D’une paire de chaussures à un pull tricoté main, il n’y a qu’un pas, que cette styliste bruxelloise saute allègrement. En talons hauts, qui plus est.

Cela lui a pris comme ça, l’été dernier. Un désir de sentir la laine s’enrouler au bout des doigts, comme lorsqu’elle était encore gamine et qu’elle avait appris à tricoter une poule pour Pâques, à l’école, c’était à la fin des années 70. Une envie de créer un pull ; le modèle, elle l’avait exactement en tête, quelque chose de simple, conçu avec un minimum de coutures. Un midi, Véronique Mergeay en a parlé à ses copines. L’une d’elles lui a conseillé une boutique de la rue du Bailli, à Bruxelles – parce que la laine, elle la voulait forcément belle et douce, pas facile à trouver. Et en trois jours, l’affaire était pliée, elle ne quittait plus son nouveau gilet en maille.

Depuis, la Forestoise en fabrique régulièrement. Souvent le soir, en silence, sans musique, ni télévision. Des pièces en laine, alpaga ou cachemire, qu’elle vend ensuite aux amoureux de belles choses, dans un corner dédié aux talents belges, installé à l’étage du concept store bruxellois Francis Ferent.  » Le tricot agit sur moi de façon très thérapeutique, avoue-t-elle, dans un sourire. Cela m’apaise, me permet de remettre les choses en place, de prendre du recul. Pour l’instant, cette occupation m’apporte du bonheur. Et si je peux le partager avec des gens qui apprécient le produit…  »

Pour satisfaire sa volonté de créer, cette cadette d’une famille de quatre filles n’a pas hésité à vendre sa maison du quartier cossu de l’Observatoire, dans la capitale, pour s’installer dans un appartement-atelier cosy.  » Je voulais rester maître de mon projet et éviter de faire appel à un investisseur. Je n’ai pas envie de devoir rendre des comptes.  » Chaque jour, après une indispensable heure de sport, celle qui se qualifie elle-même de solitaire, légèrement tête brûlée, prend place à sa longue table blanche. Il y a la maille, bien sûr, mais surtout ses chaussures, qu’elle imagine depuis fin 2009. Elle accroche des fleurs à la lanière d’une sandale, conçoit des modèles typiquement masculins qu’elle féminise au maximum… Avec, à chaque fois, une semelle vert amande associée à du rouge vermillon, deux teintes désormais connues des initiées. Sa production est réalisée artisanalement, en Italie, là où Christian Louboutin, Manolo Blahnik ou Pierre Hardy se fournissent. Encore et toujours, ce même souci de la qualité et du détail.

 » Quand on lance sa marque, on raconte finalement sa propre histoire. C’est un peu comme une peinture, dans laquelle on livre une partie de sa vie. La mienne est composée de plusieurs petits récits.  » Tout commence par des études de stylisme, à l’institut Bischoffsheim, où elle apprend à maîtriser la technique. Viennent ensuite quatre années d’expérience à Paris, chez Daniel Hechter, Apostrophe et Princesse Tam-Tam. Elle acquiert une connaissance approfondie des tissus, se spécialise dans l’univers de la lingerie et de l’enfant, effleure celui de la mode Femme.

De retour en Belgique, elle fonde sa propre marque de prêt-à- porter, avec sa soeur, commerciale dans l’âme. L’appellation est vite choisie : Pianori, soit le nom de famille de leur mère, un hommage à ses racines italiennes, à son allure et son élégance, dignes de Sophia Loren.  » Enfants, on ne loupait jamais ses séances d’essayage chez la couturière, où elle se faisait faire des tenues sur mesure, directement inspirées de ce qu’elle voyait dans Vogue.  »

L’aventure en duo dure une décennie. Tandis que sa frangine continue sa route, Véronique Mergeay travaille comme styliste chez Natan, pendant quatre ans. Mais à nouveau, elle aspire à de nouvelles découvertes. Et qu’importe si cette adepte de hauts talons ne possède pas de réelle expérience dans le soulier.  » J’avais envie de recommencer à zéro, de me confronter à des défis inédits. Quelque part, j’aime me mettre en danger, c’est ce qui me permet de me sentir vivre.  » Pour preuve, après les chaussures et la maille, la voilà qui lance, ce printemps, une petite ligne de sacs. Et qui sait, peut-être qu’une collection de prêt-à-porter verra aussi prochainement le jour…  » Une chemise en popeline blanche, une veste, un pantalon. Quelques pièces épurées que j’aimerais moi-même porter.  » Sa garde-robe idéale, en somme. Et c’est tant mieux si, une fois encore, elle fait partager ses envies avec autrui.

PAR CATHERINE PLEECK

 » J’aime me mettre en danger. « 

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