Se faire une petite partie entre amis, c’est plutôt in. Et de saison. Surtout quand l’électronique s’en mêle. Cet hiver, des dizaines d’adversaires virtuels sortent des plateaux de jeu. Sans parler des DVD qui mettent les quiz en images. Aux Etats-Unis, le phénomène est en pleine expansion. Le  » jeu de société  » aurait-il fait son temps ?

Carnet d’adresses en page 136.

Il y a d’abord ce chuchotement lancinant et ce puits sans fond qui semble vous conduire tout droit dans les galeries glauques des mines de la Moria. Mais l’homme qui se tient sur son piton rocheux au milieu d’une mer de lave n’est pas un héros de Tolkien. Malgré le son Dolby Digital et l’écran qui vous fait face, vous n’êtes pas sur le point de vaincre en solitaire, manette à la main, les Orcs hideux de l’infâme Soron. Comme tous ceux et celles qui se sont installés autour de ce plateau posé près du téléviseur, vous allez devenir pour 49 minutes exactement le souffre-douleur du  » Seigneur des Clés  » (Parker). Un joueur virtuel dont les actions aléatoires, stockées sur un DVD, pimenteront ce qu’il convient encore d’appeler aujourd’hui un  » jeu de société « .

C’est de saison : les boîtes porteuses d’un petit disque accrocheur – on croit utile toutefois de vous prévenir, sur l’emballage, que ni le téléviseur et ni le lecteur ne sont fournis… – se sont multipliées dans les rayons. Côté quiz,  » Scene it  » (Mattel) vous invite à faire étalage de votre culture cinéma, en faisant appel à votre mémoire ou votre bon sens pour reconnaître des acteurs lorsqu’ils étaient plus jeunes, fredonner des génériques ou répondre à des énigmes cachées dans les extraits de films que vous visionnez durant la partie. Aux Etats-Unis, où le jeu a été lancé par deux copains il y a trois ans, avant d’être repris par Mattel quelques mois plus tard, on ne compte plus les versions thématiques : Harry Potter bien sûr, James Bond, Télé, Disney, Warner Bross…, tout le petit monde de l’image américain tient dur comme fer à être de la partie. Même HBO, la chaîne de télévision payante à qui l’on doit les séries cultissimes comme  » Sex and the City « ,  » Les Sopranos  » ou  » Six Feet Under « ,

a sorti son propre  » addendum « .

L’avenir du jeu de plateau passerait-t-il par le DVD ?  » Pas du tout « , nous assure Kris De Keyser, marketing manager chez Hasbro qui distribue notamment les classiques Parker en Belgique. Ici aussi, le DVD fait sa grande entrée. Avec notamment une version multimédia de l’increvable  » Trivial Pursuit  » qui vient de fêter ses 20 ans d’existence.  » Nous avons assisté à l’arrivée des jeux électroniques ces dernières années, mais les jeux  » traditionnels  » n’ont pas disparu pour autant, insiste notre interlocutrice. L’idée ici est de toucher une nouvelle cible de joueurs.  » Ces adulescents qui se retrouvent dans la tranche 15-30 ans, mordus d’images et de technologie, branchés sur une culture plus people, plus événementielle aussi. Ce qui explique le profil plus trendy des six catégories de questions proposées.  » De cette manière, on attire vers le jeu de société un public qui n’y avait pas ou plus goûté depuis longtemps, renchérit Didier Delhez, rédacteur en chef du tout nouveau magazine belge  » Plato  » consacré justement à ce secteur du loisir. Dans l’espoir qu’il redécouvre le plaisir de jouer et se tourne ensuite vers les centaines de nouveautés faciles d’accès qui sortent chaque année.  »

Toujours dans l’idée de booster ses classiques, Parker a aussi mis son  » Cluedo  » à l’écran : les interventions répétées du majordome et de l’inspecteur chargé de l’enquête épicent un brin le principe du jeu, toujours identique, basé sur la simple déduction logique. L’an dernier, c’était le plateau bourré d’électronique, qui dirigeait la chasse au suspect. D’autres depuis ont suivi la tendance.  » Le Roi Arthur  » (Ravensburger) mélange technologie et magie légendaire. Un cocktail qui plaira sans doute aux parents, comme aux  » gamers « . C’est au toucher que répond le boîtier central qui enregistre ainsi les moindres mouvements des pions chevaliers. Dans le carton se cachent des circuits aux possibilités d’interaction quasi infinies qui donnent voix et vie à 38 personnages différents. Cela va faire du monde autour de la table. Ronde, évidemment.

Isabelle Willot

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