Guide de haute montagne, free rider hors pair et sauveteur chevronné, Jacopo Bufacchi est également consultant pour la marque Peak Performance. Le Vif Weekend l’a suivi à la trace. jusqu’à 3 387 mètres d’altitude.

Jacopo Bufacchi nous a donné rendez-vous à Chamonix sur les pentes du Brévent. Objectif du guide de haute montagne italien ? Nous familiariser avec l’ARVA – appareil de recherche de victimes d’avalanche. Digital, tenant dans la main, basé sur un système radio émettant une fréquence standard, ce dispositif n’est utile que si l’on sait vraiment comment s’en servir. Pour tester nos connaissances, Jacopo enterre l’émetteur-récepteur dans la neige. À nous de le retrouver au plus vite car en situation d’urgence, il faut idéalement intervenir endéans 15 minutes. Ce timing serré ne laisse pas de place aux approximations, alors Jacopo répète encore et encore l’exercice. Nous sommes au printemps, et la neige en cette saison est particulièrement piégeuse. Il y a deux jours, Jacopo a perdu un de ses amis, guide de haute montagne lui aussi. Encore sous le choc, il n’est pourtant pas question pour lui d’annuler notre expédition.  » C’est la règle du jeu quand on évolue en montagne, lâche-t-il, philosophe. On sait que ce genre de choses peut arriver à tout moment. Il nous appartient juste de limiter les risques.  » Le décor est planté, à nous d’assurer.

Aventure valdôtaine

Ayant crapahuté en Alaska ou dans la cordillère des Andes, Jacopo, 32 ans, fils d’un moniteur de ski, n’est jamais aussi prudent que lorsqu’il évolue dans un périmètre familier.  » La montagne devient vraiment dangereuse quand on croit la connaître, souligne-t-il. C’est pour cette raison que j’aime partir en expédition à l’étranger. Lorsqu’on quitte son pré carré, on est en permanence sous pression, il n’y a rien de tel pour éprouver des émotions fortes. « 

Pour nous expliquer comment il conçoit ce rôle de consultant pour Peak Performance, Jacopo nous emmène grimper deux jours dans le Parc national du Grand Paradis, dans le Val d’Aoste. La première étape nous conduira de la commune de Rhêmes-Notre-Dame au refuge Benevolo, niché à 2 285 mètres d’altitude. La seconde, plus physique, relèvera de la randonnée glaciaire pour gagner Granta Parei, un sommet culminant à 3 387 mètres. Dénivelé total : 1 102 mètres.

Pour nous couvrir, nous avons à disposition la collection complète Black Light, la gamme la plus technique de la marque suédoise. Conçues pour les guides de haute montagne et les alpinistes, les tenues comportent différentes couches et matériaux (Gore-Tex®, Windstopper®) permettant de faire face aux conditions climatiques extrêmes.  » Pour l’élaboration de ses collections, Peak Perfomance fait appel à de véritables athlètes, embraie Jacopo. Je travaille actuellement en tandem avec le designer Fredrik Lundberg. Je suis chargé de lui fournir des indications précises quant à nos besoins spécifiques. « 

Jacopo a été l’un des meilleurs free riders italiens sponsorisé par la griffe outdoor. Après avoir brillé dans le World Tour, il a monté plusieurs expéditions combinant alpinisme et descente à ski. Peak Performance lui a demandé sa collaboration en tant que consultant quand elle a décidé de s’attaquer au segment technique des vêtements d’alpinisme.  » Il est impossible pour une marque de se forger une crédibilité sans en passer par des hommes de terrain, affirme Jacopo. Pour faire passer le message, j’emmène les designers en montagne : ils comprennent mieux ainsi la réalité de notre métier. « 

Un pas après l’autre

Et nous voici à Thumel, hameau perché à 1 789 mètres d’altitude juste au-dessus de Rhêmes-Notre-Dame. C’est ici que commence la montée au Benevolo : huit kilomètres d’autant plus éprouvants que les lacets s’enchaînent à perte de vueà Trois heures de marche plus tard, ralentis par une neige molle, exténués, nous arrivons au refuge. À cette période de l’année, seule une partie est ouverte et ne peut abriter que cinq personnes. Du bois coupé permet de faire un feu pour se réchauffer. Notre repas : soupe et pâtes lyophilisées apportées par Jacopo. La nuit tombe vite et l’éclairage à la bougie invite aux confidences.

 » Comme tous les enfants de Courmayeur, j’étais inscrit au club de ski. Mais j’ai toujours préféré me mesurer à la montagne elle-même plutôt qu’aux autres skieurs. C’est la raison pour laquelle j’ai entamé une carrière de guide.  » Parallèlement à cela, Jacopo assure, depuis plus de quinze ans, les secours en Val d’Aoste, du Mont-Blanc au mont Rose. Une fonction qu’il prend très au sérieux.  » Chaque année, nous faisons environ 1 200 interventions, épingle-t-il. C’est énorme. Nous assurons une permanence 24 heures sur 24. En hiver, l’équipe compte deux guides, un médecin, un maître chien, un hélicoptère Agusta 139, un pilote et un mécano, actifs en base. Être confronté à l’urgence m’a convaincu qu’il ne faut jamais baisser la garde en montagne même si la pression est forte. Chaque hiver, on a des clients qui débarquent pour une semaine et qui veulent s’offrir des 4 000 mètres quelles que soient les conditions. De nombreux guides n’osent pas leur dire non, mais gare, les conséquences peuvent être dramatiques. « 

Son expérience, Jacopo l’a exportée par-delà l’océan.  » Lors d’une expédition en Bolivie, je me suis rendu compte de la pauvreté des moyens disponibles. Il n’y avait pas d’hélicoptère, trop dangereux, mais surtout aucune formation. Les opérations s’y effectuaient comme il y a un demi-siècle en Europe. Il y a deux ans, avec deux autres guides, on a décidé de remédier à cela. Aujourd’hui, la Bolivie est le seul pays d’Amérique du Sud qui applique les standards internationaux pour le secours en montagne. C’est une grande fierté même si le boulot reste difficile : à 4 000 mètres d’altitude, trois jours sont nécessaire pour sauver quelqu’un. « 

La nuit a filé à toute allure pour buter sur 4 h. On avale quelques pruneaux et un morceau de barre énergétique en guise de petit déjeuner. Avec l’altitude, on a l’impression d’avoir la tête dans un étau. Le c£ur, lui, s’installe au bord des lèvres. L’eau chaude vaguement sucrée du Thermos n’aide pas à démarrer. Mais il ne faut pas espérer un quelconque sursis : à 4 h 30, il faut partir. Il fait atrocement froid. Heureusement, les crampons permettent de faire corps avec la neige. Et c’est parti pour une épreuve physique qui ne s’achèvera que tout là-haut, à 3 387 mètres. L’effort est intense.  » Mettre un pied devant l’autre et ne plus penser à rien « , martèle Jacopo. Atteindre le sommet met certes le c£ur en joie, mais ce n’est qu’un faible répit : une fois remis de ses émotionsà il faut tout redescendre. Si le souffle va mieux, ce sont désormais les jambes qui dégustent.

L’arrivée se profile enfin. Pas de doute, le corps a puisé dans ses réserves. Mais pour Jacopo, pas de repos : il va peaufiner une expédition avec le parapentiste belge Thomas de Dorlodot (qui a terminé dans les dix premiers à l’édition 2009 du Red Bull X-Alps). À deux, ils vont enchaîner quatre montagnes en trois semaines, soit 18 000 mètres, comprenant des sommets de la cordillère Blanche tels que le fameux Nevado Alpamayo (5 947 mètres) et le Taulliraju (5 830 mètres). But de la man£uvre ? Mettre la nouvelle collection Black Light de cette année à l’épreuveà

Carnet d’adresses en page 102.

Par Michel Verlinden

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