Sur le pourtour de la rivière IJ s’étend l’Amsterdam nouvelle –  » Noord  » ou  » Oost  » pour faire court – avec ses quartiers branchés et sa spectaculaire architecture ultracontemporaine. Sympa à explorer en vélo le temps d’une journée… d’autant que le ferry vous y conduit avec votre deux-roues.

Aucune autre ville ne présente une croissance aussi visible qu’Amsterdam, qui affiche, au nord et à l’est de l’IJ, la rivière qui la traverse, un paysage en constante métamorphose. Les alentours de la gare centrale sont ainsi hérissés de grues £uvrant à la construction du nouveau palais de justice qui semble émerger des flots, mais plus loin aussi, les berges et les îlots de l’IJ voient sans cesse surgir des bâtiments inédits. On ne peut que recommander aux passionnés d’ingénierie, surtout s’ils aiment les balades en vélo au bord de l’eau, de s’y laisser guider par l’historienne de l’architecture Sabine Lebesque, auteure du guide Het IJ rondom, traduisez  » Autour de l’IJ  » (*), consacré à la frénésie urbanistique qui touche ces dernières années les rives d’Amsterdam.

La capitale néerlandaise doit son nom à l’Amstel, la rivière autour de laquelle se développa son premier noyau d’habitations, que l’on est bien en peine, aujourd’hui, de distinguer de ses innombrables canaux. Derrière la gare centrale, au nord de la ville, s’étend l’IJ, immense étendue d’eau qui relie la métropole à la Zuiderzee – la mer du Sud – et, par le biais du canal éponyme, à la mer du Nord. Il y a bien des siècles déjà, c’est par ici que transitaient les vaisseaux qui ont fait la grandeur d’Amsterdam, et aujourd’hui encore, l’IJ voit passer des navires en route pour le port.  » Autrefois, tout le pourtour de l’IJ n’était rien d’autre qu’une gigantesque zone portuaire, pointe Sabine Lebesque. À l’exception de ceux qui y travaillaient, les Amstellodamois ne s’aventuraient guère dans le nord de la cité. Aujourd’hui, le port est refoulé de plus en plus loin et c’est une véritable ville nouvelle qui se développe dans ce quartier Un phénomène qui avait déjà, il y a quelques années, transformé la rive est, avec l’urbanisation d’une série d’îlots comme KNSM, Borneo, Java et IJburg.

VERS LE NORD

En route pour la zone où le paysage urbain connaît actuellement la mutation la plus rapide. Chevauchant un vélo de location, nous empruntons, derrière la gare centrale, l’un des ferrys qui assurent gratuitement la connexion avec l’autre rive de l’IJ. Nous optons pour le trajet le plus long, celui qui mène au chantier naval NDSM. Dans un premier temps, le bac semble se diriger presque droit vers l’autre berge, en direction d’une gigantesque étendue qui était, jusqu’il y a peu, occupée par Shell. C’est là que se dresse l’une des icônes de l’architecture néerlandaise : la tour Overhoeks, érigée en 1971 par Arthur Staal à la demande de la compagnie pétrolière. Tout à côté, des ouvriers mettent la dernière main à l’ Eye, une longue construction futuriste dessinée par le bureau viennois de Delugan Meissl, qui a également imaginé le célèbre musée Porsche à Stuttgart. Appelé à devenir le nouveau fief de l’institut néerlandais du film, l’Eye ouvrira officiellement ses portes au printemps 2012. En face, côté Westerdok, le nouveau palais de justice, flanqué par l’un des plus beaux immeubles d’habitation édifié à même les eaux de l’IJ – et qui est d’ailleurs d’ores et déjà un  » classique  » de l’architecture contemporaine : le Silodam, un bâtiment tout en couleurs élevé en 2002 par le célèbre bureau MVRDV.

Au cours de la traversée, nous savourons la vue splendide qui porte du centre historique jusque loin vers le port, avec ses géants des mers et ses plumets de fumée caractéristiques – et où est même amarré un sous-marin russe !  » C’est fou de se dire que, ce paysage, toute une génération d’Amstellodamois ne l’a encore jamais vu, s’exclame Sabine Lebesque. On a du mal à réaliser à quelle vitesse les choses évoluent.  » Les familiers de la sphère artistique, eux, connaissent bien Noord.  » Le district est peuplé d’étudiants, de nomades urbains, d’artistes et d’entrepreneurs créatifs, poursuit notre guide. Ce sont généralement les premiers à s’installer dans une zone qui offre un certain potentiel. Et ce sont eux qui lui confèrent un certain attrait. « 

Aujourd’hui encore, les alentours du chantier NDSM accueillent un public estudiantin. Derrière le ponton où aborde le ferry, un grand hangar affiche en grandes lettres l’inscription Nederlandse Dok en Scheepsbouw Maatschappij ( » société néerlandaise des docks et de la construction navale « ). Le temps où les navires venaient s’y faire rafistoler est toutefois révolu : l’entrepôt abrite à présent des ateliers d’artistes et de créateurs aux façades bariolées où l’on entre comme dans un moulin. Le chantier NDSM sert, lui, de site à divers festivals et accueille même tous les mois un marché aux puces trendy. La pointe de l’île vaut également le détour, histoire d’admirer l’un des opus les plus prodigieux de l’Amsterdam nouveau : le Kraanspoor, un immeuble de bureaux édifié sur l’ancien chemin de roulement en béton d’une grue. Achevé en 2007, il a été conçu par J.D. Postma et le bureau Trude Hooykaas.

Petite halte sympa à conseiller : le Noorderlicht (15, Neveritaweg), un resto pop-up où l’on mange bien et qui bénéficie de surcroît d’une vue magnifique sur la ville.

L’ÎLE DU WESTERDOK

De retour à la gare centrale, nous mettons le cap sur l’ouest pour rallier l’île du Westerdok, parsemée de nouveaux immeubles à appartements. À vélo, il est même possible d’aller jusqu’au Silodam pour admirer l’IJ sous un autre angle… Et si vous n’êtes pas pressés, faites donc un petit crochet par le Westerpark, un parc écologique qui accueille de nombreux événements culturels, des restaurants, un théâtre et un cinéma – et lorsqu’il fait beau, c’est aussi l’un des endroits de prédilection des habitants qui viennent y profiter du soleil.

L’EST

Dans les années 90, l’expansion urbaine a connu un nouvel élan qui a vu nombre de quartiers portuaires se muer en zones d’habitation. Initié à l’est de la ville, le mouvement est aujourd’hui en passe de s’étendre au nord. Au départ, ce sont toutefois surtout les îles et presqu’îles de la rive est qui se sont parées d’une architecture particulièrement impressionnante. Nous entamons notre parcours à ses confins, sur IJburg et Steigereiland (juste à côté), des îles artificielles créées il y a environ quinze ans et habitées depuis quelques années seulement. IJburg jouxte la route vers Almere, ville nouvelle à l’est d’Amsterdam qui est desservie, au départ de la capitale, par un tram à bord duquel les vélos sont bienvenus. Pour atteindre l’île, il faut emprunter l’élégant pont Enneüs Heerma (2000) – également connu sous le nom de  » pont Dolly Parton  » -, £uvre de l’architecte britannique Nicholas Grimshaw. Ceux qui arrivent via le ring auront quant à eux l’occasion d’admirer le pont Nescio, établi en 2006 par le bureau d’architecture Wilkinson Eyre. IJburg proprement dite cultive la  » construction sauvage  » et la multiplicité des genres : des maisonnettes en style hollandais rétro y voisinent avec les réalisations les plus modernes. Les Amstellodamois considèrent d’ailleurs le quartier comme le plus  » belge  » de la ville – en référence à la liberté architecturale de nos banlieues, un phénomène pratiquement inexistant aux Pays-Bas.

Steigereiland mérite également la visite, d’autant qu’il faut s’y aventurer pour percer son  » secret « , invisible depuis les grands axes avoisinants : l’île possède tout un quartier composé d’habitations flottantes, dont des voiliers. Une pure merveille !

KNSM

En retournant vers le centre, nous découvrons encore la zone est du port, où une ribambelle d’îles et de presqu’îles ont été rendues constructibles dans le courant des années 90. Le célèbre urbaniste néerlandais Jo Coenen a conçu le plan directeur de la plus grande d’entre elles, l’île de la KNSM (Koninklijke Nederlandse Scheepvaartmaatschappij, la compagnie maritime royale des Pays-Bas) et a également dessiné le bâtiment rond qui se trouve à sa tête, l’ Emerald Empire. Mais les véritables joyaux de l’île, ce sont toutefois le Piraeus d’Hans Kollhoff et Christian Rapp, un monument en briques jouxtant un port de plaisance, endroit rêvé pour savourer un bon repas au calme, et un immeuble de bureaux aux lignes épurées signé Diener & Diener.

JAVA

La section ouest de cette même île répond au nom de Java ; son plan urbanistique a été tracé par l’extravagant Sjoerd Soeters, et ses canaux sont bordés de maisons modernes dessinées par des architectes comme Kees Christiaanse, Sjoerd Soeters et nos compatriotes Bob Van Reeth et Jo Crepain.

BORNEO ET SPORENBURG

Les presqu’îles de Borneo et Sporenburg, un peu plus près du centre, se sont hérissées d’immeubles entre 1996 et 2000 ; la Scheepstimmermanstraat (sur Borneo) fut d’ailleurs l’un des premiers viviers de  » construction sauvage « . Son pôle d’attraction majeur : The Whale, un imposant immeuble dessiné par le bureau Architekten Cie (Frits van Dongen).

L’OOSTELIJKE HANDELSKADE ET LES RIETEILANDEN

Nous poursuivons notre périple à vélo en direction du centre ancien, le long d’une zone bordée d’immeubles à appartements et de bureaux de hauteur moyenne. Sur l’Oostelijke Handelskade, halte au célèbre hôtel Lloyds, aménagé en 1917 dans le style de l’école d’Amsterdam. Ce bâtiment, qui fut autrefois une prison puis un squat d’artistes, abrite aujourd’hui un hôtel huppé, après une rénovation dans un style très moderne réalisée par l’un des bureaux les plus en vue du pays : MVRDV. À l’intérieur, on découvre l’intervention de designers comme Hella Jongerius, Marcel Wanders ou Richard Hutten. Le quartier possède également la plus vieille tour d’habitation des environs, érigée en… 1998 par Neutelings-Riedijk. Plus loin, en direction du centre-ville, se trouvent encore plusieurs belles constructions imaginées, entre autres, par Claus et Kaan, Van Reeth, DKV Architecten et Rapp & Rapp.

Dernier arrêt : le sensationnel Muziekgebouw aan ‘t IJ, une salle de concerts au ras de l’eau, conçue en 2004 par 3xNielsen ; la  » boîte noire  » enchâssée dans l’une des façades abrite un club de jazz très populaire. Flanqué d’une superbe terrasse, le bâtiment se trouve par ailleurs à distance de marche du centre-ville, dont le charme intimiste continue à séduire les foules.  » Contrairement aux cités historiques de Flandre, comme Gand ou Bruges, le noyau ancien d’Amsterdam boude résolument l’architecture contemporaine qui rompt avec le style traditionnel « , note au passage Sabine Lebesque. La cité préserve le mieux possible son centre historique et n’accueille qu’avec parcimonie des constructions nouvelles, qui s’efforcent en outre le plus souvent de se couler dans le style historique. Les expériences urbanistiques, c’est dans la ville nouvelle qui s’étend tout autour de l’IJ et pas ailleurs !

(*) Het IJ rondom, par Sabine Lebesque, éditions Valiz. Ce guide en néerlandais existe également en anglais sous le titre Around Amsterdam’s IJ Banks, chez le même éditeur.

PAR PIET SWIMBERGHE

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