La créatrice franco-iranienne Maryam Mahdavi réaménage son habitation presque aussi souvent qu’elle change de robe. Son antre bruxellois, aux allures de boudoir, est un savant mélange  » boho-rock-chic « .

Lorsqu’elle fait visiter son repaire, en parfaite diva, Maryam Mahdavi parle à un rythme soutenu. Son accent parisien prononcé, ponctué d’intonations orientales, laisse deviner son parcours. Elle vit depuis peu dans notre capitale, est passée par la ville Lumière, mais est en réalité originaire d’Iran.  » J’ai grandi à Téhéran. Je puise ma fantaisie dans ces racines et plus particulièrement dans les histoires que me relatait ma grand-mère « , raconte-t-elle. L’expatriée a aujourd’hui posé ses bagages à proximité des étangs d’Ixelles, dans un immeuble datant de 1920, au style bourgeois, et dont les façades contrastent avec l’aménagement des pièces, la décoratrice y ayant ajouté une touche luxueuse très personnelle. L’endroit est aussi en constante évolution puisque sa propriétaire se plaît à inlassablement le réinventer.  » Un intérieur, c’est un peu comme un décor de théâtre « , s’amuse celle qui n’a jamais vraiment foulé les planches mais a déjà dessiné de nombreuses scénographies pour les secteurs de la mode, de la beauté et de l’art. Notamment pour Didier Ludot, expert en haute couture vintage, mais aussi pour Clarins, pour la maison d’enchères Artcurial et d’autres grands noms parisiens. L’an dernier, elle a réalisé un incroyable projet sur le thème de la jungle pour la maison d’enchères Cornette de Saint-Cyr à Bruxelles, tandis qu’elle travaille désormais sur des habitations pour la haute société, à Dubaï.

Mais Maryam Mahdavi ne se cantonne pas à un style ou un domaine.  » Ce n’est pas ce que je souhaite. Le luxe est pour moi synonyme de liberté. Lorsqu’on est libre, on ose beaucoup plus. Cela n’a rien à voir avec l’or et les paillettes.  » Cette approche décomplexée se reflète dans cette demeure hors du commun, mélange de kitsch, de surréalisme et d’éclectisme. Un mix que l’on pourrait caractériser de  » boho-rock-chic  » et qui rappelle le boudoir où la reine Marie-Antoinette recevait ses amis au XVIIIe siècle. De ce type d’ambiance intimiste, se dégage toujours une part de mystère…

PAYSAGE ONIRIQUE

La Bruxelloise d’adoption est venue de son pays natal pour étudier la mode à Paris, à l’Esmod, puis l’histoire de l’art à l’Ecole du Louvre. Elle a imaginé de la lingerie pendant un temps, mais peu de vêtements. Un pas décisif dans sa carrière fut sa découverte du temple de l’intérieur du célèbre designer britannique David Hicks, dans la rue de Tournon.  » Il mettait au point, à l’époque, de nombreux aménagements pour le Moyen-Orient, se souvient la conceptrice. Il avait beaucoup de dossiers en Iran et c’est grâce à lui que j’ai apprivoisé l’éventail de couleurs que j’utilise encore aujourd’hui. J’apprécie aussi sa façon très particulière de mélanger les genres pour générer un cocktail presque irréel.  »

Pour preuve, en entrant dans la résidence ixelloise, on tombe nez à nez avec un impressionnant fauve empaillé. On pénètre ensuite dans une petite pièce bleue où se côtoient de multiples trouvailles et où les yeux doivent préalablement s’habituer à la pénombre.  » J’aime les salons à l’image de ceux de Dior dans les années 50 « , révèle l’habitante qui a une explication pour tout :  » Savez-vous pourquoi ces tentures sont si voluptueuses ?, questionne-t-elle. Parce qu’elles peuvent se transformer en robe de soirée ! En cas de sortie imprévue, il me suffirait de les dépendre et de les draper autour de mon corps.  » Et de poursuivre :  » Je pars du principe que tout vit ici, que les tables, les chaises et les objets discutent ensemble comme dans les contes de fée. Quand nous sommes là, ils se retiennent, naturellement…  » A l’entendre, on comprend aisément qu’elle se sente  » comme chez elle  » dans le Bruxelles de Magritte et qu’elle ait des affinités avec des personnages tels que Jean Cocteau ou Federico Fellini. Son musée favori à Paris ? Celui de la chasse, situé dans le quartier du Marais et rempli de décors incroyables et d’animaux empaillés. Le cabinet de curiosités par excellence.

DÉTAILS HAUTE COUTURE

L’atmosphère qui règne dans ce pied-à-terre bruxellois se veut néanmoins moins érotique que sensuelle et humoristique.  » Féminine aussi, ajoute-t-elle. Tout ce qui se trouve ici a un rapport avec les femmes et la séduction.  » A l’image des guéridons en fer qu’elle a elle-même dessinés et baptisés Les Infidèles. Les plateaux reposent sur des pieds en forme de jambes graciles.  » Coquin, non ? Ils sont inspirés des jeunes filles élégantes que l’on aperçoit aux réceptions des hôtels, occupées à attendre, un verre de champagne à la main « , image-t-elle. Pour pimenter ses meubles, elle les a habillés d’une robe en plumes confectionnée par la Maison Lemarié, un fournisseur renommé qui livre les griffes de haute couture et de prêt-à-porter haut de gamme telles que Balenciaga, Chanel, Dior, Givenchy et Saint Laurent. Depuis, la Franco-Iranienne travaille sur une nouvelle collection inspirée de La Belle et la Bête et qui sera présentée prochainement…

 » Si je fais ce que je veux dans ma propre habitation, je dois m’adapter aux désirs de mes clients, même si la plupart d’entre eux se sentent comme chez eux dans mon univers, note la créatrice. L’ensemble du rez-de-chaussée est un grand espace d’accueil où il est possible de s’asseoir et de se sustenter à peu près partout. Je n’aime pas les fonctions fixes. Dans les salles à manger que je conçois, je dispose toujours un lit sur lequel on peut se poser, dans le style de Marie-Antoinette.  »

PLAIDOYER POUR L’IMPERFECTION

Pour la maîtresse des lieux, le luxe est également de pouvoir opter pour un style différent et éviter le déjà-vu.  » Il faut fuir les ambiances trop sérieuses ! Comme ces projets entièrement blancs qui ont la cote actuellement. Quelques oeuvres d’art permettent de donner vie à un logement mais cela n’a aucun sens sur des murs immaculés ! Ce n’est pas une couleur. Selon moi, l’art ne peut pas communiquer de cette façon. Ces soi-disant intérieurs parfaits ne sont décidément pas pour moi. La perfection est ennuyeuse, c’est pour les fonctionnaires.  »

Selon Maryam Mahdavi, tout finit par revenir à la mode, comme ces objets dont plus personne ne voulait – paravents, guéridons, banquettes Récamier…  » C’est un mobilier raffiné, un peu frivole et qui permet de peaufiner une composition. Mais il ne faut pas le disposer à sa place normale. Une coiffeuse peut, par exemple, servir de bar. C’est tellement plus fun ! J’aime placer des canapés et des lits partout, à la manière orientale « , prévient-elle. Même sa palette de teintes se veut très féminine.  » J’ai fait de cet endroit un boudoir de poche et utilisé des tons issus de l’univers de la cosmétique. Je suis dingue des poudriers datant des années 50. Pour couvrir mes parois, je n’utilise pas de peinture mais j’ouvre mes poudriers et j’ajoute des touches scintillantes. C’est magnifique. « 

PAR PIET SWIMBERGHE

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