Pour son douzième roman, notre chroniqueuse Claire Castillon s’est inspirée de sa propre grossesse afin de raconter celle de son héroïne. Mais la comparaison s’arrête là. Car page après page, son personnage sombre dans la folie, persécutée par la cacophonie des Héréditaires, ces voix de sa propre généalogie qui résonnent partout autour d’elle. La famille en passe de s’agrandir devient alors une menace tapie dans les murs, un cauchemar de paranoïa.  » Evidemment, dans le cadre de la Fête des mères, il y a des sujets plus légers « , reconnaît celle qui a opté pour la noirceur, à l’heure où d’autres parents rêvent leur vie en rose et bleu. Entretien à rebrousse-poil.

Pourquoi écrire ce livre ?

Pour moi, c’était incontournable. Etre amoureuse, être en deuil, être enceinte, à chaque fois qu’il s’est passé quelque chose dans ma vie, j’ai eu envie de le raconter dans un livre. Etant devenue une matrice en train de fabriquer un bébé, j’étais curieuse de voir si ma tête s’en trouvait modifiée et de voir le résultat sur papier. Ce n’était pas un besoin, mais plutôt l’envie de faire de la maternité un thème littéraire.  » Littéraire « , parce que je ne voulais pas parler des maux de la grossesse. Des femmes qui relatent que leur homme les regarde moins parce qu’elles changent de corps, qu’elles hébergent un mutant et qu’elles se sentent toute ramollo, ça ne m’intéresse pas. Je voulais raconter un corps habité, mais aussi une tête habitée, donc proche de la folie.

Où se situe la limite entre autobiographie et fiction ?

La fiction est totale… et en même temps, l’autobiographie l’est aussi. Bien sûr, je n’ai pas entendu de voix, mais j’ai rencontré une partie de l’animalité du personnage en étant enceinte. Le flair plus développé, la manière de protéger son ventre quand on est dans le métro… J’ai particulièrement apprécié ces sensations animales, dont on m’avait parlé mais que je ne comprenais pas forcément très bien.

A l’instar de votre héroïne, aviez-vous peur du poids de l’hérédité ?

Non. Mon paradoxe personnel, c’était de faire un enfant sans aimer la famille. D’être avide de liberté et de risquer de soudain voir mon couple devenir  » Papa, Maman et les enfants « , une image qui me paraît opposée à celle du duo amoureux, où tout est toujours possible. Je craignais que ça coupe l’amour, que ça rende les choses plus compliquées. Et j’étais terrifiée à l’idée de donner naissance à un être qui entrave ma liberté et me laisse moins de temps pour moi, pour écrire, etc. Mais parler de ça, je n’en voyais pas l’intérêt, alors j’ai préféré traiter le sujet en me focalisant sur l’angoisse.

Déclarer  » Je n’aime pas la famille « , c’est tout de même dur !

Evidemment, j’adore ma famille, mais j’aime moins l’idée de famille. L’idée visuelle de ces gens qui déambulent… Il y en a toujours au moins un qui fait la tête, un enfant qui est frustré, le père qui préférerait être avec ses copains et se bourrer la gueule, puis une femme qui se rappelle le bon temps, quand son homme avait encore des attentions pour elle… Quand je vois les familles se promener, j’ai toujours l’impression qu’il y a trop de gens, qu’ils sont trop nombreux. Ça me fait peur, je n’aime pas cette image-là.

Et la Fête des mères, ça vous touche ?

C’est un concept avec lequel j’ai toujours eu du mal… Peut-être parce que ma mère nous répondait que c’était  » tous les jours sa fête « , de façon très ironique, quand on la lui souhaitait autrefois. Et puis parce que c’est un prétexte dont se servent certains hommes pour offrir des fleurs une fois par an, donc ça me saoule un peu, personnellement. Enfin, je dis ça, mais j’ai peut-être aussi très envie qu’on me fête ce jour-là. Et si ma fille d’un an me fait un dessin, ce sera le plus beau du monde !

PAR MATHIEU NGUYEN

Mon paradoxe personnel, c’était de faire un enfant sans aimer la famille. D’être avide de liberté et de risquer de soudain voir mon couple devenir  » Papa, Maman et les enfants « .

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