Ultracréative, la Ville blanche est toujours en mouvement. Entre Occident et Orient, la belle vit jour et nuit des moments joyeux ou il fait bon vivre. Visite d’une Tel-Aviv vibrante, romantique ou électrique…

Tout se joue dans les premières heures :  » Telav « , on aime… ou on n’aime pas. Autant vous dire que nous, on aime. Beaucoup. Cosmopolite, tendue, joueuse, elle s’agite, sort, s’échine, s’amuse… ne dort jamais. Une vibration l’anime jour et nuit. Comme pour oublier les soubresauts de l’Histoire et de la politique, Tel-Aviv ne cesse de bouger, déborde de vie. Un air de vacances l’ensoleille, de sa longue plage aux cafés bondés, dans les restaurants, les galeries d’art qui pullulent. Plongée dans cinq quartiers et autant de visages d’une ville généreuse, sans repos.

L’esprit bohème de Neve Tzedek

Neve Tzedek est un village dans la métropole, ponctué de patios fleuris, planté de pamplemoussiers. On y goûte le charme bohème des petites bicoques blanches tout droit sorties d’une île sicilienne. Les Telaviviens plébiscitent ce quartier chargé d’histoire, artiste dans l’âme. La crème des danseurs du pays travaille au sud de Neve, au Centre Suzanne Dellal. Au nord se tient la plus célèbre école de poésie de la ville : c’est Alma, une bâtisse jaune peuplée de chats. Ne soyez pas surpris d’apercevoir, plus loin, une tour ultramoderne.  » Tel-Aviv jongle avec ses identités multiples « , dit Raphaël Zagury-Orly, philosophe amoureux de sa ville.  » Les pères fondateurs d’Israël voulaient qu’elle reflète un idéal de pureté, mais Tel-Aviv nous dit tous les jours que cet idéal n’est qu’un fantasme.  » Alors on savoure le rythme anarchique de Neve Tzedek. Maison galerie d’art, l’émouvante villa Rokach retrace, à malles grandes ouvertes, l’histoire de la naissance de Tel-Aviv. En face, un étal de livres anciens, sans vendeur : les passants se servent et glissent le prix du livre dans une petite boîte. A Neve, chacun déniche sa perle rare.

Balade archi à Rothschild-Dizengoff

Le c£ur de Tel-Aviv embrasse à la fois les rues populaires, vibrantes de cris et de couleurs, et l’élégance impeccable de l’architecture Bauhaus. Antichambre du chic, le marché de Shouk Ha-Carmel : ici, les jeunes filles se baladent en croquant des graines de grenade, pendant que les mammas négocient les ananas confits chez le marchand de fruits secs. Ça sent la symphonie d’épices, l’arabica moulu, l’huile d’olive fraîche. Les vendredis, les intellos de la ville se retrouvent au café Tamar, sur la rue Sheinkin, pour refaire le monde. A quelques mètres, le boulevard Rothschild, cerné d’hôtels particuliers aux lignes atemporelles et de maisons au style dit  » éclectique « , très prospères (rococo, néoclassique, pleines de moulures et de fioritures). On y respire le fol espoir des années 1930. Quand les disciples du Bauhaus fuyant le nazisme rêvaient de faire de cette jeune cité un bout d’Europe en terre d’Orient. On passe devant la maison Levine (n° 46), aux faux airs de palais italien, avec sa belle couleur d’or, ses fioritures chargées. Puis devant cet immeuble (n° 76) aux lignes impeccables, façade de verre géométrique et cage d’escalier en acier majestueuse… Les styles défilent : c’est la plus belle balade architecturale de la ville.

La renaissance du port de Tel-Aviv

Au bout du ruban de plages à l’eau cristalline, tout au nord, le quartier du port incarne le renouveau de Tel-Aviv. Il y a encore cinq ans, c’était un no man’s land. Aujourd’hui, les grands hangars ont été rénovés, peints de couleurs vives, le quartier métamorphosé prend des faux airs de Barcelone. Son centre névralgique ? Le Comme il faut, un café-concert qui défraie régulièrement la chronique avec ses catalogues contestataires (photos de belles septuagénaires ultralookées, défilé près du mur de séparation), son Spa interdit aux hommes et ses produits made in kibboutz : c’est le rendez-vous des familles bobos, qui viennent y bruncher bio le samedi. Mul Yam, la meilleure table d’Israël, règne sur le quartier depuis deux ans déjà. Shalom Maharovsky, son propriétaire, y sert des poissons ultrafrais et les meilleurs vins israéliens.  » Le quartier du port, dit-il, est un concentré de cette ville en devenir : ici, on aime se comparer à New York. Mais Tel-Aviv reste la plus orientale des cités modernes… et la plus européenne de l’Orient.  » Jolie définition.

Old Jaffa, l’antique

Jaffa, plusieurs fois millénaire, toise Tel-Aviv moderne du haut de son promontoire. N’est-elle pas un des plus anciens ports du monde, où l’on dit que Jonas leva l’ancre avant de finir dans le ventre de la baleine ? Jaffa, c’est l’antique c£ur arabe de Tel-Aviv. En 1965, la municipalité a entrepris de restaurer la ville, espérant la faire entrer au patrimoine mondial de l’Unesco. Les portes de la citadelle se sont ouvertes aux artistes locaux. Résultat : Jaffa compte parmi les meilleures galeries d’art contemporain du pays. Comme la maison d’Ilana Goor, qui regorge d’art brut. De son toit-terrasse planté de sculptures, on embrasse la Méditerranée et le bord de mer qui s’étire à perte de vue. Ou encore la galerie où Riva Zohar expose ses peintures naïves, très inspirées du Douanier Rousseau. A l’est de la tour de l’Horloge s’étend le marché aux puces. Le vendredi, la foule est dense et tout le monde négocie sec son foulard frangé, ses casseroles en cuivre ou son vieux samovar… Tout autour, des pâtisseries orientales, des marchands de fruits et légumes, des brocanteurs pittoresques. Sur le coup de midi, chacun part, ses trouvailles sous le coude, se payer une grillade ou un houmous sur le pouce dans l’un des bouis-bouis du coin. Dans les bars à narguilé, les joueurs alpaguent parfois les passants pour disputer avec eux une partie de backgammon… Avec ses venelles tortueuses, ses citronniers odorants, Jaffa reste la promenade romantique préférée des Telaviviens, qui viennent respirer les embruns en flânant sur ses remparts.

Lilienblum, scène de la nuit

Les Telaviviens sont des noctambules invétérés : ils se donnent rendez-vous vers 22 heures, dînent et filent de fête en fête. La soirée démarre toujours sur Lilienblum : par exemple, à l’Abraxas, un bar qui vibre sur des sons de rock alternatif jusqu’au petit matin. Ici, les rois de la nuit s’échauffent, se croisent, se refilent les bons tuyaux en commandant des  » caipirinhas « . D’autres se donnent rendez-vous chez Nanouchka, un bar géorgien à la déco kitschissime, et à la populace haute en couleur. La scène électro du pays est en passe de devenir l’une des toutes premières du monde. Le Barzilay, une boîte de la zone industrielle, met à l’affiche la fine fleur de l’électro israélienne – DJ Guy Gerber, Soulico ou encore Izabo.  » On dit souvent qu’ici on vit au jour le jour, qu’on est accro à la fête, confie Onili. C’est vrai… Mais ce qui est aussi vrai, c’est qu’on essaie juste de vivre comme tout le monde. « 

Cécile Allegra Photos : Dinu Mendrea

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