Décliner leurs classiques en version plus tonique, les grands parfumeurs ne jurent plus que par ça. Les hommes plus jeunes sont visés. Mais aussi les convaincus qui redécouvrent autrement leur jus préféré.

Il faut se méfier des idées reçues. Réputé volage en amour, l’homme serait en revanche beaucoup plus constant que sa compagne dès qu’il est question de son parfum favori. C’est en tout cas ce qui ressort de la dernière enquête réalisée par Givenchy (*) sur les habitudes masculines en matière de parfumage. On y apprend ainsi que 40 % des hommes se contentent d’une seule fragrance, 30 % de deux. Mais surtout que près de 80 % d’entre eux restent fidèles à ce qu’ils portent pendant au moins 3 ans !

Beaucoup moins volatil que son pendant féminin qui multiplie les sorties saisonnières d’éditions éphémères, le marché masculin du parfum préfère revisiter ses classiques de manière plus pérenne, à la manière d’une deuxième ligne, plus jeune, plus casual, sans trahir pour autant les codes de la marque. Ainsi, lorsque Burberry lance une variante Sport de son original For Men (1.), la référence à ses collections du même nom est immédiate.  » Le sport s’inscrit dans le prolongement naturel de notre identité « , justifie Christopher Bailey, directeur artistique du label britannique.

Au final, si l’estampille et le jus lui-même sont bel et bien différents du tout premier parfum, l’univers, lui, reste familier. Ainsi, inspirée par Gucci by Gucci, la toute nouvelle version SPORT (5.) de ce best-seller lancé en 2008 partage avec son grand frère les mêmes codes graphiques – un flacon à bouchon chromé en forme d’étrier – et surtout la même égérie : l’acteur américain James Franco ( lire en pages 64 et 65) qui, au lieu de déambuler en costume bien coupé, fait jouer ses pecs au bord de la piscine pour la campagne du nouveau jus.  » Côté fragrance, nous avons voulu créer la surprise en inversant purement et simplement la pyramide olfactive, explique-t-on chez Gucci. Nous voulions évoquer la liberté, le désir de jouer. L’océan aussi. Sans pour autant tenter de reproduire une note marine au premier degré. Pour traduire cette énergie, cette puissance, nous avons misé sur les odeurs d’agrumes, du citron vert, du pamplemousse, de la mandarine. Mais pour éviter qu’il ne soit trop fugace, nous lui avons donné du corps et de la rondeur en ajoutant de la figue. Surtout nous l’avons épicé, avec une pointe de cardamome et de patchouli déjà présent dans le classique.  »

Ces liens, aussi ténus soient-ils, suffisent à rassurer les hommes avides de changementà dans la continuité.  » Ils ne se laissent pas aussi facilement influencer par les concepts, affirme Françoise Donche, olfactologue chez Givenchy. Ils intellectualisent moins le parfum que les femmes. L’univers évoqué par une égérie peut les aider à dire : « Oui, cela pourrait peut-être être moi. » Mais au final, la marque reste déterminante dans la décision d’achat.  » Sur Allure de Chanel (8.), p de Givenchy (4.), ou KenzoPower de Kenzo (9.), les mots Sport, Néo ou Cologne qui se greffent sur le packaging, loin de brouiller le message, renforcent encore l’identité d’une maison qui, pour un homme sur quatre, apparaît comme le premier critère de choix.

Si l’envie de plaire motive bien sûr le coup de splash du matin, se parfumer reste pour près d’un homme sur deux un acte étroitement liéà à l’hygiène – d’où le succès des eaux fraîches associées à un sentiment de propreté – et au bien-être que procure notamment l’exercice physique – d’où la déferlante des fragrances à caractèreà athlétique. Lorsque Biotherm lance Force (6.), son premier masculin, c’est d’emblée ces deux univers qui sont convoqués. Tant dans le choix on ne peut plus musclé du nom que dans les lignes du flacon rappelant les courbes d’un haltère.

Si bien sûr ces  » eaux fraîches  » ou  » eaux de sport  » sont là pour distraire – sans trop les disperser – les fidèles de la marque désireux de révéler une autre image d’eux-mêmes, elles ciblent aussi une clientèle plus jeune. Comme le révèle encore l’enquête Givenchy, les premières découvertes olfactives sont étroitement liées au rasage, expérimenté à l’adolescence. Ainsi, 64 % des hommes interrogés avaient entre 15 et 20 ans lorsqu’ils ont utilisé une eau de toilette pour la première fois ! Celle-ci étant davantage perçue comme un complément des produits de soin employés avant et après le passage de la lame ou du rasoir électrique.

Pour Françoise Donche, le rasage qui s’opère dans la zone du visage, très proche du nez, généralement le matin quand tous les sens sont en éveil, à l’aide de mousses et de gels  » sentant le propre  » pourraient expliquer le goût plus prononcé des hommes pour les senteurs pures, fraîches, claires, transparentesà que l’on retrouve en masse dans ces fragrances plus légères. Dans L’Eau de Guerlain Homme (2.), le pamplemousse et la bergamote viennent réveiller l’accord – déjà très givré – de la menthe et du géranium. Dans L’Eau Fraîche de L’Eau Bleue d’Issey (3.), la bergamote – toujoursà – et la menthe fraîche ont remplacé, en notes de tête, la citronnelle et la badiane plus enveloppantes.

Mais l’odorat, comme le palais, change et s’éduque avec le temps qui passe. A 30 ans, après n’avoir enfilé que des jeans et des baskets, on se sent un jour prêt à porter le costume. Et les senteurs d’Habit Rouge (7.). Tout courtà n

(*) Sondage réalisé en France tous les trois ans sur un panel d’environ 400 hommes.

Par Isabelle Willot

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