L’huile d’or de Ligurie
Berceau de l’olive Taggiasca, en Ligurie, au nord de l’Italie, en bordure du golfe de Gêne, produit un joyau d’huile extra vierge, douce et fruitée à souhait. Découvrez ce véritable nectar dont l’élaboration est tout un art.
Les amoureux de la Ligurie disent d’elle qu’elle est un amphithéâtre naturel avec les montagnes pour gradins et les vagues pour scène. On imagine donc facilement les millions d’arbres qui peuplent ces escarpements transformés en foule de spectateurs. Et parmi eux, on distingue rapidement ceux dont le feuillage argenté brille à la moindre variation de luminosité : les oliviers.
La Ligurie, et plus particulièrement les vallées situées en amont d’Imperia, peuvent se prévaloir d’élaborer une huile issue d’une seule variété d’olives : en l’occurrence la taggiasca. Et dans les villages de la Communauté montagneuse de l’olivier, situés entre Imperia et Gênes, on trouve encore des moulins (frantoio) qui broient la pâte avec des meules en pierre colombine, une tradition héritée de la nuit des temps. Le jus obtenu – car l’huile d’olive vierge ou extra vierge est un jus pur de fruit – possède une douceur inimitable. En témoigne admirablement celui qui s’élabore chaque hiver dans le frantoio de Dino Abbo.
Entièrement rénovée à la fin des années 1970, l’installation spacieuse étonne par sa propreté étincelante, démontrant ainsi que savoir-faire traditionnel et modernité peuvent cohabiter.
L’élaboration de l’huile passe par quelques étapes immuables : l’arrivée des olives, le broyage, le pressage, la centrifugation et le stockage avant embouteillage. Dino n’oeuvre que pour sa propre marque, refusant tout travail à façon pour d’autres oléiculteurs, dont des olives de moindre qualité pourraient souiller les appareils et déteindre de leur goût sur son huile. » Nous cueillons les fruits sur nos 5 000 arbres ainsi que d’autres appartenant à la famille. D’après la réglementation, nous pouvons aussi acheter à l’extérieur un volume d’olives égal à 30 % de notre production propre. «
Deux étapes vont alors déterminer la qualité finale et la saveur de l’huile : le broyage et le pressage. Amenées au moulin en cagettes, ce qui limite leur échauffement, les olives sont déversées, à raison de 600 kg à la fois, dans le bac du broyeur dont le fond et les bords sont en pierre. Les deux meules actionnées mécaniquement sont typiques de la Ligurie. Au lieu d’être taillées dans le granit, elles le sont à partir de blocs de pierre colombine, une roche calcaire locale. Le temps de travail des meules varie d’une saison à l’autre. En effet, si l’automne est sec, les fruits se rabougrissent, tandis qu’un automne pluvieux donne des fruits gorgés d’humidité. Le temps de broyage variera alors de une demi-heure à une heure trente.
Vient ensuite le pressage de la pâte. Des gâteaux de pâte sont pris en sandwich dans des scourtins en Nylon pour obtenir une colonne qui s’élève à près de deux mètres de hauteur. Au fur et à mesure de l’empilage, l’action de la pression se produit sous vos yeux. Le poids des scourtins supérieurs suffit à lui seul pour faire perler l’Affiorato (la fleur), cette huile extra vierge d’une qualité exceptionnelle.
L’empilement de scourtins est alors soumis à l’action de la presse. Celle-ci extrait de la pâte la partie liquide, composée d’huile et d’eau. L’huile étant plus légère que l’eau, ce mélange est ensuite séparé par une centrifugeuse pour donner d’un côté une huile extra vierge et de l’autre de l’eau cellulaire, un déchet qu’on appelle les margines. Reste alors à stocker l’huile avant son embouteillage.
Comme d’autres en Italie, Dino met un point d’honneur à emballer son Affiorato dans un papier doré. Outre le côté » emballage cadeau » qu’il confère ainsi sa meilleure huile d’olive, il garantit aussi la protection contre les UV (rayons ultra-violets).
A l’heure où beaucoup ont abandonné le système traditionnel au profit de la chaîne continue, plus industrielle, plus rapide et moins délicate que la pierre et la presse, Dino reste fièrement attaché à ses meules. Et son regard incroyablement vif devient plus perçant encore lorsqu’il déclare » J’ai déjà prévenu mes enfants : Avant que l’un d’eux n’imagine faire entrer ici une chaîne continue, je mettrai un cadenas sur la porte. »
Reste à découvrir la cuisine qui met si bien en valeur l’huile issue de la Taggiasca. Pour une première dégustation, versez donc – comme Bruna Abbo ou sa petite-fille Giada – un filet d’huile sur une tranche de pain blanc grillé, encore chaude, car la chaleur tiède met en évidence les qualités et les défauts d’une huile. Et la pureté du fruit est alors nettement perceptible.
Réservez cette huile pour les plats délicats, typiques de la cuisine ligurienne qui reste essentiellement tournée vers les légumes frais ou secs. Et si vous disposez d’un mortier et faites preuve de patience, lancez-vous dans la confection d’un pesto traditionnel. Le pesto réalisé avec une huile de Ligurie atteint une douceur et une saveur inimitables. Il n’est ni gras, ni amer.
Carnet d’adresses en page 97.
Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel
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