradiction ? Pour ceux-là, à l’heure où, après le milieu du cinéma, celui de la mode fait son examen de conscience, les collections, elles, magnifieraient la femme-objet. Pour preuve, cette profusion d’épaules, de cuisses ou de seins dénudés, et ces tissus toujours plus moulants. Alors que, après Harvey Weinstein, c’était au tour des photographes Mario Testino, Bruce Weber ou Terry Richardson d’être mis à pied suite à des actes déplacés que jusqu’à présent on taisait (ou qu’on refusait d’entendre), l’hypersexualisation des vestiaires de ce printemps, mais également du précédent et de l’automne prochain, enverrait un signal inverse.

Une manière d’octroyer, à celles qui portent ces tenues osées en étendard, davantage de pouvoir.

Le #MyJobShouldNotIncludeAbuse, initié par le mannequin Cameron Russell, sorte de pendant fashion du #metoo lancé par Hollywood, serait-il mort-né ? Idem de la lettre ouverte de la supermodel Edie Campbell qui, le 9 novembre 2017, pointait dans Women’s Wear Daily les travers de l’industrie du vêtement et appelait à  » analyser les comportements que nous avons normalisés « , relevant qu’il était  » temps de nous autoréguler  » ?

En vérité, c’est à travers un tout autre prisme qu’il faut décrypter le sacre du corps dont de nombreux créateurs ont fait leur credo ces dernières saisons. Quand la même Edie Campbell arpente le podium de Versace en combi en Stretch et cape de Nylon, elle n’est pas en porte à faux avec la prise de position féministe qu’elle défendra ensuite dans le quotidien professionnel. Au contraire : c’est plus à une amazone façon Wonder Woman qu’il est fait référence dans son look qu’à une plastique sujette à tous les fantasmes. D’ailleurs, pour qui devrait encore en être convaincu, Donatella précisait à la fin du show qu’il était question de  » liberté de mouvement, d’activité, de lutter pour ses idées, d’être qui on veut « . Intention identique quand Saint Laurent propose aujourd’hui des bodys en cuir ultrasexy ou Dior de la transparence, elle aussi largement inspirée par les codes de la lingerie. Il faudrait dès lors voir, dans ces tenues osées, une manière d’octroyer à celles qui les portent en étendard davantage de pouvoir pour élargir le cadre social et politique dans lequel elles sont trop souvent enfermées. Ou quand les dessous s’affichent au grand jour, comme autant d’outils d’empowerment…

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