Implanté au bord du canal de Bruxelles, le site de l’ancienne brasserie Belle-Vue, à Molenbeek-Saint-Jean, accueillera très bientôt un hôtel low-cost et la première tour de logements passive de la capitale. Visite guidée.

« J’ai de la poussière de brique dans le sang « , lâche Jean-Paul Pütz, le promoteur de ce chantier XXL. Autour de nous, de la brique, mais aussi du béton et des tapis colorés en attente de pose squattent les vastes couloirs de l’ex-brasserie Belle-Vue. Objectif ? L’ouverture, le 1er mai prochain, d’un hôtel Meininger (*) au concept urbain, low-cost et basse énergie.  » On a conservé la structure d’origine. C’est ici que la Kriek fermentait, et puis il y avait ces énormes tonneaux dans l’entrée… C’était devenu un site industriel en déshérence, 15 000 m2 au bord du canal de Bruxelles, à vendre.  »

Nous sommes en 2009. Jean-Paul Pütz et ses associés Nicolas de Bellefroid et Christophe d’Ansembourg rachètent au groupe InBev, qui en est alors le propriétaire, ce vestige d’une autre époque en pensant qu’il faut le faire passer à la suivante. Il faut dire qu’avec son allure de paquebot échoué, l’édifice daté de 1913, ancré Quai du Hainaut, à Molenbeek, entre la rue Dansaert et le boulevard du Midi, en impose. Sa reconversion démarre à l’automne 2011 lorsque les premiers travaux du futur hôtel sont lancés.  » On en a gardé les pilastres, les murs, la coque. Et on a supprimé le petit bâtiment qui empêchait un accès direct au canal. Des chambres situées à l’avant, on pourra voir le cours d’eau « , explique Jean-Paul Pütz, dont le projet évolue au fil du temps.

FIESTA DJEUNS

Un moment, l’idée d’un lieu plus trendy flotte, ce qui ne déparerait pas la gentrification actuelle du quartier : à quelques centaines de mètres de là – au voisinage de Tour & Taxis – on érige la luxueuse méga-tour UP-site, 142 mètres de hauteur. Le nouvel espace Belle-Vue jouera finalement une tout autre partition, plus populaire et moins énergivore. Dans quelques semaines donc, le corps principal de l’ancienne brasserie sera définitivement transformé en un hôtel de 150 chambres à bas prix mais où le client peut espérer plus de considération que sur les lignes aériennes low-cost… En cet hiver glacial, des ouvriers allemands finissent les chambres : ils travaillent pour le partenaire de Jean-Paul Pütz, la chaîne berlinoise Meininger, qui possède déjà 17 établissements du même style en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas. Pas de resto autre que la salle du petit déjeuner et une déco sans esbroufe. Les couloirs ont une largeur quasi nord-coréenne et le volume des pièces dépasse celui de l’hôtel standard. C’est sympa même si le mobilier n’affolera pas le baromètre des designers. La clientèle visée est une combinaison de familles avec (jeunes) enfants, d’étudiants en mini-trips et de groupes en goguette urbaine. On pourra héberger jusqu’à 8 personnes par chambre et certaines nuits pourraient être longues, rayon fiesta djeuns.

POLLINISER MOLENBEEK

Sur le toit de l’hôtel, d’où la vue sur Bruxelles impressionne, 323 panneaux photovoltaïques démontrent la vocation du lieu : si la construction originale de la brasserie Belle-Vue, en partie préservée, ne permet pas une isolation de très basse consommation d’énergie, c’est bien le cas de sa voisine, la tour neuve passive de 14 logements. OEuvre du même promoteur, elle sera occupée par ses nouveaux propriétaires dès la mi-juillet 2013. Tout cela va amener quotidiennement environ 800 personnes dans ce coin de Molenbeek, à 5 minutes à pied des promesses branchées de la rue Dansaert. Pas pour rien que l’ex-bourgmestre Philippe Moureaux a soutenu l’affaire, sachant qu’il faut polliniser Molenbeek la multiculturelle d’autres habitants et touristes pour en faire véritablement une commune intégrée. Les 15-20 millions d’euros de budget n’ont pas été une mince affaire à rassembler, mais la volonté de Jean-Paul Pütz et de ses deux associés, en partenariat avec l’architecte Sebastian Moreno-Vacca (A2M) et l’entrepreneur Democo, a fini par vaincre tous les pessimismes.

Reste un dernier bâtiment situé en front de l’ensemble : il fut question de l’aménager en salle de concert de 500-700 places, mais cette option-là semble aujourd’hui abandonnée. Vu le nombre de cyclistes qui roulent – généralement à toute blinde – sur la piste qui leur est réservée le long du canal, il se pourrait bien que cette aile soit dédiée à une préoccupation bien belge : le vélo. Moins goûteux certes que la bière autrefois brassée mais plus efficace pour parcourir la ville.

(*) Meininger Hotel Brussels City Center, www.meininger-hotels.com

PAR PHILIPPE CORNET

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