L’artiste belge Isabelle de Borchgrave s’est laissé enfermer dans le palais vénitien de Mariano Fortuny pour y réaliser quelques croquis de l’intérieur. Aujourd’hui, elle rend un brillant hommage à ce créateur dont elle s’est toujours inspirée.

« Je n’ai jamais oublié ma première exploration du palais Fortuny, raconte Isabelle de Borchgrave. A l’époque, j’étais jeune et très intriguée par les endroits mystérieux. Les lieux n’étaient pas aussi accessibles qu’aujourd’hui. Je m’y suis laissé enfermer pour pouvoir dessiner les merveilles. J’ai instantanément été séduite par toute cette beauté et j’ai su à ce moment précis que Mariano Fortuny deviendrait en quelque sorte mon père spirituel.  » Ce légendaire créateur de mode (1871-1949), outre sa passion pour le vêtement, s’intéressait également à la photographie, la sculpture et la peinture. Sa magnifique demeure, qui a conservé au fil du temps son allure de palais de la Renaissance, témoigne de son penchant pour les précieux ornements orientaux à la riche palette de couleurs. Elle se visite toujours et l’artiste belge, inspirée par toute cette magie, y a depuis lors exposé ses oeuvres.

Enfant déjà, Isabelle de Borchgrave imaginait des objets à l’aide des matériaux qu’elle trouvait autour d’elle.  » Je suis persuadée que je dessinais avant même de pouvoir marcher, plaisante-t-elle. A partir du moment où j’ai pu tenir un crayon entre les doigts, je ne me suis plus jamais arrêtée.  » Aujourd’hui encore, sa vie entière est consacrée au dessin. En voyage, armée d’un stylo, d’un crayon et d’encre indienne orientale, elle remplit de superbes carnets d’esquisses. A l’atelier, son défi créatif consiste à valoriser des matériaux humbles tels que le carton et le papier… Papier qu’elle utilise pour ses robes fabuleuses et pour reproduire, notamment, le célèbre plissé Fortuny, omniprésent dans ses collections.

A l’âge de 17 ans, après sa découverte de Fortuny, Isabelle de Borchgrave effectue, à Milan, un stage auprès du designer Piero Fornasetti (1913-1988). Cet artiste à l’esprit indomptable a signé d’innombrables opus et agrémenté de ses dessins une multitude d’objets.  » Il ne s’arrêtait jamais et était constamment absorbé par son travail « , souligne Isabelle de Brochgrave qui manifeste elle aussi un dynamisme étonnant.

ADDICT À LA MODE

Isabelle de Borchgrave a toujours été attirée par l’univers de la mode.  » Dans les années 70, j’avais ouvert une boutique de vêtements, à Bruxelles, et je confectionnais des tenues dans des tissus que j’avais moi-même fabriqués, rappelle-t-elle. C’était très branché ! Mais à force de passer mon temps à raccourcir ou à adapter des tenues, je craignais de perdre mon âme d’artiste et j’y ai renoncé. Le hic c’est que la mode est un peu comme une drogue : une fois qu’on y a touché, il est difficile de s’en détacher. Etre constamment dépassé par le temps rend cet univers tellement stimulant.  »

Vers le milieu des années 90, Isabelle de Borchgrave décide de façonner des vêtements en papier. Non pas à porter mais en guise de sculptures. Ses collections s’enchaînent les unes à la suite des autres, inspirées notamment par l’histoire de la mode, les tenues de la Renaissance et les ballets russes de Diaghilev. Ses oeuvres ont parcouru le monde et ont été exposées dans de nombreux musées avec, toujours, un succès retentissant qui lui a permis de devenir l’une de nos plus illustres créatrices. Anecdote amusante : elle a même eu l’opportunité de concevoir des personnages habillés de costumes en papier pour animer la salle de bains de Marie-Antoinette au château de Versailles.

Fortuny, un monde de papier (*) est un bel hommage à son  » père spirituel « . Isabelle de Borchgrave a réalisé à la main et en papier plus de 80 pièces – vêtements, accessoires et trompe-l’oeil confondus – proposant un parcours insolite dans l’univers de Mariano Fortuny. Après Lyon et San Francisco, cette expo se tient actuellement à Bruxelles, dans la galerie aménagée au coeur du bâtiment aux lignes contemporaines que l’artiste a fait construire, près des Etangs d’Ixelles, par l’architecte Claire Bataille. Cet élégant espace tout en blanc bénéficie d’une lumière exceptionnelle qui exalte la richesse des couleurs des oeuvres. La galerie entoure la cour tandis que l’atelier où Isabelle de Borchgrave exerce ses talents, épaulée par une dizaine de collaborateurs, se situe juste au-dessus. Ici, chaque tâche ou presque est manuelle et la technologie n’y a pas sa place.

(*) Fortuny, un monde de papier : dans l’atelier d’Isabelle de Borchgrave, 73 A, chaussée de Vleurgat, à 1050 Bruxelles, jusqu’au 15 mars prochain, du mardi au dimanche de 10 à 18 heures, www.isabelledeborchgrave.com

PAR PIET SWIMBERGHE / PHOTOS : JAN VERLINDE

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