Véritable icône de sa génération, rebelle, la fille de Jane Birkin et de Jacques Doillon signe un contrat de trois ans avec Lee Cooper et lit les Lettres intimes au théâtre. Rencontre avec une chic fille.

A première vue, on dirait d’elle qu’elle est une rebelle, une passionnée… Le genre de fille touchante sous ses airs de grande gueule. Mais avec Jane Birkin et le réalisateur français Jacques Doillon comme parents, l’héritage n’est peut-être pas toujours facile à porter. Surtout avec pour grandes s£urs la photographe de mode Kate Barry, l’actrice et chanteuse Charlotte Gainsbourg et comme beau-père le grand Serge. Une ascendance qui l’a obligée à trouver sa place, à s’imposer, à accepter d’être la cadette qui fait rigoler toute la famille. Il lui a fallu trouver son style, à la fois semblable et différent. Prendre ce qu’il y a de bon chez les aînés et faire très tôt son  » chemin de croix  » toute seule. En vivant dans des appartements minuscules qu’elle payait de ses deniers, juste pour qu’on ne dise pas qu’elle est  » fille de « … Délaissant l’uniforme jean-converse qui va si bien à sa mère et à sa s£ur, elle a choisi un style plus  » grunge  » encore, qui intègre la culture britannique – sa nourriture, Lou aime par-dessus tout la pâte à tartiner Marmite ! – tout en restant la petite Parisienne de Bastille.

C’est au café le 138, rue du Faubourg Saint- Antoine, à Paris, son QG, que Lou Doillon nous a donné rendez-vous. Leggings léopard, sweat-shirt kaki, parka assortie, enroulée dans une écharpe qui rappelle le keffieh, les cheveux en bataille, elle est désarmante de simplicité. La conversation roule sur la collection qu’elle vient de dessiner pour Lee Cooper (1), la raison de notre rencontre, et Lou embraye aussitôt sur des propos plus engagés. Le problème des banlieues, les jeunes qui vivent dans la rue…, des questions qui la touchent. Un humanisme transmis par Jane. Lou, c’est une petite sauvageonne qui s’emballe et parle vrai. Elle adore l’histoire de France, se passionne pour la Révolution française et s’interroge sur le pessimisme des Français d’aujourd’hui.

A 25 ans, elle se préoccupe du travail des enfants (son fils Marlowe a 5 ans et demi), veut privilégier les matières écologiques, de qualité. Son jean préféré ? Un vieux modèle patchwork. Car Lou aime customiser, y compris sa propre vie : un peu de french attitude, un peu de culture anglo-saxonne, tout se mêle.

Notre conversation durera une heure, assises autour d’un thé et d’une eau pétillante. En partant, sans rien dire, elle paie l’addition. Une chic fille.

Weekend Le Vif/L’Express : Vous venez de signer un contrat de trois ans avec Lee Cooper. Pourquoi avoir accepté cette collaboration ?

Lou Doillon : J’ai été flattée. Je ne croule pas sous les demandes. J’avais dessiné quelques pièces pour La Redoute et un mois après, Lee Cooper m’a contactée. Ce que j’ai apprécié, c’est que je pouvais tout maîtriser de A à Z et même faire les  » final choices « . Ce n’était pas juste une embrouille pour avoir mon nom. De toute façon, mon nom ne coûte pas assez cher. Je ne suis pas assez connue du grand public. Ils m’ont proposé un vrai travail de designer.

Vous comptiez une première expérience en tant que styliste pour La Redoute. Qu’aviez-vous dessiné exactement pour eux ?

J’avais dessiné huit pièces en tout : un sac, un pantalon, une robe, un débardeur, une jupe, un boléro, une veste, etc. Je crois que cela a bien marché. J’aime l’éthique de Lee Cooper : des produits de qualité et des jeans certes un peu chers, mais qui tiendront le coup. Je n’aime pas ce réseau de la mode où l’on jette tout une fois porté. Ces trends m’échappent un peu.

Vous avez tout de même respecté la tendance en dessinant des jeans taille haute et des slims ?

Oui, mais c’était en février dernier, à ce moment-là, personne n’avait encore fait des tailles hautes à quelques rares exceptions près. Moi, je n’ai pas voulu aller vers le trend du moment, c’est-à-dire vers le jean patte d’ef mais au contraire vers des coupes un peu années 1930 et 1940 à la Coco Chanel. Je trouve que les tailles hautes font des longues jambes, ce sont des coupes plus sculpturales qui mettent davantage en valeur le corps de la femme.

Ce n’est pas un hasard si vous dessinez des jeans. Il semblerait que ce soit en effet la pièce maîtresse de votre garde-robe…

Pas vraiment, vous savez. Je ne suis pas une fanatique du jean contrairement au reste de ma famille. Moi, au contraire, je préfère les robes aux pantalons. J’aime m’amuser avec le jean. Je voudrais que les gens puissent s’approprier les modèles que j’ai dessinés pour Lee Cooper, les customiser.

Finalement vous avez repris le style Birkin au sens large…

Je suis née dans une famille où l’on ne se brossait pas les cheveux, ou, à la limite, on utilisait une fourchette en guise de brosse, où l’on avait des n£uds dans les cheveux et ce n’était pas grave. Un petit coup de crayon noir et un tube de rouge à lèvres dans la poche faisaient l’affaire. C’était ça les valeurs de ma mère. Je suis née en 1982 et forcément ma mère dans les années 1960 c’est l’inconnu. De plus, à la maison, il n’y avait aucune photo d’elle, elle ne pratiquait pas le culte de soi. Son look  » petite robe et ballerines « , je n’ai pas connu. Quand Marc Jacobs me dit :  » Votre mère, c’était une icône « , je ne connais pas vraiment celle à qui il fait allusion. Moi, j’ai hérité d’un mélange, d’une influence mais à la différence de ma mère, je ne suis la muse de personne. J’ai été élevée par une maman qui l’était et c’est ce qui me fascine en elle, en même temps cela ne devait pas être facile pour elle d’être  » la femme de Serge « . Dans mon style aussi, je me suis construite toute seule, toujours un peu en réaction. Je choisissais des trucs trop petits, j’allais au rayon garçon et j’adore depuis toujours me déguiser. Je me souviens d’un Noël où Charlotte m’avait offert des Converse rouge à rollers, ma grand-mère un tutu noir, ma mère des leggings rose fluo et puis des gants de boxe. J’ai voulu tout mettre ensemble, pour faire rire je crois…

Pour vous faire remarquer aussi ?

Oui pour me faire remarquer par ma propre famille. Autour de moi, il n’y avait que des gens beaux.

Vous avez un look un peu plus travaillé que votre mère…

La mode n’a jamais plu à ma mère. Elle n’a jamais vraiment fait les boutiques. Elle se mettait un treillis Bensimon parce que le magasin était situé en bas de la maison. Elle ne voulait pas qu’on l’emmerde, c’est tout. C’est pour cela qu’elle portait un jean large et toujours la même paire de pompes.

C’est donc cela le secret du style Birkin…

Oui, un je-m’en-foutisme pur et dur. Elle portait le tee-shirt de son père, une cravate en guise de ceinture car elle n’en avait pas, elle n’aime pas les chaussettes, elle n’aime pas les soutifs. C’est la femme la moins brimée vestimentairement. Dans les années 1970, c’est Serge qui voulait qu’elle s’habille. Alors, il a appelé Paco Rabanne et Yves Saint Laurent qui lui faisaient des petites robes sur mesure. Mais à la maison, ce n’était pas quelqu’un qui faisait un effort de style. Elle se maquillait vaguement d’un coup de crayon et mettait un stylo dans les cheveux, car elle n’avait pas d’élastique sous la main.

Un style 100 % nature en somme…

Oui, elle n’a jamais vraiment mis de crème sophistiquée non plus. Toujours hypersimple. Pas de vernis, pas de manucure ni de pédicure. A cet égard, je suis comme elle. A la limite, c’est une copine qui, sur un coup de déprime, nous force à aller au spa. J’ai été élevée par des gens qui prenaient un bain toutes les trois semaines tellement ils étaient angoissés par l’eau. J’ai grandi dans une famille où l’on s’angoisse supervite pour des trucs superbizarres, en fait. Moi je suis un peu comme une Anglaise, je peux m’endormir toute habillée et repartir telle quelle le matin. Je garde toujours la possibilité de faire beaucoup mieux. Je préfère ne pas être au top. C’est comme à Cannes, interdiction de me maquiller. Ça vieillit trop. J’ai grandi avec une mère tellement fraîche…

Votre mère vous a également transmis de belles valeurs…

Elle m’a transmis des valeurs aristocrates. C’est-à-dire un sens de l’adaptation. Elle m’a appris comment manger tout aussi bien avec la reine d’Angleterre qu’au Secours Populaire, dans la rue, avec les doigts s’il le faut. C’est profondément britannique. Le contraire de la bourgeoisie qui vous fait bien sentir que vous n’appartenez pas au même monde.

Qu’aimeriez-vous transmettre à votre fils ?

La patience et la curiosité. Tout en découle, comme la bienveillance et la générosité. De toute façon, les enfants nous regardent faire et reproduisent les bonnes valeurs tout comme les côtés crétins que l’on peut avoir. J’essaie de faire prendre conscience à mon fils que l’on ne vit qu’une fois, que l’on ne vit pas que pour les autres, mais que l’on vit pour soi et qu’en même temps, on peut faire des choses pour les autres.

Quelle est votre actualité cinématographique ?

Cela fait onze ans que je travaille et j’ai quatorze films derrière moi. Récemment, j’ai tourné dans des films indépendants anglais et américains. J’ai fait un petit bout dans le dernier film d’Abel Ferrara, j’ai joué avec Chloë Sevigny dans Sisters, et puis j’ai participé à des projets un peu cinglés. Je ne sais pas si cela va sortir. Je m’amuse davantage au théâtre. On me dit que j’ai trop de personnalité. Depuis deux ou trois mois, j’en ai pris mon parti et j’essaie de me convaincre que lorsqu’un réalisateur aura besoin d’une fille avec un tempérament fort, il fera appel à moi.

(1) La collection  » Lou by Lee Cooper  » sera disponible en boutique dès le mois de février prochain.

Propos recueillis par Agnès Trémoulet

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