même pas drôle
Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).
On avait doucement senti le vent venir. Au tout début des années 2000, un terme étrange avait déjà fait son apparition dans la dénomination des tribus citadines : les kidultes, une espèce de trentenaires mi-enfants, mi-adultes, avides de soirées labellisées Chantal Goya et de bons vieux feuilletons des années 1980. Portée par une certaine vision de la nostalgie, leur approche des loisirs se voulait avant tout festive et un poil ringarde, histoire d’oublier momentanément le stress pesant de leur quotidien. A la base, on aurait pu croire à un petit effet de mode, passager et inoffensif : les kidultes allaient enfin grandir, un point c’est tout. Eh bien, non ! La régression persiste et l’adulte s’efface progressivement au détriment d’un enfant de plus en plus présent dans les corps de femmes et d’hommes mûrs. Dernier indice en date, impossible à manquer sur les écrans télé : la pub de la nouvelle Renault Modus où les cadres élégants d’une entreprise respectable s’amusent à aligner, comme des gamins, leurs voitures rouges et noires sur le parking de la société. Evidemment, les coups bas se perdent et l’esprit » nananère » triomphe. Le slogan de ce produit a priori sérieux (parce que réservé aux adultes responsables) : » Grandir, pour quoi faire ? » ( www.modus.renault.fr). Malheureusement, ce fabricant de voiture n’est pas le seul à vouloir infantiliser le consommateur potentiel. Autre exemple tout chaud : la campagne publicitaire de Mercedes pour sa nouvelle Classe A où un panneau distille différents conseils à l’arrière-plan du véhicule. L’un d’eux affirme : » Devenez adulte. Ecoutez l’enfant qui est en vous. » Ludique, peut-être philosophique, mais un brin irresponsable en matière de sécurité routière. Trêve de polémique autour de l’opportunité de tels slogans, l’air du temps est, visiblement, à cette redécouverte de l’enfant qui sommeille en nous. Autrement, comment expliquer le succès phénoménal du film » Les Choristes » (numéro 1 au box-office du cinéma en France cette année avec près de neuf millions d’entrées devant les superproductions « Harry Potter » 3 et « Shrek 2″) ? Réalisée sans grande prétention, cette histoire d’une bande de cancres transformés en petits chanteurs attendrissants dans un internat des années 1940 s’est muée, contre toute attente, en un véritable phénomène de société. Transcendant le message positif du film, les chorales renaissent désormais et les adultes replongent, avec délice, dans ce symbole nostalgique d’une enfance (en)chantée. Qui s’en plaindra ? Personne. Si du moins on arrive à faire la part des choses entre une attitude gnangnan et une envie légitime de replonger, de temps à autre, dans un bain de jouvence salutaire pour mieux affronter la vie de tous les jours. Même constat pour cet autre privilège de nos années » bambin » que l’on est en train de réhabiliter peu à peu dans le monde des adultes : la sieste ! Depuis que des chercheurs réputés affirment, sans sourciller, que quelques minutes de sommeil après le repas de midi peuvent réellement booster un salarié fatigué et donc augmenter la productivité de l’entreprise, ce précieux repos est de moins en moins tabou chez les cadres dynamiques. A quand la tétine au bureau, juste comme ça, pour être rassuré ?
Frédéric Brébant
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