Une bâtisse moderniste bruxelloise rénovée en technicolor

Le salon illustre bien le mélange des styles de cette maison avec une table Roche Bobois vintage, ainsi qu'un lustre et des fauteuils trouvés chez D+, dans le quartier des Marolles. Au mur, tableaux anciens et oeuvres plus récentes se juxtaposent sans complexes. © LAURENT BRANDAJS

Cette magnifique bâtisse moderniste de plus de 500 m2 a été rénovée avec beaucoup d’audace. Couleurs vives et détails ludiques font de cette maison un havre de gaieté, en plein Ixelles.

« Pourquoi se séparer d’un objet parce qu’il n’est plus en phase avec un nouvel intérieur? » C’est la réflexion que s’est faite ce Bruxellois, qui préfère rester dans l’ombre, lorsqu’il a, avec son épouse, décoré cet ancien hôtel particulier datant de 1937. Lui, affectionnait tout particulièrement les meubles du XVIIIe siècle ; elle, aimait les choses plus contemporaines. Il a fallu trouver un compromis… « Nous avons donc fait en sorte que le mobilier d’époque disparaisse dans l’ensemble, pour ne pas trop typer le lieu », explique l’habitant, prenant en exemple les miroirs et cadres anciens du salon, qui forment un patchwork mural avec des oeuvres plus récentes. Ou la déco du hall, dans lequel une commode en tombeau antique répond à une photo hyper vive et des chaises futuristes en béton et métal, le tout formant une sorte d’autel qui anime l’entrée et questionne ceux qui pénètrent dans l’habitation.

Dans le hall d'entrée, une commode ancienne dialogue avec une photo d'Elena-Iv-skaya venant de YellowKorner et des sièges MAGIS de Konstantin Grcic.
Dans le hall d’entrée, une commode ancienne dialogue avec une photo d’Elena-Iv-skaya venant de YellowKorner et des sièges MAGIS de Konstantin Grcic.© LAURENT BRANDAJS

Quand cela était nécessaire pour harmoniser l’ensemble et répondre aux envies des habitants, les meubles ont également été dessinés complètement sur mesure par le bureau d’architecture Edgar, chargé de la rénovation. C’est le cas de la bibliothèque du salon et de la cuisine, faite uniquement de tiroirs et d’une plaque de marbre noir et blanc, choisie avec soin pour que les veines soient continues sur la crédence.

Jeux de couleurs

Partout dans l’espace, on perçoit ainsi ces mariages de styles sans concessions et ne tombant jamais dans le mauvais goût. « Quand un objet est beau, il peut se juxtaposer à toutes les époques. Je n’ai aucun souci à mixer tout ça, j’aime ce décalage », insiste le maître des lieux, qui n’est en rien décorateur mais a pris beaucoup de plaisir à penser, avec sa compagne, chaque détail et matière de cet aménagement.

Les couleurs, différentes par pièce, ont été également choisies avec minutie par les occupants et jouent un rôle prépondérant dans ce logis occupé par une famille de quatre enfants. « On l’a vraiment fait comme on le sentait. Dans le salon, on a opté pour un vert et un gris qui rappellent le grand paravent japonais qui y est exposé. Dans la cuisine, on a un jaune ensoleillé, et dans le hall un bleu canard plus soutenu, qui était à la mode au moment de notre installation. »

Le couloir d’entrée, lui, est encore plus exubérant, avec un papier peint à dessins géométriques dorés, qui remontent même sur le plafond. « L’idée était d’apporter de l’animation dans ce lieu de passage, raconte le propriétaire. On s’est lâché dans les couloirs car ce sont des endroits où on ne reste pas longtemps, où on ne se sent donc pas agressé et où on ne risque pas de se lasser. » Côté éclairage, de très nombreuses sources lumineuses, tantôt discrètes, tantôt sculpturales — comme le lustre fait de petits papiers à message accrochés, placé tout en haut de la cage d’escalier — permettent de varier l’ambiance au cours de la journée et des activités de la maisonnée.

Les architectes ont conçu une paroi vitrée, avec de fins châssis noirs très modernes, qui apporte de la lumière au centre de l'habitation.
Les architectes ont conçu une paroi vitrée, avec de fins châssis noirs très modernes, qui apporte de la lumière au centre de l’habitation.© LAURENT BRANDAJS

Modernisme renforcé

Cet intérieur bigarré, plein de surprises et jonglant avec les références du passé, prend place dans un projet qui, architecturalement parlant, affiche par contre un style moderniste évident. « Cette maison est l’oeuvre de l’architecte bruxellois Jean-Jules Eggericx, qui a réalisé entre autres les cités-jardins Florale et Le Logis à Watermael-Boitsfort et révolutionné ainsi le concept de logement. L’habitation avait perdu de son jus suite à des transformations et nos clients voulaient retrouver ce cachet originel », raconte Charles Groensteen du bureau Edgar.

Les concepteurs ont donc conservé un maximum d’éléments — comme le parquet à bâtons rompus du séjour, certains sols en mosaïques ou l’escalier majestueux ouvert, dont seules les premières marches ont été refaites — mais ont aussi redonné une touche moderniste supplémentaire à l’ensemble. Notamment en recréant des parois vitrées, rythmées de fin châssis noirs très graphiques, qui permettent aux rayons du sud, côté jardin, de pénétrer vers le coeur du bâtiment. Ou en plaçant les radiateurs dans des niches en placage de chêne qui peuvent désormais servir d’étagère ou même d’assise.

Un air de Villa Cavrois

Le plan général comme il a été repensé par le studio Edgar rappelle aussi l’organisation de la Villa Cavrois, une somptueuse habitation avant-gardiste signée Robert Mallet-Stevens en 1932 et située près de Lille — « Nous l’avons visitée un peu par hasard lorsque nous venions d’acquérir la maison et cela nous a donné des idées », explique le propriétaire.

Au rez-de-jardin, quelques marches plus haut que la rue, on trouve ainsi la cuisine, la salle à manger et le salon, mais aussi un très grand vestiaire et un studio pour le personnel de maison. Le premier est occupé par deux autres chambres d’enfant et la suite parentale, avec petit salon privé et bureau. Les zones pour les kids et les adultes sont clairement identifiées et toutes les pièces de vie sont orientées vers le jardin afin de profiter de la lumière du sud.

La maison d’origine n’avait qu’un étage, un deuxième y a été ajouté. Situé en retrait de la façade, il ne se perçoit pas de la rue mais apporte un bel espace complémentaire, comprenant deux chambres d’enfant, un bureau et surtout une énorme salle de jeux baignée de lumière, où il est possible de pendre, aux poutres métalliques, des balançoires, une tente ou un hamac. Une pièce qui est à l’image du reste de cette habitation: ludique, axée sur la vie de famille et le plaisir, avant tout.

En bref – Edgar Architecture

– Charles Groensteen et Quentin Belin ont étudié l’architecture à Saint-Luc Tournai.

– Dès 2008, ils ont travaillé dans divers bureaux, en Belgique et à l’étranger.

– En 2017, ils ont fondé Edgar Architecture, à Bruxelles. Ils désiraient ainsi trouver une plus grande liberté, et surtout pouvoir suivre les projets de A à Z, ce qui n’est pas possible dans les gros bureaux. En 2020, ils ont été rejoints par Nicolas Michaux, diplômé de Saint-Luc Bruxelles.

– Le trio travaille principalement pour des particuliers – extensions et maisons neuves – à Bruxelles, dans le Brabant wallon et le Tournaisis.

– Ils revendiquent une approche de l’architecture « à l’écoute des clients par rapport au programme tout en essayant de les surprendre avec quelque chose qu’ils n’auraient pas imaginé et qui souvent porte ses fruits ».

edgar-archi.be

La cuisine a été dessinée par le bureau Edgar et la plaque en marbre choisie par le propriétaire. Au-dessus du buffet, on retrouve les suspensions Multi-Lite de madeindesign.com, une  réédition du modèle dessiné en 1972 par Louis Weisdorf.
La cuisine a été dessinée par le bureau Edgar et la plaque en marbre choisie par le propriétaire. Au-dessus du buffet, on retrouve les suspensions Multi-Lite de madeindesign.com, une réédition du modèle dessiné en 1972 par Louis Weisdorf.© LAURENT BRANDAJS
A l'étage, les parents disposent d'un petit salon privatif qui bénéficie de la lumière du sud, comme toutes les pièces de vie. La petite table vient de Michel Lambrecht Art & Déco.

A l’étage, les parents disposent d’un petit salon privatif qui bénéficie de la lumière du sud, comme toutes les pièces de vie. La petite table vient de Michel Lambrecht Art & Déco.© LAURENT BRANDAJS
Pour donner du corps à la haute cage d'escalier, les propriétaires ont placé des boules lumineuses en cercle, à diverses hauteurs. Elles viennent de D+, spécialiste des luminaires italiens vintage.

Pour donner du corps à la haute cage d’escalier, les propriétaires ont placé des boules lumineuses en cercle, à diverses hauteurs. Elles viennent de D+, spécialiste des luminaires italiens vintage.© LAURENT BRANDAJS
Tout en haut, l'étage ajouté au bâtiment accueille notamment une immense salle de jeux où il est possible de pendre balançoire et hamac, rendant l'endroit très ludique.

Tout en haut, l’étage ajouté au bâtiment accueille notamment une immense salle de jeux où il est possible de pendre balançoire et hamac, rendant l’endroit très ludique.© LAURENT BRANDAJS
Le deuxième étage est une construction neuve complètement vitrée, dessinée dans l'esprit du bâtiment d'origine.

Le deuxième étage est une construction neuve complètement vitrée, dessinée dans l’esprit du bâtiment d’origine.© LAURENT BRANDAJS

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