La deuxième monographie consacrée à l’oeuvre du Bruxellois d’adoption Marc Corbiau (*) et à ses grandioses villas contemporaines confirme le talent de celui qui se définit comme  » un architecte de fenêtres « . Rencontre avec un amateur d’art contemporain, jardinier dans l’âme.

(*) Marc Corbiau, Architectures 2000-2012, par Luk Lambrecht, AsaMER, 304 pages. Une maison uccloise de ce livre sera accessible au public pendant Art Brussels du 18 au 21 avril. Inscription : reservations@experienz.org.

« Nous habitions à Bouillon, le long de la Semois. A 15 ans, j’étais à même de reconnaître les plus de quatre cents plantes de notre mixed-border alors qu’elles sortaient à peine de terre. Je les déterrais pour recomposer une palette de hauteurs et de couleurs, se souvient Marc Corbiau. Mon père était médecin. Il nous parlait du bien-être que l’on doit ressentir à l’intérieur d’une maison. Il était « feng shui » avant l’heure.  »

De cette jeunesse ardennaise, dans un monde  » à la Jean-Jacques Rousseau « , l’architecte aujourd’hui installé dans notre capitale a gardé cet amour du végétal. Lui qui se définit comme un  » urbain  » manucure avec raffinement les arbustes et vivaces qu’il a sélectionnés pour son jardin de ville. Et c’est en observant celui-ci depuis sa demeure, que l’on comprend la portée de cette affirmation :  » Je suis un architecte de fenêtres.  » Le concepteur connu pour ses villas aux lignes épurées ne se contente pas d’habiller ses baies de profils de châssis contemporains qui font quasi disparaître leur encadrement. Son art réside dans le dosage de ces ouvertures et dans une manière de les utiliser pour faire entrer la lumière et dialoguer intérieur et extérieur. De ses études à Saint-Luc Bruxelles, achevées en 1966, le presque septuagénaire a retenu un enseignement :  » Lorsqu’on conçoit un projet, on doit l’avoir complètement en tête, des plans aux coupes, en passant par les façades.  » Il ne commence dès lors à dessiner que lorsque tout est inscrit dans sa mémoire.

Une rencontre marqua également la vie de Marc Corbiau : celle avec ses premiers clients, des amateurs d’art contemporain qui lui commandèrent une maison minimaliste et l’initièrent à leur passion. Avec eux, il affina ses choix artistiques. En témoigne aujourd’hui son habitation, dans laquelle il remet sans cesse en question l’accrochage des oeuvres. Deux tableaux de Lucio Fontana s’y font face. Un peu plus loin, le regard croise un Daniel Buren ou encore deux de ses récents coups de coeur, une sculpture de Michel François et une toile de Frank Stella (photo). La première de ses acquisitions fut une Victoire de Samothrace bleue d’Yves Klein.  » J’étais allé en Grèce, raconte-t-il. J’étais imprégné de cette pureté des volumes blancs sur le ciel et l’eau.  »

C’est encore à son père – archéologue spécialisé dans les civilisations de la Méditerranée – que Marc Corbiau doit ses références à de grands classiques de l’architecture. Il aime d’ailleurs construire dans des pays tels qu’Israël, la Grèce… mais aussi aux îles Canaries.  » Le dessin change selon la latitude, il faut créer un autre rapport avec la lumière. Pour un projet, je me suis inspiré des maisons du Mexicain Luis Barragán, notamment de ses porte-à-faux. Pour les comprendre, j’ai visité toutes ses réalisations « , avoue-t-il. Et de citer Picasso :  » Je suis un pilleur.  » Parmi ses influences, il pointe la Villa Tugendhat construite en 1930 par Ludwig Mies van der Rohe dans l’actuelle Slovaquie ; ne cache pas son admiration pour les musées du Britannique David Chipperfield et reste ébloui par le travail de Le Corbusier.  » Toutes les choses que je vois sont rangées dans les tiroirs de ma mémoire et ressortent au bon moment « , résume cet esthète qui partage ses émotions sans se sentir obligé de se targuer de son parcours. Pour les maisons qu’il conçoit, il s’est fixé un objectif majeur : qu’elles inspirent l’apaisement. Belle synthèse.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

 » LE DESSIN CHANGE SELON LA LATITUDE.  »

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