Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Avant, tout était simple mais aléatoire. Les souvenirs d’un cher disparu tenaient dans une boîte à chaussures (tout au plus dans une caisse en carton) et se composaient généralement de quelques photos jaunies, d’une liasse de lettres d’amour, d’une collection de disques rayés et, parfois, d’un vieux carnet griffonné. Au fil d’une exploration poussiéreuse menée dans le grenier, l’arrière-petit-fils de l’intéressé tentait alors de reconstruire le puzzle d’une vie compactée à coups d’interprétations libres et d’hypothèses frustrantes. Aujourd’hui, tout semble a priori plus compliqué mais l’expérience se révèle en définitive beaucoup plus efficace. Grâce au numérique, les traces d’une existence peuvent en effet tenir sur le disque dur d’un seul ordinateur familial : images, sons, agenda, correspondances, chansons, séquences vidéo… Le sel d’une vie est à portée de souris ! Certes, les réfractaires au progrès digital regretteront l’absence de sensations tactiles et pointeront surtout le danger d’un bug informatique capable de tout détruire, mais au-delà de cette angoisse légitime, force est de reconnaître l’immense avantage d’une telle organisation de l’information. Imaginez un peu le scénario : nous sommes en 2092 et vous êtes mort depuis longtemps. Votre arrière-petit-fils a gardé dans son PC tous les dossiers-fichiers de ses ancêtres. En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, il peut, au choix, écouter les disques que vous aimiez à 15 ans, admirer les filles que vous avez séduites à l’université, regarder vos films culte et, plus fort, voir exactement ce que vous avez fait le 28 mai 2004 (avec un peu de chance, il lira cet article que vous aurez téléchargé sur www.levif.be… On peut toujours rêver !) Bref, dans le futur, il sera tout à fait possible de disséquer une existence enregistrée sur disque dur de manière chronologique et/ou thématique. Science-fiction ? Pas vraiment. Aujourd’hui, des dizaines de chercheurs planchent sur cet idéal numérique, histoire que chacun puisse se constituer un jour l’encyclopédie de sa propre vie. Ainsi, aux Etats-Unis, l’ingénieur Gordon Bell s’est fait le chevalier de cette nouvelle quête cybernétique au sein du géant Microsoft (sur www.microsoft.com, tapez  » mylifebits  » dans la fenêtre de recherche). Depuis quelques années déjà, il enregistre ses moindres faits et gestes dans son ordinateur : ses e-mails, ses appels téléphoniques, ses photos, ses livres, ses disques, ses vidéos, ses factures… Objectif : ne plus s’encombrer d’un seul papier et répertorier (presque) toute sa vie sur disque dur. Pour ses arrière-petits-enfants ? Pas seulement. Car au-delà des précieux souvenirs que Gordon Bell laissera forcément à sa descendance, l’idée se veut au départ très égocentrique. En clair, il s’agit de retrouver, grâce à ce système d’archivage performant, une information concernant chacun de nous de la manière la plus efficace possible. Lieux visités, personnes rencontrées, messages envoyés, émissions regardées, restos préférés, etc. Bourré d’infos personnelles, le disque dur de notre ordinateur pourrait donc devenir, in fine, un assistant personnel infaillible ; mieux, un cerveau de substitution qui se moque joyeusement de la maladie d’Alzheimer. A condition de tout archiver, cela va de soi. Quoique. D’autres chercheurs travaillent actuellement sur un projet de mini-caméra portable qui pourrait facilement faire cette corvée à notre place. Une espèce de boîte noire de notre vie quotidienne, en quelque sorte. Bref, il ne manquera bientôt plus que l’odeur des souvenirs. Rassurez-vous, on y travaille…

Frédéric Brébant

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