C’est une pionnière en matière d’upcycling grand luxe. Amoureuse de la vie et de la nature, la styliste canadienne donne une seconde vie aux fourrures de nos grands-mères. Avec succès : présente dans 200 points de vente, elle séduit aussi les VIP.

C’est le genre de fille qui a fait de ses convictions, son boulot, sa passion. Travailler dans la mode, donner forme à une matière aussi noble et controversée que la fourrure, oui, mais pas n’importe comment. Quand on a grandi en côtoyant les grands espaces, qu’on a planté 200 000 arbres dans sa jeunesse, l’intérêt pour les questions écologiques ne peut que prendre racine et s’épanouir…

Pourtant, rien ne prédestinait Mariouche Gagné à gagner sa vie grâce à la pelisse.  » Je ne m’y intéressais pas du tout, c’est venu par hasard « , reconnaît la styliste canadienne, de passage dans la boutique bruxelloise Francis Ferent où ses créations sont vendues. Elle évoque une success-story qui n’aurait jamais vu le jour sans des fins de mois difficiles, lorsqu’elle étudiait la mode à Milan.  » Ma mère a repéré un concours organisé par le Conseil canadien de la fourrure. Elle m’a faxé l’information, me précisant que je n’avais pas le choix, si je voulais payer ma scolarité ! « 

La jeune femme observe les Milanaises, toujours séduisantes dans leurs manteaux bordés de fourrure. Et voilà l’idée qui germe, chez cette snowboardeuse de toujours : fabriquer des vêtements de ski dans la même veine. Ses dessins sont sélectionnés. Ne reste plus qu’à rentrer au pays pour réaliser le projet. Faute de matière première, Mariouche Gagné fait les yeux doux à sa mère pour récupérer son ancien manteau en raton.  » Je l’ai découpé pour concevoir un immense sac à dos et des mocassins. Et j’ai gagné le deuxième prix, soit 14 000 dollars ! « 

De retour en Italie, nombreuses sont les curieuses à l’arrêter en rue pour en savoir plus sur ses créations qu’elle ne quitte désormais plus. Grimace, quand elles comprennent qu’il s’agit de fourrure. Mais sourire, lorsque Mariouche Gagné leur parle de peau recyclée. Il y a même celles qui veulent lui confier un vêtement, pour lui faire connaître le même sort. Car, souvent, ces parures s’ennuient au fond d’un placard, trop massives, trop ancrées dans le passé. Et pourtant, hors de question de les abandonner.

C’est pour les sortir de ce coma artificiel que la Canadienne se décide rapidement à entreprendre un travail patient et engagé : leur donner une seconde vie. Et la styliste de s’animer, dès qu’elle se met à parler de sa griffe, baptisée Harricana.  » Pour le nom d’une rivière canadienne. C’est le long de ses rives qu’ont eu lieu les premières traites de fourrure. « 

Depuis maintenant près de vingt ans, la créatrice  » désnobise  » d’anciennes peaux d’hermine, de raton laveur, lynx, lapin… Dans son atelier boutique situé à Montréal, elle les transforme en pulls et manteaux, en sacs, chapeaux, écharpes et autres, selon son inspiration du moment, selon l’envie des propriétaires. À chaque fois, des pièces uniques, dans un style casual bobo folk. Près de 90 % des matières premières proviennent du Québec, mais il est déjà arrivé que des Belges, notamment, fassent le déplacement jusque-là…

En tout, ce sont plus de 60 000 pelisses qui ont été sauvées par le biais d’Harricana.  » On estime à près d’un demi-million le nombre de bêtes épargnées, calcule Mariouche Gagné. La question du recyclage est cruciale. Il faut encourager ce qui ne détruit pas, repenser complètement notre consommation.  » La griffe écoluxe se diversifie d’ailleurs de plus en plus. Robes de mariée, fleurs en soie, doublures de manteau et chemises canadiennes de son  » chum  » passent dorénavant dans les mains de la créatrice. Celle-ci ne s’y est pas trompée. Son label est désormais vendu dans près de 200 points de vente de par le monde. Depuis l’été dernier, elle est également fournisseur officiel pour toute la fourrure intervenant dans les lignes de skiwear de Rossignol. Et Jane Birkin, Françoise Hardy et Johnny Hallyday ont déjà succombé à cette mode durable bien partie pour durer.

www.harricana.qc.ca

PAR CATHERINE PLEECK

 » IL FAUT ENCOU-RAGER CE QUI NE DÉTRUIT PAS. « 

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