En 1970, Verner Panton, l’enfant terrible du design scandinave, créait l’événement en dévoilant  » A phantasy landscape « , un espace de relaxation visionnaire aux accents résolument pop. Dès cet automne, cette oeuvre magistrale s’exposera pour la première fois en Belgique. Découverte.

(1) Design 1950-2000, David A. Hanks et Anne Hoy, Flammarion Livres d’Art.

Du 5 septembre au 7 novembre prochain, le Cultuurcentrum de Knokke-Heist, en collaboration avec le Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein, en Allemagne, mettra les £uvres du designer danois Verner Panton à l’honneur par le biais de l’exposition  » Verner Panton û Phantasy Landscape, Visiona 2 « . Le clou de cette expo haute en couleur ? Le  » Phantasy Landascape « , une sorte de caverne aux formes organiques et aux teintes psychédéliques conçue pour la relaxation, considéré comme l’une des créations les plus significatives et les plus remarquables du xxe siècle. Il a été dévoilé pour la première fois au public lors de la légendaire exposition  » Visiona 2  » qui s’est tenue en 1970 à Cologne, à l’initiative du géant de l’industrie chimique Bayer. Cette architecture avant-gardiste, entièrement réalisée en caoutchouc mousse, rompt complètement avec les standards de l’époque : le sol, les murs et les plafonds s’interpénètrent pour former un ensemble lunaire parcouru de vagues colorées. Sans faire aucune référence au monde extérieur û l’espace ne dispose pas de fenêtre et la lumière du jour n’y pénètre donc pas û Verner Panton entendait créer une véritable sculpture habitable permettant d’échapper au stress de la vie quotidienne. Une £uvre déjantée bousculant les idées reçues, en parfaite adéquation avec son fameux leitmotiv  » mieux vaut tenter une expérience au succès mitigé que créer un bel objet sans personnalité « .

Un créateur à la fantaisie débridée

Après avoir achevé ses études secondaires, le jeune Verner Panton, né en 1926 dans le petit village danois de Gantofte, sur l’île de Fünen, s’inscrit à la Royal Academy of Fine Arts de Copenhague où il décroche un diplôme en architecture dès 1951. De 1950 à 1952, il travaillera en tant qu’associé avec un autre ténor du design scandinave : Arne Jacobsen. A deux, ils n’hésitent pas à s’écarter des sentiers battus pour inventer nombre de meubles expérimentaux parmi lesquels on compte la fameuse chaise  » Ant « . Toujours édité, ce siège reposant sur des pattes métalliques dont l’assise en bois cintré évoque la silhouette d’une fourmi est sans conteste l’un des plus grands succès de l’histoire du design contemporain.  » Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’ait tant appris « , dira par la suite Verner Panton. En 1955, le créateur ouvre sa propre agence d’architecture et de design. Très rapidement, ce sont plus ses objets, particulièrement audacieux et innovants, qui séduisent le public que ses réalisations architecturales. Cette même année, l’éditeur de meubles Fritz Hansen lance la production de ses chaises Tivoli et Bachelor. Mais c’est en 1959 que le designer obtient sa consécration en créant le fauteuil  » Cone « . Ce sympathique siège conique tournant sur lui-même, réalisé en acier inoxydable et en mousse de polyuréthane garni de tissu de laine, était livrable en version unie ou avec coussin d’assise dans un ton différent. A l’origine, Verner Panton l’avait dessiné pour le nouveau restaurant de ses parents. Mais un homme d’affaires danois présent le soir de l’inauguration proposa de financer sa mise en production. Lorsqu’il fut photographié pour le célèbre magazine scandinave de design  » Mobilia « , en 1961, Verner Panton eut l’idée d’y asseoir des mannequins en celluloïd entièrement dévêtus. Le mini-scandale qui s’en suivit contribua à renforcer l’impact visuel de ce fauteuil toujours édité.

Désormais, le créateur travaille pour les entreprises les plus prestigieuses telles que Sommer, Thonet, Knoll International, Wega Radio et Bayer. En 1962, lassé du Danemark, Verner Panton décide de s’installer à Cannes avant d’élire domicile à Bâle. C’est à ce moment-là de sa carrière qu’il entame sa relation fructueuse avec Vitra, l’entreprise bénéficiant de la licence européenne du fabricant de meubles américain Hermann Miller pour qui il signe, entre autres, la fameuse chaise  » Panton « . Ce véritable chef-d’£uvre du design contemporain fait d’ailleurs encore souvent la couverture des magazines lifestyle les plus prestigieux du moment. Cette chaise en plastique révolutionnaire, disponible dans une large palette de coloris, est moulée en une seule pièce. Ses formes rondes et sensuelles assurent en outre un confort irréprochable. Pour la mettre au point, avant sa mise en production en 1967, le créateur a mis huit ans pour trouver le matériau adéquat. Son choix s’est finalement porté sur un plastique armé de fibres de verre, une matière nouvelle que nombre de designers n’ont pas hésité à utiliser par la suite pour laisser libre cours à leur fantaisie créative. Ce best-seller vendu aux quatre coins de la planète a d’ailleurs permis à Verner Panton d’accéder au panthéon des plus grands designers du xxe siècle.

Dans le courant des années 1970, le créateur décroche de nombreux prix et récompenses mais il n’occupe cependant plus le centre de la scène internationale du design. A cette époque, les médias s’enflamment plutôt pour les objets de créateurs italiens tels que Gaetano Pesce ou Alessandro Mendini. Ce n’est qu’en plein revival pop, dans le courant des années 1990, que Verner Panton fait un impressionnant come-back médiatique. En effet, en 1995, le top model Kate Moss pose nue sur une chaise Panton en couverture de l’édition britannique de  » Vogue « . Le succès est au rendez-vous et on réédite la chaise mythique que les collectionneurs s’arrachaient à prix d’or en seconde main. Le Trapholdtmuseum de Kolding au Danemark lui demande de monter l’exposition  » Verner Panton : Light and Colour « . Malheureusement, le créateur s’éteint douze jours avant l’inauguration officielle prévue le 17 septembre 1998.

Verner Panton n’était pas inhibé par les barrières que rencontrent généralement les adultes au cours de leur existence. Il pensait et créait avec une candeur assortie d’une vision très optimiste du futur. Une attitude originale et ludique qui se traduisait par des créations très audacieuses.  » En expérimentant avec l’éclairage, les couleurs, les textiles ou les meubles et en utilisant les dernières technologies, j’essaie de montrer de nouvelles façons d’encourager les gens à utiliser leur imagination et à rendre leur cadre de vie plus attrayant « , se plaisait à affirmer le créateur (1). Pari réussi !

Serge Lvoff

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