Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Ce n’est pas un hasard si Alain Chamfort rend hommage à Yves Saint Laurent dans son nouvel album dédié à l’insubmersible couturier français. Chez le chanteur aussi, l’élégance a – presque toujours – été de mise.

Une première rétrospective, Saint Laurent : 40 ans de création, présentant l’intégralité de son £uvre, au Petit Palais, à Paris, du 11 mars au 29 août prochains. Requiem pour Saint Laurent, le nouvel opus de sa biographe Laurence Benaïm, dont la sortie est prévue en mars chez Grasset. Saint Laurent, mauvais garçon, l’enquête signée Marie-Dominique Lelièvre, chez Flammarion (lire aussi en page 18). Sans oublier Une vie Saint Laurent (*), l’hommage musical d’Alain Chamfort. L’année 2010 porte haut la griffe YSL.

 » Au départ, j’ai été un peu surpris par l’idée de consacrer un disque à Yves Saint Laurent parce que je craignais que cela ne restreigne l’intérêt du grand public. Mais j’ai finalement accepté la proposition de Pierre-Dominique Burgaud et cet album de seize chansons est comme un film où l’on découvre la vie de ce mec qui représente cinquante ans d’élégance française.  » Voilà comment Chamfort – sur son propre site Web – présente le projet initié par Burgaud, auteur du Soldat rose, ludique comédie musicale de Louis Chedid, et du moins convaincant duo David Hallyday/Laura Smet.

Une vie Saint Laurent croise deux élégances qui ne doivent pas occulter la différence de destin et de personnalité des protagonistes. En commun, Chamfort et YSL tiennent près du corps une forme de timidité, en tout cas de retenue, mais le Breton – né Alain Le Govic en mars 1949 – n’entretient pas les mêmes démons que son aîné de treize ans, natif d’une famille de la haute bourgeoisie d’Oran. Pas les mêmes addictions, Saint Laurent (1936-2008) ayant donné à l’alcool et à la cocaïne, un espace vorace qui l’amènera à plusieurs désintoxications. Tous deux partagent néanmoins un goût immodéré pour le vêtement, la coupe qui fait mouche, le galbe absolu.

La première image de Chamfort , on la découvre au milieu des années 60 au sein des Mods, formation parisienne qui exprime une fascination aiguë pour la mode anglaise du moment : costards et cravates endimanchés, préciosité des tissus, poses affinées de jeunes lords encanaillés. C’est dans ce look-là qu’il siège en claviériste aux côtés de Jacques Dutronc entre 1966 et 1968. Après avoir multiplié pendant trois ou quatre ans les tentatives solo sans envergure commerciale, Chamfort est alors embauché – pour cause de belle gueule notoire – dans l’écurie des disques Flèche de Claude François. Autre époque, autres couleurs voyantesà Dans les seventies, le bel Alain – qui a définitivement laissé tomber son patronyme Le Govic -apparaît le brushing mi-long avantageux, osant le n£ud de cravate rose, la chemise pastel, le costume de velours. Mais malgré les tragiques revers et cols pelle à tarte, son sourire fait perdre la tête aux favinettes du Bébé chanteur.

S’il en était resté là, il est probable que Chamfort ferait aujourd’hui partie des tournées rétro-ringardes habitées par ses contemporains Stone & Charden. Mais peu à peu, au fil des rencontres d’auteurs et compositeurs talentueux (Gainsbourg et plus tard, la paire Marc Moulin – Jacques Duvall), ce séducteur discret va construire une double cohérence : à la fois visuelle et musicale. Des mélodies fruitées sur des disques achevés feront des années 80-90, des années Chamfort. Mélangeant vanités effleurées et sensualité ( Manureva), l’artiste prend le soin, surtout, de ne pas tout divulguer. Lorsque Jean-Baptiste Mondino  » clippe  » le sublime L’Ennemi dans la glace (Victoire de la Musique 1994), il fait passer le visage du chanteur du masculin au féminin. Et vice versa. Yves Saint Laurent, qui n’a cessé de prôner l’union des genres, aurait adoré en faire un parfum. Pas Opium mais peut-être Fort. Comme dans…

(*) Une vie Saint Laurent est disponible en digital sur www.vente-privee.com, en CD version digipack de luxe (pour l’instant en France uniquement) et en livre-disque, aux éditions Albin Michel (en librairie).

Philippe Cornet

Cet album de seize chansons est comme un film où l’on découvre la vie de ce mec qui représente cinquante ans d’élégance française.

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