Barbara Witkowska Journaliste

Le rose est mis. Le rouge aussi. Jus et flacons nous invitent ainsi à la douceur de vivre. Pleins feux sur les nectars moelleux et sensuels qui nous plongent dans un univers de volupté.

On dirait que l’univers de la parfumerie s’inspire de la peinture de Pablo Picasso. Après la période bleue, illustrée par les fragrances marines, aquatiques, fraîches et assez incisives, voici la période rose et les parfums voluptueux. On est donc enveloppée par des notes plus chaudes, plus rondes et plus féminines qui riment mieux avec l’amour, l’affection et la tendresse. Tout le monde s’y met et même les grands classiques surfent, le temps d’un printemps, sur la vague rose. Comme, par exemple, Eternity de Calvin Klein. L’édition limitée s’appelle Love. Elle coule dans le même flacon à la géométrie épurée que l’original, habillé pour la circonstance d’un fourreau rose. L’écrin qui l’abrite est en lucite, également rose, aux bords biseautés. La nouvelle fragrance est plus tendre et plus romantique, bref plus rose. Tout démarre en délicatesse avec les notes de muguet et d’hémérocalle (lys d’un jour). Dans le c£ur, d’exquises notes florales se bousculent : on hume la pivoine rose, le jasmin et quelques pétales de passiflores roses. Des bois blonds, le bois de santal indien et des muscs font basculer cette symphonie florale dans un sillage sensuellement boisé.

Rose pour une saison

L’année 1947 marque le début de Dior. Christian Dior fonde sa maison de couture, présente sa première collection et lance le  » New Look « . John Galliano rappelle cette naissance avec un concept sympathique, baptisé Chris 47. Après la montre, voici donc le parfum. Tendre et juvénile, il adopte les codes pile-poil dans la tendance : la couleur rose, les strass et les paillettes. Le contenu étincelle également et s’ouvre dans un élan espiègle d’airelle, de roseau et de graine de paradis. Puis défilent des fleurs étonnantes : le freesia, la violette d’eau, le pois de senteur et la fleur de cactus. Ce cocktail tonifiant cède enfin la place à la langueur des muscs, des amyris et des bois flottés. C’est un romantisme teinté d’exotisme. Chez Guerlain, on est aussi titillé par des envies d’exotisme. Dans Cherry Blossom Glittering, c’est la sakura (la fleur de cerisier japonais) qui mène la danse. La bergamote, quelques feuilles de thé et des accords poudrés l’accompagnent dans sa ronde joyeuse. Cette délicieuse fragrance ne vivra qu’un seul été. Pour la rendre plus festive, on y a versé une pluie de paillettes qui nimbent la peau de reflets scintillants.

Rose couture

De Coco Chanel, on a retenu sa passion pour le noir, le beige et le blanc. Elle appréciait aussi le rose. C’est avec cette couleur tendre et féminine qu’elle tricotait ses célèbres twin-sets en cachemire, gansés de noir. Le rose de Chance, le nouveau parfum de la maison, est donc très Chanel. Enfermée dans un cercle parfait (pour changer du rectangle parfait abritant les parfums précédents), la fragrance fait tourbillonner à l’infini des accords nobles et sophistiqués. Le cédrat, la jacinthe, la baie rose, l’absolu d’iris, le jasmin, le vétiver frais et l’ambré de patchouli se bousculent, s’entrechoquent et se répondent dans un élan vibrant, frais et extrêmement féminin. Le couturier japonais Issey Miyake aime jouer avec les éléments naturels. Après L’Eau et Le Feu, il propose aujourd’hui Le Feu Light.  » Light  » ne veut pas dire  » allégé  » mais bien  » lumière « , interprétée à coups de bergamote, de rose et magnolia. Ce c£ur lumineux et éclatant de clarté se fond admirablement dans un sillage boisé-ambré lacté. L’Italien Salvatore Ferragamo nous offre, lui, Subtil, une version toute douce de son célèbre Parfum pour Femme. Le flacon, identique, est parcouru par d’étonnants reflets roses et rouges. A l’intérieur se déploie une nouvelle féminité, plus… subtile. La fleur d’oranger aquatique flirte avec les fruits d’eau puis dialogue avec la tulipe, le lys rouge, le jasmin et le muguet.

Rose synonyme de pureté

Lapidus avec Woman et Lancôme avec Miracle signent tous deux une allégorie sur le thème du premier matin du monde, du soleil levant, de la lumière rose du matin et de la beauté originelle. Dans Miracle, c’est un camaïeu de notes florales, relevées d’une rosée fruitée et d’épices chaudes qui s’épanouit sur la peau dans la caresse du jasmin, de l’ambre et des muscs. Woman, lui, s’ouvre sur un élan pétillant de freesia et de bergamote. La surprise vient du c£ur, avec les notes envoûtantes de jasmin et de la fleur d’oranger, contrastées par la transparence des fleurs de cyclamen. Le sillage est un souffle de volupté qui tresse les accords de patchouli, de vanille, d’ambre et de muscs. Les deux fragrances s’habillent de rose. Une tenue tout en rondeurs pour Woman, un flacon à la douce géométrie pour Miracle.

Rose shocking

C’est la couleur chérie de certains grands couturiers. Rendu célèbre par Elsa Schiaparelli, le rose shocking poursuit sa belle carrière dans l’univers olfactif de Givenchy et d’Escada. Le flacon de Very Irresistible de Givenchy est simple, pur et légèrement  » twisté.  » Une allusion au style  » twisté  » de la couture qui panache avec bonheur l’élégance à la française et la spontanéité américaine. Le jus ? C’est un hymne à la rose, surdosée à 35 %. On l’a mariée à deux compagnons inattendus : l’anis étoilé avec son odeur de fenouil et les feuilles de verveine, fraîches et énergisantes. Ce mariage irrésistible signe aussi une nouvelle famille olfactive, celle des floraux aromatiques. Capturé dans un flacon rose incandescent, Escada Magnetism déploie une personnalité flamboyante. Le départ est un vrai moment de gourmandise. Des notes de thym et de basilic s’imprègnent d’accords acidulés d’ananas, de melon, de prune et de cassis. Puis les fruits et les aromates s’effacent discrètement devant l’offensive opulente de la rose, du jasmin et de l’iris. Le sillage est d’une sensualité torride. L’ambre, le bois de santal, la vanille de Cashmere, le caramel et la noix de coco enveloppent la peau d’une aura magnétique.

Variations sur le rouge et le rose

Pour son premier parfum, Jean-Charles de Castelbajac a dessiné un flacon-doudoune, tout rouge, bourré d’énergies positives. Rien de tel pour bien tenir au chaud une fragrance qui nous rappelle notre enfance avec l’odeur de colle blanche comme au bon vieux temps de l’école. Celle-ci est sublimée par des accords fève tonka et oranger. L’amande, très présente, lui confère un sillage dense et puissant. Cette Eau de Parfum riche, sophistiquée et complexe, est surtout appréciée en hiver. Alors bonne nouvelle pour les inconditionnelles de Castelbajac. Au mois d’avril, sortira sa petite s£ur, en version Eau de Toilette. Bâtie sur le même thème et la même idée, elle sera plus jeune, plus sport et plus souriante. Pour gommer la rudesse et l’amertume d’amande, on lui a ajouté quelques zestes de pamplemousse et de bergamote et quelques feuilles de tomate. Tout ce qu’il faut, pour pétiller de charme et d’émotion. L’habit devient aussi plus printanier. Le rouge mute en rose, un rose  » girly « , très tendance. Le tout est comme un coup de gloss, juvénile et frivole.

Envies de rouge

Vibrant, intense et passionnément sensuel, le rouge a la cote. Kenzo l’emprunte pour habiller Le Parfum de FlowerbyKenzo. Créé en 2000, en version Eau de Parfum, le jus était révolutionnaire dans le sens où il  » inventait  » le parfum, légèrement poudré, du coquelicot, une fleur qui n’a pas d’odeur. Le Parfum est plus opulent, plus mystérieux et plus enveloppant. Ambre onctueuse et amande caressante sont attisées par quelques larmes de résine d’opopanax et des étincelles de vanille. Chez Rochas, on voit aussi rouge. Absolu, le voluptueux, devient, le temps d’une édition éphémère, carrément Intense. Le flacon est d’un rouge vibrant comme un rideau de théâtre. Le lys et la tubéreuse sont au centre de la composition. Ils flirtent, en tête, avec l’essence de mandarine et les feuilles de figuier. Dans le sillage, la vanille, le bois de santal et l’ambre murmurent des propos emplis de haute séduction.

Rouge hypnotique

La sensualité monte d’un cran et la séduction se fait hot. Voici trois fragrances qui chuchotent leurs notes intimistes et torrides à fleur de peau. Au c£ur de Hugo Boss Intense bat une nouvelle fleur, utilisée pour la première fois en parfumerie. La petite orchidée vanillée est le  » bijou des montagnes suisses  » où elle s’épanouit dans une robe rouge très vif. Son odeur est à la fois fraîche et verte, chaude et intense. Pour lui tenir compagnie, on a choisi les plus nobles parmi les fleurs : le jasmin et la rose turque. La température grimpe avec une poignée d’épices vibrantes : le kumquat, le poivre et l’anis étoilé. Enfin, on arrive à l’essentiel. Le benjoin de Siam, l’opopanax, le santal et le labdanum dessinent un fond profond et ambré, d’une richesse extrême, comparable à celui des parfums masculins. La séduction à l’état pur. Emporio Armani habille Night for Her d’une robe flamboyante, au fini précieux de laque orientale. La myrrhe et la pivoine pourpre jouent les reines de la nuit, portées par le souffle chaud de violette, d’iris poudré, de patchouli et de muscs blancs. Dans un flacon rouge explosif, auréolé de courbes sensuelles, voici Amor Amor de Cacharel. Ses notes d’agrumes, de jasmin, de rose rouge et de vanille donnent, elles, du punch et de l’énergie.

Barbara Witkowska

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