Chef doublement étoilé du Chalet de La Forêt, à Bruxelles, Pascal Devalkeneer a su garder les pieds sur terre et se préserver des tendances éphémères. Son nouvel atout : un grand potager écologique derrière son restaurant. Rencontre.

Rien ne prédisposait Pascal Devalkeneer (49 ans) à une carrière en cuisine. Longtemps convaincu que son avenir s’écrirait aux commandes de l’entreprise paternelle, il commence par s’inscrire dans une école de gestion bruxelloise.  » Un jour, j’ai pris conscience que je n’étais fait ni pour ces études, ni pour travailler dans la société de mon père, se souvient-il. C’est lui qui, peut-être un peu en désespoir de cause, m’a poussé vers l’horeca. J’avais 19 ans et j’ai commencé ma carrière tout en bas de l’échelle, comme commis, sans avoir bénéficié de la moindre formation culinaire.  » Ayant suivi une option  » maths  » à l’école secondaire,  » où l’on apprenait que tout devait être précis et calculé « , le jeune homme mettra un certain temps à comprendre qu’aux fourneaux,  » il faut plutôt suivre son instinct « . Après six mois toutefois, viendra  » la délivrance  » :  » J’ai commencé à appréhender l’organisation de mon lieu de travail et à oser prudemment exprimer mes sentiments.  » Plus tard, le maître en devenir contribue à lancer La Truffe Noire, une adresse réputée de la capitale. Il y intègre une nouvelle brigade et est confronté à une manière différente de fonctionner, qui le force à repartir encore une fois de zéro :  » La structure était celle d’un grand restaurant, chaque chef étant responsable d’une section. Pour le coup, ce n’était pas une libération mais un retour à la discipline.  »

L’étape suivante fut le Scholteshof, où la discipline était encore plus rigide, non ?

La charge de travail était plus lourde et l’exigence aussi, mais ce fut une période agréable. Le niveau de qualité proposé aux clients était élevé, mais cela ne nous empêchait pas de faire preuve de créativité. L’énorme potager nous forçait d’ailleurs à nous montrer inventifs. C’est là que j’ai découvert la formidable richesse d’une telle production de légumes. Nous sommes actuellement en train d’aménager plus d’un millier de mètres carrés derrière Le Chalet de la Forêt pour suivre cette voie.

Mais c’est en devenant votre propre patron que vous vous êtes vraiment senti libre…

J’ai d’abord ouvert avec un associé le Bistrot du Mail, à Bruxelles, où nous sommes restés sept ans. Notre objectif était de nous amuser en cuisinant, de nous sentir indépendants. Cet endroit fut précurseur de ce que l’on appelle aujourd’hui la  » bistronomie « .

Le lancement du Chalet de la Forêt, il y a quinze ans, s’inscrivait-il dans la même lignée ?

Absolument pas ! Nous avons tout réinventé ! Lorsque j’ai vu le bâtiment pour la première fois, il était complètement délabré. À 34 ans, je me trouvais face à un investissement majeur. Une rénovation globale s’imposait mais j’avais conscience d’avoir trouvé un instrument qui me permettrait d’aller très loin. Nous avons ouvert avec une équipe de neuf personnes quelques jours avant le tournant du millénaire, le 22 décembre 1999. À l’époque, un client déboursait de 60 à 70 euros environ chez nous. Aujourd’hui, nous employons trente personnes et l’addition se situe entre 150 et 180 euros, boissons comprises. Cette évolution témoigne bien de la croissance lente, presque organique, que nous avons connue au fil des ans. Dès le premier jour, Le Chalet de la Forêt s’est axé sur le produit et sur le goût. Au début, nous ne pouvions pas nous permettre de proposer des préparations sophistiquées et nous étions obligés de rester relativement sobres dans la présentation. C’est petit à petit que nous sommes arrivés là où nous en sommes actuellement.

Où situez-vous  » Le Chalet  » aujourd’hui ?

À sa juste place : celle où nous nous sentons bien. Mes collaborateurs sont jeunes et avides de montrer de quoi ils sont capables, et l’énergie nécessaire pour continuer à évoluer ne manque pas ! Bien sûr, ce serait impossible sans le soutien de nos clients, qui doivent être prêts à nous suivre et comprendre notre approche. Il se trouve encore parmi eux plusieurs fidèles du Bistrot du Mail, mais nous accueillons aussi régulièrement Roger Souvereyns (ex-Scholteshof) et d’autres amis restaurateurs, comme les frères Folmer (Couvert Couvert). Ils ont tous leur propre style, et c’est bien ce qui rend notre amitié unique et passionnante.

Comment définiriez-vous votre cuisine ?

Elle reflète ma personnalité. Je n’ai jamais été attiré par la gastronomie moléculaire, je suis trop conservateur pour cela. Je m’appuie sur des bases classiques. Cela peut sembler surprenant parce que je n’ai jamais suivi cette formation traditionnelle, mais je me fie beaucoup à mon instinct : si le goût me plaît, c’est bon. Le plus souvent, mon approche vise en premier lieu à mettre en valeur l’ingrédient principal, tout en charmant le palais par une note d’originalité. Cela me permet d’apporter au plat une touche personnelle et une certaine émotion, tout en veillant à ce que l’ensemble reste bien équilibré.

Avec quels produits vous sentez-vous le plus d’affinités ?

Les ris de veau, le pigeon, le saint-pierre et les huîtres comptent au nombre de mes favoris. Le tartare d’huîtres Gillardeau, les huîtres de Zélande cuites sur le gril mais aussi les coquilles Saint-Jacques, truffe et moelle sont des mets qui font aujourd’hui partie de nos spécialités, des plats signatures qui, en saison, figurent systématiquement au menu.

Quels sont vos projets à venir ?

Tout d’abord développer mon potager et mon jardin d’herbes aromatiques. Tout ce qui y est produit est naturel et écologique. Et peut-être un jour, au moment opportun, un nouveau bistrot plus accessible. C’est un projet que je caresse depuis longtemps, mais qui doit avoir le temps de  » mûrir « .

Le Chalet de la Forêt, 43, drève de Lorraine, à 1180 Bruxelles. Tél. : 02 374 54 16. www.lechaletdelaforet.be

PAR PIETER VAN DOVEREN / PHOTOS KRIS VLEGELS

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