Plus que jamais, un air d’Italie flotte dans ses rues pentues.

Fidèle à sa réputation, l’ancienne capitale des Gaules garde toujours jalousement ses secrets, mais parée de grâce et de lumière, elle se fait aussi éblouissante et festive.

Ce sont des cours intimes empreintes de mystères, des rues étroites et escarpées au pavé lisse, des volées d’escaliers qui montent parfois jusqu’au ciel. On succombe au charme du Vieux-Lyon, délimité par Saint-Paul, Saint-Jean et Saint-Georges qui, au pied de la colline de Fourvière, évoque, comme nulle part ailleurs en Europe, la douceur de l’architecture Renaissance : l’entrelacs des venelles y est délicieusement sinueux. Sans posséder codes et clés, on se lance, au hasard, dans l’aventure des fameuses traboules. On se glisse à travers les corridors, on se perd avec délice dans ce dédale historique (la plus longue traboule traverse cinq cours et quatre bâtiments), on sort de l’autre côté de la rue et c’est une plongée dans le passé. Cette ville admirable fut d’abord romaine avec superbe (l’amphithéâtre du Ier siècle avant notre ère est un trésor caché près de la basilique de Fourvière), capitale des Gaules, puis cité marchande et religieuse au Moyen Age. C’est à Lyon que bat le c£ur de la Renaissance, la soie d’ici surpasse toutes les autres, les banquiers de Gênes fondent à Lyon la première Bourse de France, des successeurs de Gutenberg impriment en cette cité le premier livre en français, une  » Légende dorée « … Dès le XVIe siècle, Lyon jouit du privilège de recevoir, quatre fois l’an, des foires. Les étrangers, surtout les Italiens, affluent. Pour ne pas se sentir dépaysés, ils construisent des maisons de style Renaissance italienne, avec des cours, des galeries et des fenêtres à meneaux et de superbes escaliers à vis. Hélas, toutes ces beautés secrètes, ces richesses accumulées ont été rendues invisibles par la patine des siècles et par les griffes du temps. Après la Seconde Guerre mondiale, le quartier est devenu sordide. On a envisagé de tout raser ! Heureusement, André Malraux, ministre de la Culture de l’époque, a tiré la sonnette d’alarme. Grâce à lui, ce pur joyau Renaissance a pu être sauvé, en 1962. Malraux a demandé d’éviter la  » muséification « . La réhabilitation s’est effectuée selon son credo :  » les hommes avant les pierres « . Aujourd’hui classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le premier quartier Renaissance de France brille d’un feu nouveau. Il est redevenu joyeux, pimpant et vivant.

Pour atteindre la basilique Notre-Dame-de-Fourvière, surplombant la colline du même nom, on emprunte le funiculaire. Extrêmement importante et symbolique pour les Lyonnais, l’édifice religieux a été construit suite à un v£u, prononcé en 1870. La guerre franco-prussienne bat alors son plein. Les habitants ont très peur et les femmes font le v£u de construire une église si les Prussiens n’envahissent pas la ville. Le v£u est exaucé, les Prussiens s’arrêtent à côté de Dijon. Dès 1872, la construction de la basilique est achevée. Austère et massive, veillée par la Vierge dorée, elle ressemble à une citadelle imprenable. L’architecte Pierre Bossan la voulait ainsi, pour montrer le pouvoir de la Vierge. L’intérieur, en revanche, surprend par une richesse inouïe. Des mosaïques miroitantes et chatoyantes tapissent les sols, les murs et les plafonds. Véritable sanctuaire, la basilique est le lieu le plus touristique de la ville et attire chaque année un million de visiteurs. L’achat de bougies suffit largement à son entretien !

Lyon n’a de cesse de démontrer que sa magie dépasse le cadre de son quartier Renaissance et de sa basilique et s’étend sur la presqu’île entre Saône et Rhône. La place des Terreaux est le centre de gravité de la cité. Réaménagée par l’artiste Daniel Buren, elle a retrouvé son dynamisme, lumières et jeux d’eau mêlés. C’est là, bien calée en face de la fontaine de Bartholdi et de ses chevaux écumants, qui lui donne des allures joyeuses de place Navone à Rome, que se dresse la longue façade de l’ancienne abbaye Saint-Pierre, aujourd’hui musée des Beaux-Arts. Superbement rénovée par les architectes Philippe Dubois et Jean-Michel Wilmotte, elle a retrouvé sa splendeur d’antan. De même que le merveilleux petit cloître, havre de paix champêtre des Lyonnais qui s’y donnent rendez-vous sous les bronzes patinés de Bourdelle et de Rodin. Il faut y faire un tour, car c’est le deuxième musée de France, après le Louvre, pour l’étendue et la splendeur de ses collections allant de l’Antiquité jusqu’à l’Art déco. Le point fort ? Une quarantaine de tableaux signés Manet, Renoir et Degas, légués par Jacqueline Delubac, native de Lyon, qui fut l’actrice préférée et la femme de Sacha Guitry.

Une chose est sûre : Lyon est une ville qui aime l’art, le théâtre et la musique. L’Opéra, construit en 1754 par Germain Soufflot (auteur, notamment, du Panthéon à Paris), a été agrandi, en 1993, par Jean Nouvel, la star des architectes. Quand les Lyonnais ont vu surgir, par-dessus les toits, ce demi-cylindre grillagé de lamelles de fer, ils l’ont baptisé affectueusement  » le grille-pain  » ou encore  » la râpe à fromage « , références culinaires qui n’ont rien de surprenant dans la capitale de la gastronomie. Depuis lors, l’Opéra s’est inscrit comme une constellation familière dans le ciel et le soir, il s’environne d’une douce lumière rouge, dont l’intensité varie selon le nombre de spectateurs. Guy Darmet mène tambour battant la Maison de la danse. Ses Biennales de la danse (en alternance avec les Biennales d’Art contemporain), extrêmement qualitatives, drainent à chaque fois plusieurs centaines de milliers d’aficionados et font danser toute la ville. Sur les traces de Gérard Planchon, de Patrice Chéreau et de Jérôme Savary, le Théâtre de la Croix-Rousse est plus vivant que jamais. Le ravissant théâtre à l’italienne des Célestins, le préféré des Lyonnais, fermé pour travaux, rouvrira en grande pompe au printemps 2005. En attendant, on ne manquera pas de jeter un coup d’£il sur… le parking souterrain voisin. Si, si, à Lyon, les parkings se visitent comme des £uvres d’art. Celui de la place des Célestins a été conçu par l’architecte Michel Targe et par l’artiste Daniel Buren. On s’approche d’un périscope, tourné vers les profondeurs de la terre. Des dizaines d’alvéoles qui rythment les niveaux du parking se reflètent dans un gigantesque miroir qui pivote lentement au fin fond. L’effet est saisissant et on reste un bon moment à contempler  » la vie sans fin qui s’enfonce dans la terre « .

Le musée d’Art contemporain est installé depuis 1995 dans un édifice conçu par l’architecte italien Renzo Piano qui, selon qu’on l’aborde côté parc de la Tête d’Or ou côté Rhône, présente une image austère ou ludique. Le metteur en scène Bertrand Tavernier, originaire de la ville, a pesé de tout son poids pour que l’Institut Lumière soit complètement rénové. Le hangar des deux frères, qui servit de décor à leur premier film,  » La Sortie des usines Lumière « , a été sauvé in extremis de la démolition. Ce lieu mythique où viennent se recueillir des réalisateurs du monde entier, comprend la remarquable villa 1900 où vivaient les Lumière, une salle de projection, un musée et une riche bibliothèque-médiathèque. Mais Lyon, berceau des images animées, est aussi la capitale des murs peints : une trentaine répartie à travers la ville et le musée urbain Tony-Garnier. Il faut voir le Mur des canuts (à l’angle du boulevard des Canuts et de la rue Denfert-Rochereau), le plus grand mur peint d’Europe. Impressionnant ! Les canuts ? Ce sont les tisseurs de soie. La ville en comptait 30 000 en 1850. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 12 soyeux têtus à perpétuer la tradition pure et fournir les grands châteaux d’Europe, à commencer par Versailles, ainsi que quelques grands couturiers. La visite du Musée des tissus est incontournable. Logé dans un hôtel particulier de toute beauté, il dispose de la plus grande collection textile au monde. Les soieries lyonnaises du XVIIe au XXe siècles sont abondamment exposées. La surprise ? Le tableau en soie, tissé d’après l’£uvre  » Murmures  » du peintre Paul Delvaux. Juste à côté, le musée des Arts décoratifs, illustre admirablement l’utilisation des textiles dans les décors intérieurs du XVIIIe siècle.

Riche en trésors de toutes époques, la ville aux deux fleuves peut se souvenir à juste titre qu’elle fut capitale des Gaules. D’une certaine manière, elle le demeure encore…

Barbara Witkowska

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