L’horlogerie à l’heure du star-system

Les éditions 2005 des grands Salons horlogers en Suisse ont déployé, début avril, toutes leurs séductions. Enquête dans les coulisses du mariage entre monstres sacrés et sacrées montres.

Si les oscars s’étendaient à la publicité horlogère, Madonna, Lou Doillon ou Brad Pitt seraient nominés, en 2005, respectivement pour leurs rôles d’ambassadeurs pour les montres Versace, Morgan et Tag Heuer… Et cette dernière marque, qui emploie aussi cette saison la comédienne Uma Thurman, mériterait un prix spécial du jury au regard de toutes ses campagnes avec des têtes d’affiche et de l’ancienneté de sa démarche.  » Dès les années 1970, Jack Heuer a pris conscience de la nécessité de créer des liens plus émotionnels autour des montres pour parvenir à toucher le public « , explique Jean-Christophe Babin, le PDG de la firme. A l’époque, il a la brillante idée de confier son chronographe Monaco à la costumière du futur film  » Le Mans  » (1971). Steve McQueen accepte de le porter durant le tournage. Bingo ! A la sortie du film, ce sont les ventes de Tag Heuer qui passent à la vitesse supérieure. Fort de ce constat, la marque prend l’habitude de promouvoir toutes ses créations en faisant appel à des célébrités.

 » A partir de la fin des années 1990, l’usage d’ambassadeurs dans l’horlogerie s’est amplifié et d’autres marques s’y sont mises « , poursuit Jean-Christophe Babin. La caution d’une célébrité est devenue la grande recette de marketing pour faire vendre les montres.  » On pensait que seules les gamines s’identifieraient aux stars, ajoute Nicolas Arfan, propriétaire de bijouteries à son nom, mais les vedettes sont devenues les mètres étalons universels de l’élégance. Quand Cindy Crawford a été ambassadrice des montres Omega, nous avons organisé une soirée. Tout le monde voulait la voir, et sa caution a déclenché bien plus de ventes qu’on n’avait pu l’imaginer.  »

Ainsi, quasiment toute l’horlogerie vit désormais à l’heure du star-system. A l’approche d’une remise de prix sur tapis rouge, la chasse à la célébrité est même déclarée. Tous les services de relations publiques des maisons d’horlogerie se les chamaillent et leur proposent le prêt gracieux (et parfois à vie…) de leur dernier garde-temps.  » Il faut que la personnalité corresponde à l’image que l’on souhaite donner de notre maison « , essaie-t-on de modérer ici et là.

A quel tarif émargent les célébrités qui participent à des publicités horlogères ? Secret défense. La maison Rolex, qui fait appel à des égéries aussi diverses que le ténor Roberto Alagna, l’alpiniste Christine Janin ou encore la danseuse Sylvie Guillem, ne souhaite pas plus que les autres détailler ce que lui coûtent ces  » témoignages « . Pour faire parler d’eux sans recourir à la publicité, Baume & Mercier offre pour sa part des montres aux Carole Montillet, Laura Flessel ou encore au Pr Fran-cine Leca (spécialiste de la chirurgie cardiaque infantile) en échange de leur portrait avec le cadeau au poignet. Et (surtout) du droit de diffuser ces images !  » Le portrait d’Uma Thurman est plus marquant que la photo d’une montre, explique Jean-Claude Lambert, PDG des bijouteries Louis Pion et Royal Quartz. Mais cette tactique est à double tranchant : la célébrité peut voler la vedette au produit et, de plus, la star n’est pas fidèle…  » Preuve en est Brad Pitt : ambassadeur de Tag Heuer pour le Japon en 1990, il a dessiné des alliances et montres assorties pour Damiani dix ans plus tard, avant de revenir cette saison à Tag Heuer. Retour à de premières amours ou mariage d’intérêt après des fiançailles volages ?  » Dès qu’il s’agit d’une star américaine, le cachet minimum est de 1 million de dollars, à multiplier par deux, trois et plus en fonction de la notoriété, lâche Jean-Christophe Babin, mais avec un retour sur investissement assuré bien au-delà.  » Bref, l’heure est surtout au business partagé avec les célébrités.

Frédéric Martin-Bernard

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