A 36 ans, l’actrice, égérie de L’Extase, le nouveau parfum de Nina Ricci, vit à l’écran un rêve érotique éveillé dans un spot ultrasensuel. Une invitation à prendre ses désirs à bras-le-corps en dépit des tabous rétrogrades qui tendent à rétrécir la vie des femmes.

Le succès, quand il vous tombe dessus, très tôt, très vite, très fort, forcément ça vous change une vie. Ça vous la démultiplie aussi. A 36 ans, Laetitia Casta a la sagesse de ceux qui ont osé beaucoup, gagné souvent, perdu parfois, on ne peut rien réussir sans avoir trébuché par-ci par-là. Vingt ans déjà qu’elle roule sa bosse, des podiums aux plateaux de tournage avec la confiance des audacieux capables de se frotter à tout sans avoir peur des mélanges. Comme passer du bras d’Yves Saint Laurent à celui d’Obélix. Tourner pour la télé – avant que cela ne soit tendance – et pour Raùl Ruiz, Joann Sfar ou Hélène Fillières dans la foulée. Faire la cover de Vogue, comme de Lui. En assumant toujours cette féminité qu’elle brandit comme un étendard.  » La femme par essence est sensuelle quoi qu’elle fasse, explique-t-elle. Elle ne doit pas avoir honte de dévoiler son corps. Elle n’est d’ailleurs pas forcément objet parce qu’elle se montre nue. Comme si le nu n’était plus aujourd’hui, excusez-moi l’expression, qu’une arme de cul.  »

Cette après-midi-là, lorsque nous la retrouvons pour un face-à-face intimiste dans une suite feutrée du Plaza Athénée, à Paris, les interviews se sont succédé toute la journée. Et pourtant, elle rayonne. D’une beauté généreuse, évidente et troublante à la fois. Un je-ne-sais-quoi – on appelle ça l’aura – qui lui vaut ce rôle d’égérie pour la nouvelle eau de parfum de la maison Nina Ricci. Un jus tout en roses et en muscs, caressant comme un drap de satin. Un sillage à fleur de sens signé Francis Kurkdjian, qui raconterait L’Extase, réelle ou fantasmée, à laquelle l’héroïne du spot vient de s’abandonner, happée par la rencontre furtive d’un mystérieux inconnu dans un ascenseur.  » Lorsqu’une marque m’approche, c’est important pour moi qu’elle porte un vrai discours, insiste Laetitia Casta. Cela ne m’intéresse pas de faire de la figuration. Quand je me mets comme cela dans la lumière, j’en profite pour faire passer un message important. J’incarne une femme qui va vers son désir, qui l’explore, qui le prend en main. Sans que ce soit quelque chose de vulgaire ou de sexy.  » Un message libérateur face aux diktats moralisateurs qui refont surface aujourd’hui et visent à nouveau à contrôler le corps féminin. Points sur les i.

Pour le tournage de cette campagne très sensuelle, vous êtes-vous projetée dans un personnage en particulier ?

Le désir féminin est multiple. Il peut être extrêmement délicat et poétique. Ou franchement physique. Mais il naît toujours quelque part dans nos têtes. Nous n’avons pas notre pareil pour imaginer toutes sortes d’histoires fantaisistes. Et c’est joli, justement, de parler de cela. On est dans tous les possibles. Ce qui m’a tout de suite plu, c’était d’aller vers une personne plus mûre, en phase avec son désir, forte, indépendante. Mais surtout de participer à quelque chose d’innovant et d’authentique. L’authenticité pour moi, c’est ça le vrai luxe.

Cela vous paraît important aujourd’hui de réaffirmer haut et fort le droit des femmes à le sensualité ?

Complètement ! C’est fou d’ailleurs de se dire que ce soit encore nécessaire de devoir discuter de cela. La femme a toujours été un mystère capable d’inspirer les artistes. Et cela n’a pas changé. Elle nous renvoie à l’origine du monde, elle représente la vie et c’est sans doute en cela qu’elle fait peur à certains. On ne devient pas femme, on naît femme. La féminité, c’est une question de tournants : celui de la trentaine, de la quarantaine, de la cinquantaine aussi certainement. On est à chaque fois différentes et l’on passe sa vie à accepter celle que l’on est. En tout cas, la féminité ce n’est certainement pas quelque chose d’extérieur à soi comme un rouge à lèvres ou une paire de talons. Ce serait plutôt l’appropriation de son propre corps, une densité, une capacité à s’accepter soi-même.

A vos yeux, c’est une campagne audacieuse ?

Je la vois plutôt comme un hymne à la beauté car le désir ne se limite pas à la sexualité. C’est également le désir de soi, de vouloir, de ne pas vouloir, de ne pas avoir, de vivre quelque chose ou pas.

Qu’est-ce qui crée l’érotisme ?

La surprise. Savoir surprendre et se laisser surprendre.

Que vous évoque le mot extase ?

C’est une chose universelle, extrêmement spirituelle, qui touche à l’âme et donc est sans limites.

La force des femmes aujourd’hui, pour vous, ce serait quoi ?

Leur capacité incessante à rebondir, à renaître, à tomber et à remonter en piste. Elles ont cette force-là, cette force de la vie qu’elles portent en elles, qu’elles enfantent ou pas d’ailleurs.

Nina Ricci vous a choisie parce que vous incarniez une certaine vision de l’élégance  » à la française « . Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

L’individualisme. C’est ça le chic de la Parisienne, c’est d’être soi.

Votre beauté vous a-t-elle pesé parfois ?

C’est un discours que j’ai toujours refusé de tenir. Mais cette beauté est pour moi une sorte d’état de fait. Ce n’est qu’une enveloppe dont je ne suis pas responsable. Je vais peut-être vous choquer, mais j’aurais pu être une grande brûlée. Ce n’est pas une chose que l’on décide d’être. Et l’on doit apprendre à vivre avec les projections des autres qui s’adressent à votre image mais pas à vous. Je me suis construite à travers cela.

Quand il s’agit de beauté, vous refusez…

Les photos trop retouchées ! Si l’image ne me ressemble plus, je ne suis pas d’accord. D’une manière générale, je n’aime pas la tricherie, tout ce qui est formaté. L’idée du Botox me fait peur, par exemple.

Quel est le meilleur conseil beauté que l’on vous ait donné ?

La discrétion, la délicatesse. Un jour, j’étais avec Yves Saint Laurent et il m’a dit :  » Regarde cette femme, elle est déguisée comme un sapin de Noël.  » Elle accumulait tout ce qu’elle pouvait porter sur elle, elle était dans la démonstration. Et effectivement, le too much est une erreur, tout ce qui est démonstratif est laid.

Vous avez commencé votre carrière très jeune. Cela vous est-il arrivé de vous sentir manipulée ?

De me sentir objet oui, sans doute parce que je suis arrivée dans ce métier avec une certaine naïveté. C’était surtout violent au début, entre 15 et 18 ans. L’époque où, comme pour toute adolescente, le corps change, sauf que pour moi, tout était un peu exacerbé puisque chaque geste était observé, raconté, médiatisé. Trouver son intimité dans ce contexte, et la protéger, demande une sacrée force de caractère.

Comment vous définissez-vous, plutôt actrice ou mannequin ?

Je n’ai pas besoin de choisir, je me vois inscrite dans la création. Tout s’est enchaîné naturellement. Même lorsque je shootais des campagnes ou des séries de mode pour les magazines, j’ai toujours voulu dégager quelque chose, endosser un rôle. C’était d’autant plus excitant que l’on ne travaillait pas en digital, donc il fallait attendre pour découvrir le résultat. Il y avait une incroyable effervescence artistique lors de ces séances. Toutes les contraintes commerciales qu’il y a aujourd’hui n’existaient pas, on pouvait plus facilement mélanger les marques sur une même photo, le coiffeur et le maquilleur possédaient un vrai point de vue.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre boulot de comédienne ?

Pouvoir parler de la vie. C’est comme cela que je choisis mes rôles. Et ça ne doit pas toujours passer par le drame ! Il suffit de regarder mon parcours : je n’ai pas d’état d’âme à aller d’un film d’auteur à une production commerciale. J’ai fait de la télévision quand tout le monde trouvait cela ringard. Mais j’y ai à chaque fois trouvé mon compte car ce qui m’intéresse, c’est de découvrir l’univers d’un metteur en scène, ce qu’il a à défendre. Même sur un plateau de tournage, je ne suis jamais dans la stratégie, je ne joue jamais à être. Tout part de moi-même. Un rôle est toujours personnel. Une autre comédienne ne l’interprétera pas de la même manière que moi. Vous donnez vie à votre personnage à partir de ce que vous êtes.

Cela veut dire que vous auriez pu refuser de jouer certains rôles justement si on vous les avait proposés à un autre moment de votre vie ?

Tout à fait ! Parce que je n’aurais pas été prête à le faire, à vivre à l’écran ce que mon personnage avait vécu. C’est spécial vous savez ce métier. C’est difficile à expliquer mais c’est puissant en fait, très puissant.

Lorsque vous incarnez un personnage, choisissez-vous un parfum qui lui ressemble ?

Cela m’est arrivé d’ajouter une note parfumée pour m’aider à entrer dans le jeu. J’aime beaucoup travailler avec les couleurs, les odeurs, et les sons. Plus je vais nourrir mon personnage, plus il va m’habiter.

Si vous n’aviez pas été actrice ou mannequin, quelle profession auriez-vous choisie ?

J’aurais aimé faire une école d’art, étudier le dessin, la poterie, la sculpture. Etre dans la création, c’est certain. Mais en parallèle, j’ai toujours été attirée par la recherche, en psychologie ou en philosophie, pourquoi pas ?

Que changeriez-vous de vous si vous le pouviez ?

Je peux être très angoissée mais c’est aussi mon moteur. Je préfère évoluer que changer radicalement.

Vous avez parlé tout à l’heure de tournant. Comment voyez-vous venir celui de la quarantaine ?

Je trouve cela très excitant ! C’est une force d’avoir 40 ans. Ce que vous avez vécu avant, personne ne peut vous l’enlever. C’est ce qui vous rend telle que vous êtes, ces miniguerres que vous avez dû traverser, rien de bien grave en soi, mais quand même. Les difficultés vous tirent vers le haut. Et vos ratés, une fois que vous les acceptez, ne sont plus des ratés ! Comme j’ai commencé à travailler très jeune, dans un monde particulier, j’ai vécu en accéléré. Là, j’ai moins peur de devoir constamment tout  » remplir « . J’ai toujours eu une vraie soif d’apprendre, de me lancer des défis, d’essayer. Arriver à lâcher prise, c’est magique. Je suis en train de me poser.

PAR ISABELLE WILLOT

 » La femme par essence est sensuelle quoi qu’elle fasse. Elle ne doit pas avoir honte de dévoiler son corps.  »

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