Barbara Witkowska Journaliste

Arrière-petit-fils de Constant Permeke, Peter poursuit avec talent la tradition artistique familiale. Il prépare sa première rétrospective où ses tableaux de veine expressionniste dialogueront avec les sculptures de son père Joopie.

Peter Permeke a choisi de vivre dans la campagne namuroise. La maison est coquette et chaleureuse, les tableaux et sculptures omniprésents. Des £uvres de ses illustres ancêtres voisinent avec ses Têtes, des portraits emplis de force et de puissance, devenus  » sa  » marque de fabrique.  » Lors de la prochaine exposition, les Têtes se tailleront la part du lion, explique Peter. Je présenterai aussi mes peintures antérieures, les marines. Le noyau dur de l’Atelier d’art Curcuma dont je fais partie a décidé que chaque membre organiserait une exposition personnelle et présenterait un invité. J’ai choisi mon père Joopie qui sculpte uniquement des corps de femmes aux visages effacés. Entre ces deux mondes il y a sans doute une forme de cohérence qu’il faudrait, un jour peut-être, analyser plus en profondeur. « 

Le parcours de Peter Permeke est sinueux, rythmé de ruptures. Né à Mortsel, il passe son enfance à Bruxelles, à Uccle plus précisément. En été, la famille se réunit à Ostende, le berceau des Permeke. Peter visite l’atelier du grand-père John, fils de Constant et peintre lui aussi, fréquente les grands-tantes Beattie et Thérèse. Il dessine tout le temps. Son père Joopie le pousse à s’inscrire à l’Académie d’Uccle où sous la houlette de Freddy Danneels, il peaufine son coup de crayon, surtout le pastel sec, plus tactile, sans oser toucher à la peinture. A 18 ans, il se lance dans la vie professionnelle. Engagé comme laborantin chez UCB, il fait des recherches sur les peintures et les colles. En y ajoutant une touche artistique. Les colles et les déchets se transforment en £uvres d’art. Tout d’un coup,  » ça explose « , Peter s’attaque à la peinture. Toute son énergie passe dans les marines, violentes et orageuses, réminiscence des longs séjours à Ostende. Des expositions suivent, personnelles, mais aussi collectives, dont Permeke : 5 générations d’artistes à Tubize.  » Je me suis rendu compte qu’il y avait un réel intérêt pour ma peinture. J’avais un fan club « , note-t-il. Ce constat s’accompagne d’une grande question existentielle :  » que fais-je chez UCB ?  » En 1997, il sollicite une interruption de carrière et s’isole, avec son chien, dans un chalet perdu au c£ur de la forêt près de Namur. Pendant deux ans, il vit comme un ermite. Besoin de vivre ses interrogations et ses révoltes en solitaire. Besoin de se retrouver. Besoin de fuite, aussi. Le célèbre patronyme est parfois lourd à porter.  » J’ai commencé à peindre comme un fou. Les Têtes sont arrivées. Les premières étaient rouges. J’avais besoin de manifester ma colère vis-à-vis de certains sujets, d’exprimer les difficultés et les injustices dans le monde de l’industrie. J’ai peint de mémoire, en puisant au fond de moi les visages des ouvriers que j’ai  » photographiés  » sans m’en rendre compte. Mon travail était physique, c’était une forme de combat, également au niveau de la technique, avec des matières à séchage rapide, des traits violents et épais et des coloris sombres.  » Puis survient le repos du guerrier. Un jour, à côté d’une source dans les bois, Peter rencontre  » une fée  » età l’épouse. Douce et sereine, Pascale l’apaise, le fait revenir dans le monde  » civilisé « , lui donne une fille, ouvre sa palette de couleurs. Parfaitement inscrit dans la vie locale de Profondeville, Peter souhaite s’y investir davantage et mène à bien le projet d’une maison d’artistes, intergénérationnelle, ouverte à toutes les disciplines.  » J’ai envie de partager et de donner des cours. C’est apaisant de se retrouver entre artistes, discuter et vivre ensemble une passion. « 

Carnet d’adresses en page 75.

Barbara Witkowska

« Mon travail était physique, c’était une forme de combat. »

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