Filmé sur scène au milieu des Rolling Stones par Martin Scorsese dans le tout nouveau Shine a Light, l’icône du rock a aussi fait du cinéma. Récit d’un parcours parsemé de rendez-vous manqués et de rencontres extraordinaires.

Avec Shine a Light – sortie en Belgique ce mercredi 28 mai – Martin Scorsese a réalisé son rêve de fan : filmer les Rolling Stones. Grâce à un dispositif savamment mis en place, avec son équipe, il a réussi l’exploit de capter l’énergie légendaire de Mick Jagger, Keith Richards, Charlie Watts et Ronnie Wood lors de leurs concerts au Beacon Theatre à New York, à l’automne 2006.  » Je ne voulais pas faire un documentaire, je voulais immortaliser l’essence même du spectacle « , confiait le réalisateur américain à la presse lors de la présentation de son opus à la Berlinale, en février dernier.

Filmé sur scène au milieu des Rolling Stones, Mick Jagger – le saviez-vous ? – aurait dû, au fil de sa féconde carrière artistique, tourner les mythiques Orange mécanique, Amadeus et Fitzcarraldo… Dès la naissance des Rolling Stones, en 1963, en effet, Mick Jagger est courtisé par les plus grands réalisateurs. Il faut dire qu’il inspire, avec son look hautement cinégénique, son corps d’éphèbe, ses longs cheveux, sa bouche démesurée, sa sensualité débordante, ses manières exubérantes, sa réputation sulfureuse… Le premier réalisateur à s’en approcher est Jean-Luc Godard. Le père de la Nouvelle Vague lui propose en effet, en 1968, un film expérimental sur la création d’une chanson (lire encadré page 18). Mais c’est avec un ami et voisin, Donald Cammell, qu’il se lance dans la comédie. Le cinéaste en herbe lui confie, dans Performance, le rôle d’une rock-star décadente qui recueille un truand recherché. La Warner finance alors le film (coréalisé par le très estimé Nicolas Roeg, directeur de la photo) sur le nom de Mick Jagger, dans l’espoir de sortir un équivalent à A Hard Day’s Night, la comédie-reportage sur les Beatles. Donald Cammell et Nicolas Roeg livrent alors un kaléidoscope déjanté sur la violence, le sexe et la drogue qui effare les pontes de la Warner. Il faudra deux ans de négociations pour que Performance (disponible chez Warner Home sous le titre Vanilla) sorte dans les salles, en 1970. Dans les années 1980, il devient culte…

De hors-la-loi à travesti

Mick a pris goût aux caméras. En 1970, il accepte un rôle de composition pour le réalisateur britannique Tony Richardson (auteur du magnifique Tom Jones). Il endosse les habits de Ned Kelly, célèbre hors-la-loi australien, au côté de sa compagne, Marianne Faithfull. L’équipe part pour les antipodes mais, dès le début du tournage, les galères s’accumulent. Les descendants de Ned Kelly protestent alors contre le choix de Mick Jagger. Plus grave, Marianne Faithfull, ne supportant pas le déclin de sa relation avec Jagger, fait une overdose de somnifères. Il faut la remplacer au pied levé. À sa sortie, Ned Kelly (chez Aventi) est renié par Richardson et Jagger qui ne se rendent même pas à la première à Londres. Le leader des Stones a déjà un autre film en tête : Orange mécanique. Il a adoré le roman d’Anthony Burgess qui, ayant grand besoin d’argent, lui a, paraît-il, vendu ses droits pour une poignée de dollars (500 exactement). Jagger rêve de jouer Alex et que le reste du groupe soit les Droogs. Pourquoi cela ne s’est-il finalement pas fait ? Mystère. C’était avant que Stanley Kubrick soit impliqué. Un autre rôle incroyable lui échappe, celui du Dr Frank N. Furter dans The Rocky Horror Picture Show (1975), un travesti excentrique qui initie un couple d’Américains moyens à la sexualité. Les propositions affluent dans les années 1970. Accaparé par la musique, Jagger les refuse sauf une, celle de Werner Herzog, en 1980 : le rôle de Wilbur dans Fitzcarraldo, face à Jason Robards. C’est l’histoire folle d’un homme qui veut construire un opéra au milieu de la jungle. Le tournage débute dans la forêt amazonienne, mais Jason Robards tombe malade. Mick Jagger ne peut attendre, pris par une tournée de concerts. La mort dans l’âme, il se retire. Klaus Kinski reprendra le rôle. On peut voir le résultat de ses scènes dans Burden of Dreams, un documentaire sur le film. Dans les années 1980, Jagger et le cinéma, cela semble relever de l’histoire ancienne. Le rocker est parti dans une carrière solo. Il auditionne pour le rôle de Mozart dans l’ Amadeus de Milos Forman. Mais c’est dans une science-fiction de série B, Freejack de Geoff Murphy , qu’il réapparaît sur grand écran en 1992. Il joue un mercenaire sur les traces d’Emilio Estevez. Pourquoi ce film ? Pour s’amuser. C’est aussi son maître mot quand il joue le patron d’une agence de gigolos dans The Man From Elysian Fields ( Les Ames perdues) de George Hickenlooper.

Cap sur la production

Bien différente est sa démarche quand il accepte, en 1997, un petit rôle dans Bent de Sean Mathias (chez KVP). Le film est adapté d’une pièce à succès qui évoque, pour la première fois, la persécution des homosexuels dans l’Allemagne nazie. Méconnaissable, il est Greta, le propriétaire d’une boîte de nuit dans le Berlin des années 1930. Entre-temps, Mick Jagger est devenu producteur  » pour démarrer [s]es propres projets au lieu de rejoindre ceux des autres de manière périphérique « . Il fonde Jagged Films en 1995. Son premier projet, Enigma (2001), traite des machines à crypter les messages utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale. Il lui faudra plusieurs années pour le mettre sur pied après avoir convaincu Michael Apted, le réalisateur du Monde ne suffit pas, d’en prendre les rênes. Un casting 100 % anglais, avec Kate Winslet, anime ce film injustement boudé par le public. Le rocker ne désarme pas pour autant et met en chantier d’autres  » films anglais sérieux  » comme un biopic sur le poète Dylan Thomas. Aucun de ses projets ne verra le jour. Son dernier bébé sortira cet automne. Il s’agit d’un remake de Femmes de George Cukor (réalisé par Diane English), une comédie au casting exclusivement féminin qui réunit entre autres Meg Ryan, Annette Bening, Eva Mendes et Bette Midler. Mick Jagger et le cinéma, une histoire dont on connaît le début mais pas la fin.

Sophie Benamon

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