LES NEIGES DU COLORADO
Entre Aspen et Vail, les Rocheuses abondent en pistes douces et en restos raffinés. Découverte d’un ski grandiose et hédoniste dans l’Ouest américain.
Des monts ronds comme les volcans d’Auvergne, des bisons dans les flocons : parcourir les derniers kilomètres entre Denver et Aspen chatouille le mythe qui sommeille en tout skieur. Aspen, où tombe la neige la plus chic du monde : Paris Hilton y passe le Nouvel An, Melanie Griffith et Antonio Banderas y sont accros… Mais la station de ski, championne ex aequo avec Gstaad du snobisme montagnard, vaut-elle les dix heures de vol transatlantique ? Présentement, la nuit tombe sur Aspen Village, réveillant la myriade de loupiotes sur les boutiques (Burberry, Moncler, une vitrine où trônent des Moon Boot en vison), les idylliques maisons en bardeaux blancs et les jolies briques rouges du centre-ville, rappelant la préhistoire minière d’Aspen.
Premières pistes. Le télésiège grimpe les 1 000 mètres de dénivelé – au sommet, on dépasse les 3 400 mètres, plus que l’altitude de Val-Thorens, la plus haute station d’Europe ! Pourtant, il y a des sapins partout – cette surprise botanique tient au fait qu’Aspen se situe à la même latitude que la Sicile, nettement plus au sud que la haute montagne savoyarde. Autres avantages : vous êtes quasi seul sur les pistes, car les Américains n’ont pas de vacances scolaires en février ni à Pâques. Et la glisse associe le sport aux progrès linguistiques. Ici les pistes sont des runs, damées par des snowcats (Ratrack) qui lissent 30 % des descentes seulement, pour la plus grande joie des amateurs de bumps (bosses).
À ASPEN PARMI LES RICH AND FAMOUS
Et la neige ? La fameuse neige » poudre de champagne » qui fait la réputation mondiale de la station ? Crissante comme du sucre, elle ne mouille pas les lunettes et ne » croûte » pas, à cause du climat ultrasec et ensoleillé (le Colorado est quand même un vaste désert). On la savoure sur des domaines skiables immenses, et plutôt pépères : ce n’est pas ici que les fans du grand frisson oublieront les pistes noires de Chamonix. La vraie supériorité du ski à l’américaine est moins le challenge sportif qu’un incroyable art de vivre. Au Sundeck, le bistrot d’altitude, oubliez tartiflettes et saucisses-frites : hamburgers dignes des meilleures brasseries, woks de légumes aux crevettes soignent le skieur, huîtres et légumes frais à gogo rappellent que les côtes du Pacifique et les vergers de Californie ne sont pas loin. Grandes tablées sans chichis ni doudounes Gucci ou D&G : être là suffit à se poser comme membre de la communauté des rich and famous. À la fin de la journée, un concierge prend vos skis : demain, ils vous attendront là où vous le souhaitez, en bas de l’un des quatre domaines d’Aspen. Ce service est gratuit, tout comme le café matinal, les échantillons de crème solaire, les Kleenex au pied des pistes, et le souci permanent qu’ont les Américains de votre bien-être. » Si c’est votre première visite, nous pouvons vous accompagner sur les pistes. Nous aimons Aspen, et faisons tout pour que vous vous y sentiez chez vous ! » dit, souriant, Wilfried,ex-pharmacien reconverti en guide bénévole depuis sa retraite. Tant de cocooning rend l’idée de skier l’an prochain dans les Alpes un peu stressante.
VAIL À LA MODE AUTRICHIENNE
À une heure de route d’Aspen, voici sa cousine Vail. Le » village » s’étire le long d’une barre montagneuse sur 11 kilomètres – la plus grande station de sports d’hiver américaine rivalise de chalets géants et le centre-ville, entièrement piéton, ressemble au décor de Sissi Impératrice. Construit ex nihilo en 1966, ce rêve autrichien exerce un peu la même séduction que Disneyworld, et agace pour les mêmes raisons. Des manteaux de lynx ou de renard longs jusqu’aux pieds défilent dans les rues ouatées, tandis que les derniers skieurs déchaussent. C’est l’heure du spa au tout nouveau Four Seasons, avant le risotto du Campo de Fiori ou les raffinements des » bistrots « . Mêmes paillettes qu’à Aspen, même gastronomie digne du guide Michelin. Et mêmes versants arrondis, où les pistes noires vous offrent l’illusion flatteuse de godiller comme Lindsey Vonn.
DÉCOR DE WESTERN À BRECKENRIDGE
Changement de style à Breckenridge. L’altitude y est pour quelque chose – 2 926 mètres. La ville s’étend le long de la Blue River et les anciennes maisons de mineurs alignent toujours leurs bardeaux colorés sur Main Street. Au centre de ce décor de western, ne pas manquer le musée, qui raconte la rude vie des chercheurs d’or, terrassés par le froid glaciaire et le mal des montagnes. Et c’est vrai que la tête tourne dès le bas des pistes, aussi élevées que les cimes d’Aspen. Le challenge local consiste à braver les vents de l’Imperial Express, le plus haut télésiège d’Amérique du Nord, pour atteindre le sommet. À 3 900 mètres, le blizzard glacial rase une montagne dénudée, hostile, que l’on fuit presque tout schuss. Au bout d’une descente interminable, on aperçoit la lumière d’un chalet : c’est un refuge, chauffé, des rescapés allongés à même le sol récupèrent dans ce Far West montagnard rude, entier, sauvage. À mille miles des paillettes. n
PAR NATHALIE CHAHINE
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