Il a repris l’entreprise lancée en 1969 par Jules Wabbes et est passionné par l’oeuvre de Christophe Gevers. Pas étonnant que ces deux créateurs belges aient inspiré l’intérieur brabançon de Vincent Colet. Ou quand le design industriel se met au vert.

Jules Wabbes se serait probablement senti comme chez lui dans cette habitation lasnoise aux airs d’atelier, truffée d’objets étonnants. C’est que son propriétaire, Vincent Colet, partage de nombreux points communs avec le designer belge. Si ce dernier a débuté en tant qu’antiquaire et développé ainsi un goût prononcé pour les beaux matériaux et la virtuosité artisanale, le Brabançon a quant à lui été formé au métier d’ébéniste et restaurait autrefois du mobilier ancien.  » C’est de là que vient ma passion pour les essences précieuses et les assemblages atypiques en bois et en métal, confie-t-il. J’aime les meubles et les objets qui s’harmonisent de façon délicate.  »

Vincent Colet est depuis de longues années un ami de la famille Wabbes (lire par ailleurs) qui vit dans le village voisin de Maransart. Il a grandi avec sa fille, Marie, qui est à l’origine de plusieurs publications sur son père. A l’instar de celui-ci, qui dessinait des meubles modernes dans les années 50, Vincent Colet se démarqua aussi comme précurseur : dans les années 90, il fut l’un des premiers antiquaires design réputés dans notre pays. Il contribua ainsi grandement à la redécouverte de Jules Wabbes, mais aussi de Christophe Gevers (lire par ailleurs), deux talents alors presque oubliés de tous et désormais à nouveau idolâtrés. Armé du flair du chineur professionnel, Vincent Colet était en permanence en quête de vintage original. Et il préférait la Suisse à la France ou l’Italie, deux nations alors très prisées des marchands et des collectionneurs.  » Ce pays possède une tradition en matière de meubles et d’objets particulière et plus riche qu’on ne pourrait l’imaginer « , justifie-t-il. Pour preuve, avance-t-il, de grands architectes tels que Peter Zumthor, Herzog & de Meuron et Le Corbusier viennent de cette contrée.  » Les Suisses ont développé le design industriel pourvu d’une touche Bauhaus fonctionnelle. Il ne s’agit pas de mobilier commercial destiné au grand public mais essentiellement de meubles et d’éclairage pour les écoles et les entreprises, toujours assemblés avec ingéniosité « , note le spécialiste. Et c’est précisément ce caractère industriel qui donne à son habitation l’allure d’un atelier.

LA VIE EN BLEU

La maison est située dans un environnement rural et le jardin se confond presque avec les champs avoisinants. Bien qu’il compte de nombreux murs, l’intérieur a été conçu tel un grand espace continu. La salle à manger mène au grand bureau – où trônent une table et des chaises de Christophe Gevers – qui conduit lui-même au salon complètement peint en bleu cobalt et donnant sur le jardin.  » La teinte de cette pièce vient à la base d’une étagère murale signée Christophe Gevers. Cela crée un effet troublant et permet de s’évader loin de notre campagne pour atterrir dans une toute autre ambiance « , précise Vincent Colet. Il faut savoir que Christophe Gevers s’est fait connaître dans les années 60 alors que le peintre français Yves Klein faisait fureur avec ses oeuvres… bleues. Le coeur battant de cette villa reste toutefois le bureau, aménagé notamment à l’aide d’une table de Christophe Gevers et d’une grande bibliothèque. Vincent y a également installé quelques pièces de style industriel en provenance directe de Suisse. L’escalier en béton, qui attire indéniablement l’oeil, a été dessiné par le propriétaire lui-même.  » Il s’agit de l’unique structure architecturale à laquelle j’ai un jour donné forme et je dois avouer que je la trouve plutôt réussie ; ça doit être la chance du débutant « , sourit-il. Ode à la lumière, la chambre à coucher et la salle de bains permettent, elles, de se ressourcer en toute simplicité.

Des luminaires vintage ont pris place aux quatre coins de la demeure. De part et d’autre du lit, ce sont des lampes du Bruxellois Marcel Baugniet qui ont été installées tandis que d’autres réalisations dominent la salle à manger et la cuisine. Il ne s’agit néanmoins jamais d’icônes évidentes à l’image de celles que l’on retrouve dans tous les magazines de déco, le couple affectionnant les trésors insoupçonnés.  » Nous ne possédons pas de pièce connue, insiste-t-il. Les plus fascinantes sont celles conçues par des anonymes. Même si on ne sait pas qui les a fabriquées, cela ne nous empêche pas de les trouver belles. Nombreux sont les experts recherchant des classiques. Développer son oeil au design anonyme nous semble plus intéressant.  »

Les habitants prêtent aussi une attention particulière à ce qui a été confectionné de façon artisanale, un gage de qualité selon eux. Ainsi, de magnifiques chaises d’Erik Gunnar Asplund, un architecte suédois, entourent la table de la salle à manger.  » Il est inconnu du grand public mais cet homme extraordinaire fut l’un des ténors du néoclassicisme suédois et il est aujourd’hui redécouvert au niveau international. Ces sièges massifs en bois de Mahony sont de grande qualité. J’ai rarement vu des chaises s’harmonisant aussi bien avec tout « , conclut le maître des lieux.

Mais le créateur que Vincent Colet apprécie sans doute le plus est Johan Petter Johansson, un personnage plutôt atypique. Ce Suédois (1853-1943) jonglait avec les vis et boulons pour mettre au point des assemblages surprenants. Il est surtout connu dans le secteur pour ses lampes télescopiques produites par Triplex. Des objets qui furent annonciateurs du style Bauhaus industriel. Les connaisseurs trouvent désormais ce genre d’éclairages onéreux sur le site www.1stdibs.com et sont prêts à débourser des sommes faramineuses pour s’en offrir un exemplaire. Vincent Colet s’est, lui, mis à les collectionner il y a quelques années et s’est même rendu en Scandinavie avec l’objectif de dénicher d’autres modèles. Ces acquisitions sont désormais disséminées aux quatre coins de son logement.  » Tout le monde les trouve fantastiques. Pourtant, lorsque je les vendais à l’époque au Sablon, à Bruxelles, personne ne les regardait. Cela prouve que les goûts changent en permanence. « 

PAR PIET SWIMBERGHE / PHOTOS : JAN VERLINDE

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