Barbara Witkowska Journaliste

Sans bousculer les règles de la grande parfumerie française, les jeunes créateurs insufflent un air de modernité dans nos émotions olfactives. Portrait de quatre d’entre eux, en odeur… d’originalité.

CHRISTOPHE RAYNAUD (GIVAUDAN)

Ses créations. Chrome Legend d’Azzaro (photo) est la toute nouvelle version de Chrome, un masculin qui connaît un beau succès depuis belle lurette. Interprétée par Christophe, la fragrance puissante et pleine de personnalité gagne en fraîcheur et en intensité boisée (sortie en mars 2008). Céline Dion-Belong est composé autour d’une orchidée qui embaume le chocolat, pour la sensualité, et de notes plus pétillantes et aguichantes.

Sa première rencontre avec le parfum. Le premier parfum que Christophe a porté adolescent,  » par amour de l’olfactif « , est L’Homme de Versace. Les nombreux compliments reçus lui ont fait réaliser à quel point le parfum est important pour se faire plaisir et faire plaisir aux autres.

Son style. Créer de vrais parfums puissants et diffusifs (à condition de sentir bon !) qui laissent un vrai sillage derrière la femme qui passe dans la rue. Accro d’une parfumerie de qualité, Christophe vise un juste équilibre entre la diffusion et le raffinement, en associant un maximum de matières premières naturelles avec des notes boisées et ambrées.

La matière naturelle qui l’inspire le plus. La rose et ses différentes facettes. Christophe adore l’odeur de la pivoine mais son essence est impossible à ex-traire. Or, l’essence de la rose permet de recréer la facette rosée de la pivoine. Associée à d’autres molécules, elle donne alors ce côté frais et humide de la pivoine. Quant à l’absolu de rose, il aime bien l’utiliser dans les fragrances masculines pour y apporter une touche raffinée.

RANDA HAMMAMI (SYMRISE)

Ses créations. Pharmacienne de formation, Randa est une toute jeune parfumeuse. Pendant quelques années, elle a secondé Maurice Roucel dans la création, notamment, de Be Delicious de DKNY une gourmandise de la pomme verte, et de L de Lolita Lempicka, un jus addictif rehaussé de vanille et d’immortelle. Avec Sylvaine Delacourte, elle a signé L’Instant Magic de Guerlain (une partition en muscs majeur, rose et fleurs blanches). Son premier grand parfum, composé en solo, s’appelle Elissa et est dédié à… Elissa, la  » Céline Dion libanaise  » (sortie en juin 2008).

Sa première rencontre avec le parfum. De père syrien et de mère française, Randa a grandi en Syrie, un pays où on est constamment entouré par des senteurs les plus extraordinaires : le jasmin, les nuits d’été, mais aussi la rose et les parfums des arbres.

Son style. La parfumerie romantique, un brin orientale, inspirée par les fleurs. Randa privilégie l’esprit classique. Les senteurs provocatrices ne la font par rêver.

La matière naturelle qui l’inspire le plus. Sans hésitation la rose, base de tous les parfums féminins. Sa diversité de nuances olfactives est telle que l’on ne se lasse jamais. Les fleurs en général sont une source d’inspiration inépuisable. Randa craque aussi pour le jasmin, le chèvrefeuille et la tubéreuse.

MARIE SALAMAGNE (FIRMENICH)

Ses créations. La nouvelle fragrance masculine TokyobyKenzo est un boisé épicé chaud et fumé avec une touche d’amertume. Let It Rock (photo) le dernier opus féminin de Vivienne Westwood, lui, s’adresse aux jeunes filles désinvoltes et sexy et interprète en version moderne et transparente, l’ambre et, surtout, le patchouli, symbole des racines du rock.

Sa première rencontre avec le parfum. Les parfums de toutes les femmes qui l’entouraient dans son enfance, sa mère, sa grand-mère, ses tantes et ses institutrices. Marie a gardé un souvenir très présent et très précis de l’odeur de chaque femme, née du mélange du parfum sur sa peau.

Son style. La recherche d’une certaine ambiguïté dans les créations. Les matières premières de prédilection de Marie sont les baumes, les résines, les bois et les épices. Au final, on décèle une part de masculinité dans ses parfums féminins et une part de féminité dans ses parfums masculins.

La matière naturelle qui l’inspire le plus. De manière générale, Marie aime les matières à fort caractère. Le patchouli en fait partie. Multifacettes, il peut être sublime. Il peut, aussi, ne pas convenir du tout. Utilisé dans les règles de l’art, c’est lui qui apporte à un parfum toute sa magie et son mystère.

AURÉLIEN GUICHARD (GIVAUDAN)

Ses créations. Une nouvelle interprétation de L’Air du Temps, parfum fétiche de Nina Ricci placé sous le beau symbole de la colombe. Plus jeune et plus pétillante, L’Eau du Temps (photo) est une eau florale fraîche qui respecte l’inoubliable esprit fleuri et épicé de son aînée. Pour les hommes, Aurélien a réussi (avec la complicité de trois autres parfumeurs) un très beau challenge en créant Unforgivable, la fragrance du rappeur américain Sean John. Ce travail sur la dualité entre le confort et la fraîcheur est déjà un immense succès mondial.

Sa première rencontre avec le parfum. Sa famille est originaire de Grasse, ses grands-parents avaient des champs de roses et de jasmin, son père était parfumeur. Né dans le parfum, Aurélien a eu un choc olfactif lorsqu’il a croisé, adolescent, une dame en fourrure portant L’Heure Bleue de Guerlain. Cette rencontre avec la beauté d’un parfum et avec le souvenir qu’il évoque pour un homme, a décidé de sa carrière.

Son style. Parfumeur depuis cinq ans, Aurélien avoue modestement ne pas avoir encore trouvé son style. Il aime exprimer la féminité à travers les fleurs, traduire la masculinité par l’intermédiaire des bois. Sa façon de travailler serait  » assez naïve « , la plus spontanée possible, sans trop réfléchir.

La matière naturelle qui l’inspire le plus. La rose dans tous ses états, sous forme d’absolu ou d’essence. A la fois très complexe et très simple, évidente, elle donne une richesse incroyable à une création olfactive.

Barbara Witkowska

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