Robinets, radiateurs, fenêtres de toit… Les éléments de base de la maison sont aujourd’hui repensés par les grands designers qui leur apportent une valeur ajoutée. Tout profit pour l’esthétique de nos intérieurs.

« Je souhaite que les gens ne considèrent pas un store comme un produit standard mais comme un élément d’art décoratif qui détermine le style de l’intérieur.  » C’est en ces termes que le designer Karim Rashid, connu pour ses créations aux couleurs flashy, explique sa récente collaboration avec le fabricant de fenêtres de toit Velux. Le résultat : des stores d’occultation présentant quatre motifs très pop, dans des teintes peps (jaune et rose) ou plus sobres (noir et blanc). L’impact marketing d’un tel produit est certain, d’autant que Velux n’en est pas à son coup d’essai. L’an passé, la société a déjà travaillé avec Ross Lovegrove, à qui le Design Museum de Londres consacre une section et qui a créé pour de grandes marques telles que Kartell ou Cappellini. Le Britannique a relooké le puits de lumière en revoyant la forme du plafonnier et en y suspendant, au bout d’un fil métallique, un diffuseur chargé de distribuer les rayons du soleil dans l’habitation. De quoi revisiter l’image de cet élément de construction mais aussi jouer un rôle éducatif.  » Il y a toujours eu des designers derrière nos produits, précise le directeur général de Velux Belgium, Christian Fosseur. Mais nous avons décidé de donner une nouvelle dimension à nos produits en communiquant leur nom au public et en les chargeant de mettre en avant les avantages de ce que nous fabriquons. L’objectif final étant de rendre le design plus démocratique. « 

C’est cette volonté d’offrir des solutions pointues à tout un chacun qui anime aussi la marque de sanitaires Duravit dans sa collaboration avec Philippe Starck. En 1994 déjà, l’entreprise belge lançait une première série avec lui, notamment des tonneaux XXL faisant office de lave-mains et qui restent aujourd’hui l’un des it de la gamme. Depuis, des lignes Starck 2 et 3 ont été mises sur le marché.  » Ces gammes permettent à chacun de faire entrer le design dans sa salle de bains. Surtout avec la collection Starck 3 qui est volontairement plus simple et moins chère, afin de toucher le plus grand nombre « , insiste Françoise Dumont, marketing manager chez le spécialiste en sanitaires Facq. En 2010, cette collaboration a franchi un pas de plus puisque le créateur français a conçu avec Duravit une première série d’éviers de cuisine en céramique et… un  » shower WC « , inspiré de la pratique asiatique qui consiste à remplacer le papier par un jet nettoyant. Un objet technique, pas du tout glamour, qui illustre parfaitement ces nouveaux rapports entre technique et design.

La fabrication de sanitaires semble d’ailleurs le secteur du bâtiment qui inspire le plus les concepteurs. Les exemples ne manquent pas : l’urinoir massif Olivia du designer italien Giulio Iacchetti proposé par le fabricant italien Ceramica Globo, le robinet courbe Triflow dessiné par l’architecte britannico-irakienne Zaha Hadid, ou encore les créations du label Axor d’Hansgrohe… Philippe Starck, Antonio Citterio ou encore les frères Bouroullec ont déjà travaillé pour cette marque. En juin 2010, ces derniers proposaient une ligne Feel Free to Compose, très flexible puisque l’utilisateur peut librement décider de la place des robinets et étagères en fonction de ses besoins.  » Aujourd’hui, la salle de bains est bien plus qu’un lieu où on se lave, c’est un lieu de détente, justifie-t-on chez Facq. Ce qui implique une plus grande réflexion sur l’aménagement. Les gens ne juxtaposent plus des éléments – lavabo, toilette… – plic-ploc. Ils réfléchissent à une organisation spatiale intégrée – par exemple en plaçant une douche carrelée encastrée ou en optant pour cette collection des Bouroullec où la tablette devient robinet. Ou, au contraire, ils imaginent une mise en scène autour d’une pièce remarquable, comme une baignoire-objet. « 

CHAUFFER DEVIENT UN ART

Cet élément artistique peut également être un radiateur. Emblématique : le Milano d’Antonia Astori – fondatrice de Driade – et de son associé Nicola de Ponti pour la société italienne Tubes. En forme de colonne ondulée, ce corps de chauffe devient un élément de décoration à part entière.  » Les objets ayant un contenu technologique stimulent la créativité, souligne Nicola De Ponti. Plus il y a de contraintes techniques et plus la réponse peut être intéressante. Pour le Milano, il fallait combiner le concept formel, l’étanchéité, l’efficacité et la résistance de l’appareil. Un véritable travail à quatre mains, avec le labo de Tubes, a permis de mettre au point des machines réalisées expressément pour la production de ce modèle et de respecter dans le même temps nos études esthétiques. « 

À l’avenir, davantage de concepteurs, stimulés par cette rencontre entre art et technique, pourraient donc plancher sur ces éléments initialement constructifs. D’autant que, de la chaudière au siphon, en passant par l’interrupteur ou l’air-co, tout peut encore être réinventé.  » Le design est en train de faire tache d’huile dans tous les secteurs de production, y compris dans leurs aspects les plus techniques « , se réjouit Nicola de Ponti. Avant de conclure :  » L’un des aspects fondamentaux de chacun de nos projets est la partie émotionnelle. Chaque concepteur doit transmettre une sensation à l’utilisateur, en évitant de cette manière que l’objet devienne banal.  » Aux designers de relever ce défi, en revenant aux origines du design industriel, tout simplement…

PAR FANNY BOUVRY

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