Amoureux du beau, des formes novatrices et pourtant naturelles, Xavier Lust est aujourd’hui l’un des designers belges les plus cotés. Pour se raconter, il a choisi 24 mots qui lui parlent. Et parlent de lui.

On savait déjà qu’il aimait se jouer de la matière. Tordre le métal. Enflammer le verre. Dompter le bois. On n’imaginait pas qu’il prendrait autant de plaisir à égrener les lettres de l’alphabet, à trouver les mots qui le racontent. Sa liste à la main, Xavier Lust nous propose de filer à la brasserie du coin.  » Ici, c’est le chantier « , s’excuse-t-il en nous invitant à faire rapidement le tour du propriétaire. Le rez-de-chaussée de l’immeuble où il nous a donné rendez-vous est en passe de devenir un studio dans lequel le créateur bruxellois exposera très bientôt toutes ses créations. Du Banc en aluminium anodisé qui l’a lancé, à la lampe Fireworks, cet étonnant mobile lumineux inspiré par le travail du sculpteur américain Alexander Calder (1898 – 1976), que les fans de design découvrent cette semaine, au Salon du meuble de Milan. Une fois encore, Xavier Lust y est présent partout. Sur les stands des éditeurs, bien sûr, mais aussi dans l’exposition Je suis dada scénographiée par Design Vlaanderen ( lire en page 61).  » On y verra le portemanteau Baobab que MDF Italia a enfin réussi à mettre en production, se réjouit-il. Il y a près de 450 commandes qui attendent depuis deux ans.  » Preuve s’il en est que la patience est bien l’une des vertus de ce designer hors norme qui se définit pour nous en 24 mots.

Amour

 » Tout comme l’amitié, rien n’a davantage de valeur. On ne peut pas vivre sans, c’est essentiel. « 

Baobab

 » Cette pièce sculpturale, je l’ai créée pour MDF. Le challenge ici, c’était de réussir à traduire le langage de la nature, l’harmonie des formes tout en faisant abstraction de la symétrie cartésienne. « 

Critique

 » Elle fait trop souvent défaut dans le design. Or, seul l’art peut se contenter d’être sensationnel. « 

Design

 » Le mot est mis à toutes les sauces. Et même entre designers, nous ne sommes pas forcément d’accord. Mon approche est relativement classique. Comme Raymond Loewy ( NDLR : le créateur de la bouteille de Coca-Cola, 1893-1986), je pense que le design est un équilibre subtil entre quatre paramètres fondamentaux : la fonctionnalité, la technologie, la beauté et la culture.  »

Écran

 » Un tout nouveau projet que je présente à Milan pour Borella Design. De jour, c’est un parasol ou un paravent. Mais la nuit, il suffit de le faire pivoter sur une rotule pour qu’il se change en écran de projection. J’adore ce genre d’idée : toute simple en apparence mais qui n’a jamais été développée et qui pourtant a toute sa raison d’être. « 

Fireworks

 » J’avais ce projet en tête depuis longtemps. Quand Driade m’a demandé de travailler sur une lampe, j’ai dessiné ce mobile lumineux intuitivement. La preuve qu’il faut oser faire confiance à son instinct. « 

Génie

(Rires.)  » Quand on me traite de génie, j’accepte le compliment.  »

Humain

 » Il est au centre de mon travail de designer. La finalité de tout ce que je fais, c’est d’améliorer la qualité du quotidien. « 

Italie

 » J’adore ce pays. La manière d’y faire des affaires. Cette fraternité entre hommes qui fait qu’on se serre la main, en se regardant dans le blanc des yeux, et c’est un vrai serment. La force de ce pays, au-delà de son histoire et de son rapport séculaire aux arts, c’est surtout son tissu industriel. « 

Jeu

 » Celui qui prévaut dans les relations humaines. Ce n’est pas nécessairement hypocrite d’ailleurs. Je viens de dessiner un décor de nappe pour Flat Design qui illustre ces jeux sociaux. On y voit six bouches qui mangent, fument, sourient, boudent et symbolisent ces interactions. « 

Kilo

 » Le poids est un élément déterminant pour un meuble. Surtout dès que l’on parle d’un objet que l’on doit pouvoir déplacer facilement, comme une chaise par exemple. A l’inverse, le mobilier urbain n’est pas censé bouger ! Selon les cas de figure, on s’autorise d’autres matériaux, d’autres possibles. « 

Limites

 » Celles du réalisable que l’on transgresse lorsque l’on crée pour une galerie, sans soucis des contraintes de production industrielle. « 

Miami

 » Ces dernières années, grâce à des foires comme celles de Maastricht, Bâle, les Pavillons de l’Art et du Design à Londres et Paris, et bien sûr Design Miami, les meubles édités en série limitée ont atteint une cote énorme. Je trouve cela très excitant d’être aussi acteur dans cet univers-là. En décembre, j’exposais à Miami pour la première fois. J’ai vendu une Archiduchaise à un Texan. Il l’a vue, l’a aimée, a négocié le prix et basta ! « 

Nature

 » C’est une source d’inspiration inépuisable. La nature intègre complètement la notion de la performance. Rien n’est superflu. Un minimum de moyens pour un maximum de résultats. « 

Original

 » Mon travail se veut authentique. Je suis pour l’innovation autant formelle que technique. Quand j’étais étudiant, j’entendais souvent dire qu’on ne pouvait que reproduire des formes du passé. Je suis contre cette idée. C’est un alibi pour ne pas inventer. « 

PicNik

 » Avec le recul, je peux affirmer que cette pièce, réalisée avec Dirk Wynants pour Extremis, est l’une de mes meilleures créations. Il ne nous a pas fallu deux mois pour le mettre en boîte ! La Tate Modern à Londres en a acheté 17 exemplaires pour la terrasse de ses employés. Je viens même d’en vendre un à Lord Norman Foster ( NDLR : le célèbre architecte londonien) !  »

Question

 » Avant de commencer, je me demande toujours quelle est la raison d’être du projet. Même quand on travaille sur des pièces uniques de mobilier, on n’est jamais dans l’art pur. Celui qui achète une chaise, même d’apparat comme l’Archiduchaise, entend pouvoir s’asseoir dessus. Même une seule fois par an. « 

Rainy Day in Switzerland

 » Choisir les noms, c’est aussi mon boulot. Là, c’est celui d’un porte-parapluie en forme de croix suisse. C’est fabuleux de trouver un nom qui colle parfaitement à l’objet, qui ait un lien avec sa forme, sa fonction et qui lui donne, en prime, une toute autre dimension. « 

Star System

 » C’est comme ça que j’ai baptisé un miroir dessiné à la demande de Driade : un profil d’aluminium extrudé en étoile. Dans le design, le star-system est devenu déterminant dans une carrière. Personnellement, je préfère que ce soit mes projets qui me vendent que de vendre mes projets. En ça je suis certainement très belge. « 

Turner

 » Un chandelier. Toujours le même. On peut l’utiliser seul. Ou en combiner jusqu’à neuf, à volonté. Pour en faire un bouquet. « 

Urbain

 » Créer du mobilier urbain, c’est rêver d’un design accessible à tous, humaniste, au service de l’homme. Éthique et écologique en prime. J’ai répondu à un appel à projet pour dessiner les futurs abribus de la STIB. S’il y a bien une ville qui a besoin d’une identité, c’est Bruxelles. « 

Voyager

 » Quand je voyage c’est souvent pour le boulot, mais aussi pour tout lâcher. En dehors de l’Italie, j’aime aller au soleil, à la plage, là où il fait beau et chaud. à l’Île Maurice ou à Ibiza, où j’ai eu l’occasion d’aménager la maison d’un de mes amis. J’aime aussi l’énergie fascinante de grandes villes comme Tokyo ou Bangkok. « 

Waouw !

 » C’est l’effet que peut produire un prototype quand il est terminé, qu’il correspond exactement à ce que j’avais imaginé. Ou qu’il arrive même à me surprendre parce que je décèle un effet que, sur papier, je n’avais pas soupçonné. « 

Xst

 » La première et les deux dernières lettres de mon nom. C’est comme cela que j’ai baptisé le petit tabouret en croix qui accompagne l’Archiduchaise. « 

Par Isabelle Willot

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