Première épouse de Lucien Ginsburg, alias Serge Gainsbourg, Lise Lévitzky a maintenu un lien très étroit avec lui et cela jusqu’à la mort du grand artiste. à 84 ans, elle garde le souvenir ébloui d’un homme qui s’est détruit peu à peu.

Quel enfant était Lulu ?

Un gentil petit garçon à sa maman. Il l’adorait et courait chez elle au moindre pépin. Cet enfant timide n’avait pas de copains de classe. Doté d’une grande mémoire, ce bon élève s’ennuyait à l’école.

Et la musique ?

Il a complètement baigné dedans. Déjà dans le ventre de sa mère, il entendait son père jouer du Gershwin.

Vous vous êtes rencontrés à l’Académie Montmartre. Qu’est-ce qui vous a frappée la première fois que vous l’avez vu ?

Sa belle voix et ses mains magnifiques. Or en le voyant déambuler dans la rue, je le trouvais laid et accablé. à l’extérieur, la vie lui semblait lourde alors que dans l’atelier, il était le roi.

Quel peintre était-il ?

Un figuratif qui voyait son avenir dans la peinture. Devant la toile, il était d’un sérieux acéré. Cet état de transe était impitoyable car il ne se pardonnait rien.

Sa laideur était-elle un atout ou un handicap ?

Je la voyais comme un atout, mais lui l’a vécue comme un handicap. Aussi avait-il besoin de se prouver qu’aucune femme ne lui résistait.

Qu’est-ce qui le rendait séduisant ?

Son regard vous clouait sur place et vous faisait fondre. Tout comme on épingle un papillon, il ne quittait pas une femme des yeux jusqu’à ce qu’elle soit sa proie.

Que représentait l’amour pour lui ?

Il croyait en l’amour absolu, romantique, l’amour toujours. Quand il a compris qu’il ne durerait jamais, cet être jaloux et inquiet a inventé » l’anamour « . Il aimait les femmes et tenait à leur faire plaisir. Toutes l’ont fait souffrir, mais il adorait se vautrer dans sa douleur.

Quelle était la force de votre lien ?

Dans la mesure où l’âme existe, nous nous sommes offerts nus l’un à l’autre. On se connaissait à fond. Au début, on était jeunes, amoureux et libres. Je suis devenue une grosse dondon, mais on a poursuivi notre gémellité incestueuse.

Pourquoi était-il pour vous  » une drogue, une maladie, un poison  » ?

Lulu a été mon addiction. Même après avoir rompu, j’accourais dès qu’il m’appelait. Aucun homme ne lui arrivait à la cheville ! J’ai d’ailleurs raté mon second mariageà

De quoi avait-il honte ?

De ne pas avoir obéi à sa vocation de peintre. Ces remords l’ont conduit en enfer. Malheureux, il est devenu un ivrogne. Ses chansons lui ont permis de gagner de l’argent, mais il ne se voyait pas poète.

Votre chanson préférée ?

Les Amours perdues, chantée par Juliette Gréco.

Celle qui lui ressemblait ?

Je suis venu te dire que je m’en vais. Il avait l’art d’avoir un pied dedans, un pied dehors. Les femmes lui ont toujours dit adieuà

Qu’aimeriez-vous qu’on retienne de lui ?

Qu’il n’était pas un homme affreux. Gainsbarre n’était qu’une farce consolatrice, une provocation. Mon livre montre d’où venait son désespoir. Lulu ressemblait au tableau du Titien, L’Homme au gant, tant il portait un masque de mystère. Mais il a fini par se laisser anéantir par la vie.

Lise et Lulu , par Lise Lévitzky, First, 282 pages.

kerenn elkaïm

Lulu a été mon addiction.

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