As de la coupe et champions de la coloration, Jean-Marc Maniatis, Georges Bacon et Arnaud Déforges exaltent, grâce à leur fabuleuse technique et aussi leur grand sens de l’écoute, la personnalité de chaque femme. Ces coiffeurs surdoués ont aménagé, au coeur de Paris, des salons offrant excellence, raffinement et convivialité.

Célèbre pour ses coupes effilées et ses carrés légendaires, Jean-Marc Maniatis, débordant d’enthousiasme et d’imagination, ne cesse d’innover. Notre rencontre a lieu dans son tout nouveau salon pilote, dans la chic rue Marbeuf du VIIIe arrondissement de Paris. Décor joyeux et coloré (on est accueilli par un énorme canapé-pouf rouge cerise), ambiance dynamique et une toute nouvelle structure divisée en espaces intimes qui accueillent différents services : shampooing, soins, manucure, épilation et boutique. On s’installe dans un endroit calme. Décontracté et disert, Jean-Marc Maniatis commence par évoquer ses souvenirs et ses expériences éclectiques.

Jean-Marc Maniatis à la carte

Il est né à Paris, mais ses origines sont grecques. Son père, grand bottier, a dû fuir devant les Turcs et a choisi la France comme pays d’adoption. Sa réputation l’a suivi. Devenu intime de Coco Chanel, il réalisait ses chaussures personnelles et celles pour les collections. Parmi ses clients célèbres, on notait aussi Jean Gabin, Maria Félix et Cary Grant. Jean-Marc ne suivra pas les traces de son père. A l’âge de 14 ans, il s’inscrit un peu au hasard,  » car à l’époque il fallait décider très vite « , à l’école d’ingénieurs-électriciens. Sa vie bascule vraiment, lorsqu’il rend visite à son cousin, grand coiffeur dans la prestigieuse avenue George V. Débordé, le cousin le fait patienter pendant deux heures. Le jeune ado a donc tout le temps et tout le loisir pour observer cet univers inconnu et découvrir l’emprise des coiffeurs sur les femmes.  » Dans les années 1950, le coiffeur était une vraie star, l’une des personnes les plus importantes dans la vie d’une femme, raconte-t-il. Si elle n’était pas bien coiffée, elle ne pouvait pas sortir. Or, à l’époque, la technologie de la coupe, comme on la connaît aujourd’hui, n’existait pas. Il fallait venir deux à trois fois par semaine pour le coup de peigne.  » Au bout de deux heures d’attente, j’ai eu un coup de foudre. Ma décision était prise, je voulais faire ce métier. Je suis entré dans une école d’Etat et j’ai réalisé mon rêve. Je n’ai jamais été déçu.  »

Diplôme en poche, tout s’enchaîne très vite. Jean-Marc Maniatis assiste Jacques Dessange, puis, à 17 ans, les célèbres s£urs Carita, à l’époque N° 1 mondial. Ambitieux, enthousiaste et avide d’apprendre, il n’arrête pas. Le soir, il coiffe des vedettes au théâtre, le week-end il participe aux défilés, notamment ceux de Pierre Cardin, il collabore avec le magazine  » Elle « . Puis, pendant quelques années, il ouvre son propre salon, en association avec son cousin. On y voit passer du beau monde. Françoise Hardy, Dany Saval, Jane Fonda, Monica Vitti et Mylène Demongeot sont attirées par leur  » vision moderne de la coiffure « . En 1966, une nouvelle page est tournée. Jean-Marc Maniatis ne veut plus de salon, préférant le statut d’électron libre. Hélène Lazareff, patronne de  » Elle  » et aussi sa grande copine, l’intègre à son équipe. Il assiste à toutes les conférences de la rédaction, signe de nouvelles coiffures, travaille avec les plus grands photographes, dont Richard Avedon, et contribue à inventer, chaque semaine, l’incomparable style  » Elle « . Son nom, cité régulièrement dans le magazine, est bien connu de toutes les beauty addicts.

Au bout de quelques années et à la  » demande générale « , Jean-Marc Maniatis finit par se résoudre à… ouvrir un salon de coiffure. Il aura une telle affluence qu’il faudra le démultiplier. Dès les années 1990, il y aura donc, à Paris, quatre salons Jean-Marc Maniatis. Pourquoi ce succès ? Quels sont ses spécificités, ses  » plus  » et ses points forts ? La créativité, l’innovation et l’originalité. La coupe  » sauvage  » qui a révolutionné la séduction féminine, date de 1976. Ce dégradé très technique, s’adaptant à tous les cheveux et toutes les longueurs, a été adopté dans le monde entier. Au tout début des années 1990, Jean-Marc Maniatis fait partie des invités au lancement de cK one de Calvin Klein, le premier parfum androgyne. Il saisit le concept au vol et met au point la coupe androgyne. Très dégradée, effilée, elle se décline au féminin et au masculin. Engouement immédiat ! Quelques années plus tard, il introduit dans l’univers capillaire la couleur, forte et cosmétique. Le rouge vif, le jaune vibrant et le noir bleuté envahissent les mèches des fashion victims, par petites touches ou en total look. La dernière innovation ? La couleur jean, une vaste palette de camaïeux bleus et gris, savamment et subtilement délavés.

Après les coiffures, on bouscule aussi la décoration. D’où ce salon flambant neuf, entièrement relooké en 2004.  » Au départ, je n’avais pas d’objectif précis, confie Jean-Marc Maniatis. L’Oréal, qui sponsorise l’école de design Camondo, a organisé un concours, en demandant aux étudiants d’imaginer un nouveau concept de salon de coiffure. J’ai fait partie du jury avec quelques architectes. Dans les quatre projets retenus, quelques points communs m’ont frappé. Les jeunes aspirent à un décor plus convivial et plus confortable, à l’ambiance zen, plus proche d’un salon que d’une « usine « . La femme a besoin qu’on s’occupe d’elle, elle veut un coiffeur plus complice et plus à l’écoute.  »

Jean-Marc Maniatis a planché donc sur son propre concept en phase avec ces conclusions. Dans l’espace où on fait les shampooings et les traitements capillaires règne une ambiance saumonée, chaude et agréable, optimisée par une lumière tamisée. Grande première : pendant le traitement on est allongée. Le luxe absolu ! Les soins, la couleur, la décoloration ou la permanente bénéficient d’un appareil  » spa « . Sous l’effet de la vapeur, les écailles du cheveu s’ouvrent. Les principes actifs des produits de soin ou des masques, les pigments colorants ou décolorants pénètrent plus facilement et subliment les résultats. Le Bar Color est une autre grande nouveauté.  » L’idée m’est venue au restaurant Spoon d’Alain Ducasse, explique Jean-Marc Maniatis. Il a été le premier à montrer la cuisine apparente, une cuisine qui n’a rien à cacher. Ainsi, le Bar Color dévoile tout. Le coloriste fait sa « cuisine » devant la femme. Elle peut prendre un verre et papoter. Cela l’amuse beaucoup.  »

Dernière nouveauté, une vraie boutique, située à l’entrée, propose les produits de soin et les capillaires signés L’Oréal, Redken, Kérastase, Sothys et Maniatis. On peut tout tester et bénéficier de tous les conseils. Il y a aussi une cabine esthétique où l’on prodigue des soins visage, manucure, pédicure et épilation.  » L’objectif consistait à ouvrir l’espace, à l’instar d’un concept store, conclut Jean-Marc Maniatis. La femme n’est plus tenue à suivre le parcours classique d’un salon de coiffure. Elle choisit à la carte, ce qu’elle veut, une coloration, un soin visage, une manucure ou juste l’achat d’un produit.  »

La colo écolo de Georges Bacon

Sur la place de la Bastille, chargée d’histoire, on emprunte la toute petite rue de la Bastille. Au N° 1, on hésite devant la devanture, aménagée comme une boutique de décoration. C’est bien ici. Cosy, rustique et plein de charme d’antan, le salon Coiffure et Nature est atypique.  » La maison date du xviiie siècle, c’est l’une des plus anciennes maisons du quartier, s’enthousiasme Martine Bacon, l’épouse du patron, chargée de gestion et « assistante de tout le monde ». Lorsque nous avons investi ces lieux en 1999, l’espace était encombré par de multiples couches de panneaux et de faux plafonds. Tout a été enlevé pour mettre à nu les pierres aux murs et les poutres au plafond. Les fauteuils en bois et cuir viennent de Bali. Les tablettes, les consoles et les miroirs ont été réalisés en bois sur mesure.  »

Ce salon cocooning, un brin écolo où l’on se sent comme chez soi, est la conclusion logique du long parcours de Georges Bacon. Après les études de coiffure à Paris, il reprend le salon de ses parents, en Bretagne. En 1980, il décroche à Rotterdam le titre du champion du monde de la coiffure. Sollicité par L’Oréal, il devient l’ambassadeur de la marque. Cette fonction prestigieuse le conduit à ouvrir un salon à Paris, entre l’Etoile et la tour Eiffel. Il n’y sera pas souvent, car sa vie  » décoiffante  » l’amène à faire, pour le compte de L’Oréal et pendant plusieurs années, le tour du monde (dans 37 pays exactement). Il coiffe les mannequins pour des shows, pour des prestations techniques et des manifestations artistiques diverses. Au bout de quinze ans, il décide de tourner la page.  » Dans ce métier, la routine, c’est le pire « , souffle-t-il.

Son année sabbatique ne va pas durer longtemps. Patrick Alès, le fondateur de Phytosolba, connaît son intérêt pour les plantes et lui propose la direction générale de Coiffure Phytologie. Le but ? Rajeunir l’image des produits auprès des coiffeurs, tout en respectant l’éthique de la marque. Ce qui débouchera sur la création d’une nouvelle gamme de produits naturels, à base de plantes, Secret Professionnel, disponible uniquement chez les coiffeurs. Armé de ces connaissances, voulant pousser un peu plus loin sa vision de la coiffure, plus naturelle et plus écolo, Georges Bacon décide de voler de ses propres ailes et ouvre ce salon, décoré  » comme à la maison « . Ici, il peut, enfin, s’adonner à sa passion : la coloration végétale. Sa base est constituée de 10 poudres de plantes lyophilisées (curry, cacao, poivre noir, muscade, piment rouge, etc.), dont la plupart sont garanties 100 % pure plante. Certaines, concentrées à 85 %, sont enrichies de pigments très doux, compatibles avec les plantes. Le coloriste maison les dose et les mixe entre elles, pour trouver  » le  » ton souhaité par la cliente.

Mais la coloration végétale a ses limites. On ne peut pas devenir blonde ! Par ailleurs, elle n’offre pas une couvrance totale des cheveux 100 % blancs. Dans ce cas, on a recours à une astuce : on colore les racines avec de la  » chimie douce « , le reste est travaillé avec des poudres végétales, qui laissent apparaître les cheveux blancs en transparence. Les avantages esthétiques de la coloration végétale sont indéniables. Elle ne laisse pas de racines, gaine les cheveux fins et se patine naturellement au soleil.  » Si la couleur ne plaît pas, elle s’efface naturellement dans le temps, souligne Georges Bacon. On n’est pas piégé par le phénomène des racines.  » Pour les executive women qui sont toujours entre deux avions, il propose aussi un pot de coloration à faire chez soi.

Côté soin, Coiffure et Nature propose des traitements des cheveux abîmés avec du karité, pur et non raffiné, ainsi que différentes cures de compléments alimentaires (anti-fatigue, anti-stress, anti-chute), parce qu’on sait que toutes les dysfonctions au niveau capillaire ont une cause interne. Ces cures ont été élaborées par Gilbert Piednoir, herboriste  » maison « . On peut d’ailleurs prendre rendez-vous avec lui, pour chercher des solutions personnelles.  » Nous n’imposons rien, souligne Georges Bacon. Si une cliente désire une coloration chimique, nous pouvons la faire. Cela dit, 80 % des femmes, surtout les plus jeunes, demandent le végétal. Des cancérologues nous envoient des patientes qui ont subi une chimiothérapie. En effet, de plus en plus souvent, les cheveux qui repoussent sont blancs.  »

Déforges père et fils

 » Ici, ce sont les cheveux qui commandent « , affirme d’emblée Arnaud Déforges, patron de ce sympathique salon, conçu comme un atelier d’artiste. Arnaud a été à la bonne école, celle de son père Jean-Louis, dont il reprend aujourd’hui le flambeau. La philosophie de la maison ? Une coupe irréprochable, effectuée au millimètre près selon les règles de l’art. Pour réussir cet exploit, les  » coupeurs  » s’entraînent pendant un an à l’Académie Déforges, un vrai centre d’entraînement, créé il y a vingt-six ans par Jean-Louis.  » Nous voulons tirer le maximum des cheveux, commente Arnaud Déforges. Quand une cliente veut changer de tête, nous lui faisons une proposition objective et réaliste en fonction de l’état de ses cheveux. Pas de changement pour le changement. Pour nous, le brushing cache tous les défauts de la coupe. Nous obtenons le volume en travaillant avec des mini-ciseaux et en respectant l’implantation des cheveux.  »

Quand une nouvelle cliente arrive, on l’installe devant une glace, on lui propose un thé. Dans un silence religieux, Arnaud Déforges pose les mains sur ses épaules, l’observe longuement, puis dégage le visage. Le but ? Cerner l’état d’esprit de la cliente et étudier son rapport avec son visage. Ensuite commence le dialogue. Pour éviter l’intermédiaire de la glace et ne pas  » dominer « , Arnaud s’accroupit à côté de la cliente. Face à face, la conversation est plus facile et plus détendue.  » Je laisse parler la femme, je veux surtout savoir ce qu’elle n’aime pas, je veux connaître ses habitudes de coiffage le matin. Je l’écoute, mais j’essaie avant tout de la comprendre « .

Pas de fausses promesses ! Chez les Déforges, on ne cherche pas à coiffer les stars.  » Je peux plaire aux gens vrais et naturels qui ont du goût « , martèle Jean-Louis Déforges. Bien entendu, on peut venir ici pour une coloration, voire même pour un brushing. Mais la spécialité de la maison, c’est vraiment la coupe. Pour mettre en exergue ce côté technique, Arnaud Déforges a réaménagé ce salon, créé en 1972, comme un atelier d’artiste. La façade entièrement vitrée dévoile un intérieur assez atypique pour un salon de coiffure. Les murs sont tapissés de grands miroirs. On ne trouve nulle part de photos de coiffures ou de tendances. Pour faciliter les contacts, les coiffeurs travaillent au centre, autour de trois établis recto-verso. Ce décor industriel chic, simple et rigoureux, reflète bien la philosophie de la maison.  » Nous sommes les coiffeurs des femmes qui n’aiment pas les coiffeurs, conclut Arnaud Déforges. On fait des choses simples mais stylées. Les femmes qui travaillent, qui n’ont pas de temps à perdre et qui n’aiment pas les cancans, les potins et les chichis, apprécient beaucoup.  »

Barbara Witkowska

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