Le financier Etienne van Campenhout a fait de son jardin un joyau de nature. Ce projet, placé sous le signe de la passion, a nécessité plusieurs phases de travaux. La plus récente, confiée au célèbre paysagiste belge Jacques Wirtz, est une ode aux campagnes anglaises.

(*)  » Kreftenbroeck, mon jardin « , Ludion, 144 pages.

 » Mes préférences en matière de jardin sont entièrement subjectives et j’admets volontiers que d’autres puissent avoir des opinions différentes. Mon jardin est d’abord de nature, une nature ordonnée mais pas entravée.  » En conclusion du beau livre qu’il a consacré à son jardin (*), le financier Etienne Van Campenhout confie ses réflexions de grand amoureux des plantes.  » Le jardin n’est ni léché ni sauvage, poursuit-il. C’est un espace où la vie est perceptible à chaque pas. Mais elle est organisée, éduquée par la sélection, la composition, la taille. Les végétaux taillés ne sont pas une fin en soi. L’art topiaire ne se manifeste que pour souligner et ordonner l’existence d’une végétation plus libre.  »

Etienne van Campenhout se rappelle avec émotion ses premiers travaux de jardinier, dans ce petit lopin de la propriété familiale réservé aux enfants où il cultivait des plantes annuelles  » faciles « . Mais on perçoit davantage encore sa passion pour les fleurs quand il évoque les processions qui s’égrenaient dans les villages d’autrefois.  » Chaque année, la procession du Saint-Sacrement sillonnait la campagne à l’occasion de la Fête-Dieu, raconte-t-il. Chaque demeure était décorée de bougies, d’oriflammes et de drapeaux. Chez nous, comme la maison était située au milieu du jardin, il fallait apporter au bout du grand chemin une table, recouverte d’une nappe blanche…. C’était la saison des roses, les bouquets étaient somptueux et abondants. En outre, les enfants avaient recueilli dans des paniers les pétales des roses les plus avancées et les jetaient au passage de la procession. Dans mon souvenir, il faisait toujours beau ce jour-là et l’abondance des fleurs émerveillait nos yeux d’enfant.  »

Les roses sont encore et toujours à la fête dans le jardin d’Etienne Van Campenhout. On les retrouve ici et là en buissons, sur une arcade, mariées à des vivaces dans des borders… Une d’entre elles, une création du célèbre Louis Lens, porte d’ailleurs le nom de  » Souvenir de Rose-Marie « , en mémoire de son épouse disparue. Elle côtoie dans un même lieu d’autres roses dédiées à des jardinières belges :  » Brigitte de Villenfagne « ,  » Gravin d’Ursel « ,  » Dinky « ,  » Françoise Drion « ,  » Marie-Louis Velge « . Une cinquantaine de rosiers sont ainsi admirablement mis en scène, dans les différents jardins qui se succèdent aujourd’hui sur pas moins de cinq hectares.

Le petit domaine d’Etienne Van Campenhout est en vérité une succession de jardins, composés d’abord à proximité de l’ancien corps de ferme brabançonne qu’il a sauvé de la ruine. Le relief est accidenté. Le fond de la vallée û le nom du lieu-dit  » Kreftenbroeck  » ne signifie-t-il pas marais aux écrevisses ? û est humide et marécageux. L’endroit était donc idéal pour creuser un grand étang. Les talus, eux, ont été boisés et un potager bien exposé a été aménagé à mi-pente. Mais l’élément le plus remarquable est un escalier majestueux de cinq mètres de largeur qui suit la courbe du terrain.  » Je souhaitais donner à cette construction monumentale un caractère très italien en peuplant les côtés de conifères, explique le maître des lieux. Le seul qui ait jusqu’ici résisté à nos hivers est un pin parasol, Pinus Pinea.  » Pour obtenir des silhouettes élancées, Etienne Van Campenhout a eu recours à plusieurs types de Thuya occidentalis et à des Juniperus communis, Cupressus arizonica ou Cedrus deodara  » Karl Fuchs « . Et pour profiter des merveilles de la nature toute l’année durant, il a aussi prévu des arbustes à feuillage persistant.

Au-dessus de l’escalier, le visiteur découvre un bassin carré flanqué de statues en plomb. Voici quelques années seulement, la promenade s’arrêtait ici, une double grille marquant la limite entre le jardin et la prairie voisine. Grâce à l’acquisition du terrain, elle s’ouvre aujourd’hui sur un paysage bucolique digne des plus belles campagnes anglaises, et signé Jacques Wirtz. Il n’y avait pourtant ici qu’un champ vallonné.  » Pas un seul arbre ne poussait, à l’exception d’un seul vieux pommier, note Etienne Van Campenhout. Subsistait encore, loin dans la parcelle, une ancienne bergerie.  » Solidement restaurée celle-ci fournit aujourd’hui à nouveau le gîte à des moutons. Elle est entourée d’un jardin luxuriant, composé essentiellement de borders peuplés de vivaces, de rosiers et d’arbustes. Les plantes sont même présentes sur le toit de l’édifice, rendu écologique par des plantations de saxifrages, de mousses, de Sempervivum…

 » Des cartes du xviie siècle mentionnaient la présence d’un ruisseau qui alimentait alors les étangs proches de la maison, poursuit Etienne Van Campenhout. Il avait disparu, comblé lors d’une urbanisation. J’ai donc décidé de lui rendre vie et de le mettre en connexion avec le grand étang. En outre, je voulais laisser la colline dépouillée, pour y faire paître des moutons. Enfin, techniquement, je voulais établir une voie  » carrossable  » sur la ligne de crête, pour faciliter l’entretien d’un terrain qui atteignait 5 ha !  » C’est ce plan de travail qu’a reçu Jacques Wirtz et qu’il a exécuté avec maestria. Le petit cours d’eau est bordé d’une végétation d’une grande fraîcheur. Deux éléments sculpturaux marquent ses extrémités : une fontaine signée Geoffroy de Montpellier et un magnifique  » mur ruine  » de Pierre Culot.

Lorsqu’on découvre aujourd’hui le paysage jardiné selon Jacques Wirtz, on est surpris par le caractère spontané et rural qui se dégage de l’ensemble. Le signe distinctif vient des haies sinueuses qui se promènent littéralement dans le paysage. Etienne Van Campenhout les a doublées, avec un rare sens de l’esthétique, par des clôtures basses en pieux d’acacia équarri. Ensemble, elles forment un étonnant ballet.

L’endroit déploiera tous ses charmes lorsque les arbres û tilleuls, marronniers d’Inde, chênes verts… û plantés par groupes de trois atteindront l’âge adulte. Et Etienne Van Campenhout de conclure :  » Avec les années, ils donneront à cette prairie le caractère un peu solennel des parcs anglais du xviiie siècle. Seules les haies sinueuses rappelleront la fantaisie du xxe siècle.  »

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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