Toujours à la tête du seul empire du luxe encore 100 % indépendant, le couturier italien lance un nouveau jus féminin qui se veut résolument optimiste. Interview sur fond de nature, de muses, de mode et d’élégance.

Bien sûr il y a le prêt-à-porter, Homme et Femme, décliné deux fois par an en nom propre, pour la ligne bis Emporio, pour Armani Collezioni et Armani Jeans. Et la haute couture, au sein de laquelle le créateur le plus riche du monde – sa fortune personnelle est estimée à plus de 4,5 milliards d’euros – a été adoubé en 2001 en tant que membre correspondant. Mais à tout cela s’ajoutent les parfums, le maquillage et les soins, la maroquinerie, les bijoux, la lingerie, les lunettes, les vêtements junior, la déco et même, dans la plupart des mégapoles mondiales, des hôtels, résidences-appartements et restos über luxe – à lui seul, le titanesque Armani Hotel, inauguré dans le plus grand immeuble du monde à Dubaï fin avril dernier, en compte huit.

Bref, pas un recoin de la planète lifestyle où Monsieur Armani, comme le nomment respectueusement ses 4 500 employés, n’ait roulé sa bosse. Ne pas y voir de dilettantisme : exigeant jusqu’à l’obsession, stakhanoviste avalant les heures de travail sans broncher pour que tout soit simplement parfait, l’homme-orchestre mène ses multiples vies de front. Et n’a jamais connu l’échec. Tout au plus un abandon : celui de ses études de médecine, délaissées au profit de la photo d’abord, puis, très vite, de la mode, dans laquelle il entre par la petite porte à la fin des années 50, lorsqu’il dégote un boulot d’étalagiste pour La Rinascente, équivalent milanais des parisiennes galeries Lafayette.

Dès 1961, et pendant une petite dizaine d’années, Giorgio Armani fait ses armes comme styliste chez Nino Cerruti avant de lancer sa propre griffe en 1974, en dessinant d’abord un vestiaire pour l’Homme, suivi l’année suivante par son pendant féminin. Avec pour fil rouge une élégance sobre et intemporelle, il déstructure le vêtement, et en particulier les vestes qu’il libère de leurs épaulettes et de leurs doublures pour un tombé fluide, immortalisé par Richard Gere dans American Gigolo. L’ami du dalaï-lama n’est d’ailleurs qu’un des innombrables people gravitant dans la sphère du créateur, qui détient, entre autres records, celui du plus grand nombre d’actrices habillées par une griffe sur les tapis rouges.

Les premiers rangs de ses défilés sont eux aussi réputés pour leur haute concentration en stars, d’Emmanuelle Béart à Cate Blanchett en passant par Megan Fox, Dita Von Teese, Janet Jackson ou Isabelle Huppert. Ou encore Victoria Beckham – elle a pris la pose, seule et avec son footeux de mari, pour certaines de ses campagnes de pub -, Alicia Keys et Lady Gaga, dont il a dessiné les tenues de scène.  » Les femmes fortes m’ont toujours inspiré, résume le créateur. Elles sont très différentes l’une de l’autre, et pourtant elles partagent un pouvoir féminin qui est à la fois mystérieux et plein de charme. Je suis fasciné par les femmes bien dans leur peau, qui sont aussi belles dans une robe de soirée qu’en jeans. « 

C’est pour toutes ces muses au caractère bien trempé, assure-t-il, que Giorgio Armani a eu envie de créer un nouveau jus résolument optimiste et inspiré par la nature, dominé par des notes pétillantes de menthe fraîche, de jasmin d’eau et de citron. Fidèle à sa réputation, il n’a rien laissé au hasard dans l’élaboration de ce nouveau parfum, confié à trois nez du groupe IFF (International Flavors & Fragrances Inc.). Les Français Dominique Ropion – Ysatis, Very Irresistible, Amor Amorà- et Anne Flipo – Rykiel Woman, Miss Boucheronà- ont en effet travaillé main dans la main avec l’Américain Loc Dong, parfumeur star du groupe et auteur de succès planétaires comme Euphoria, de Calvin Klein. Une manière, dans un marché à dimension internationale mais fortement segmenté par les différences culturelles, de garantir le plus large public possible à Acqua di Gioia, la nouvelle venue de la galaxie Armani. Et même si le couturier jure que  » les deux fragrances n’ont aucun lien « , on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement, ne fût-ce que sémantique, entre sa dernière création olfactive et Acqua di Giò, dont la version masculine lancée en 1996 est toujours n° 1 des ventes mondiales. Mais, c’est bien connu, un record est destiné à être battu. Si c’est par son ancien détenteur, c’est encore mieux. Interview d’un éternel gagnant.

En quoi cette Acqua di Gioia est-elle différente des autres parfums Giorgio Armani ?

Comme pour tous les nouveaux jus que je crée, j’ai recherché un esprit neuf, une humeur originale. Acqua di Gioia a pour signe distinctif d’être destinée à une femme en connexion avec la nature. Pour moi, cela implique qu’elle ait un esprit aventureux. En fait, ce parfum s’adresse à un puissant archétype féminin – en accord avec la sensualité de la terre, du ciel et de la mer.

Ce désir de connexion avec la nature fait-il écho à des préoccupations écologiques ?

Bien sûr, je suis profondément inquiet qu’on n’en prenne pas assez soin. Le réchauffement climatique et ses effets sur l’environnement sont bien présentsà

Votre dernier parfum se veut résolument optimiste. Quelle est votre définition de Gioia, la joie ?

Pour moi, Gioia c’est un sentiment de bonheur qui magnifie les choses, qui les rend plus intenses. La joie enrichit votre vie, vous ouvre l’esprit sur le monde qui vous entoure, vous connecte à l’environnement, et vous pousse à l’action et à la découverte. La joie vous permet d’être plus confiant, plus en harmonie avec les autres.

Vos dernières collections étaient très colorées. Une manière de traduire cette énergie positive à tout votre univers ?

Je pense que nous avons tous besoin d’énergie et d’optimisme dans nos vies en ce moment. Les 18 derniers mois ont été très difficiles pour beaucoup, à cause de la crise économique. Sans doute qu’instinctivement, j’y ai répondu par des idées créatives enthousiasmantes.

Vous avez volontairement fait intégrer des ingrédients vivifiants dans la composition d’Acqua di Gioiaà

En effet, je voulais quelque chose de positif et tonique, comme quand on ouvre les volets un jour d’été, ou quand on est face à la mer et qu’on sent les embruns sur son visage. C’est ainsi que nous avons incorporé la menthe écrasée et le jasmin d’eau. Quand j’ai senti le premier jus issu de l’association de ces deux ingrédients, j’ai su que ceux-ci joueraient un rôle important dans la fragrance.

Y a-t-il un lien entre la création de ce parfum et votre mode ?

Il y a naturellement des synergies entre mes collections et mes parfums. Je pense qu’Acqua di Gioia est féminine et sensuelle de la même façon que mes collections Femme l’ont été récemment.

Par Delphine Kindermans

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