Banlieue de Munich. Dans des rues tracées au cordeau se succèdent d’austères bâtiments gris simplement siglés BMW. Devant un parking hyperprotégé se croisent et se recroisent les nouveaux modèles qui seront présentés dans les prochains salons automobiles mondiaux. Ici, un coupé Z4, là encore la nouvelle BMW Série 3 Coupé et enfin camouflée par d’épais plastiques noirs : la nouvelle Mini. A l’écart de l’une de ces rues anonymes et en attendant d’intégrer (succès oblige) de nouveaux locaux deux fois plus vastes, se cache le studio de design de la nouvelle coqueluche des villes.

Gert Hildebrand est à la barre de ce centre qui regroupe 20 designers venant de près de sept pays différents. Sous de faux airs enjoués se cache un redoutable designer qui, à 53 ans, dirige sa jeune équipe d’une main de fer dans un gant de velours. Surbooké à la veille du lancement de la Mini 2 au Salon de l’automobile de Paris qui se tient du 30 septembre au 15 octobre prochain, il prend pourtant le temps de nous faire visiter les lieux. Dans un coin discret se peaufine le design intérieur. Bouts d’étoffes, bandes de cuir, morceaux de métal colorés ou peaux brutes recouvrent les bureaux et les tableaux d’affichage. Sur des panneaux, des pages de magazine particulièrement chatoyantes voisinent avec des échantillons de cuir ou de tissu de couleurs similaires. Ici et là, des éléments minuscules de l’habitacle sont disséminés sur des armoires tandis que six sièges, alignés comme à la parade, déclinent la gamme des modèles qui se retrouveront dans la nouvelle Mini.

Dans une salle, à l’écart, deux personnes très concentrées se penchent sur des éléments du tableau de bord. Leur mission : donner leur accord final quant à leur conception future. Envoyées ensuite à Oxford, en Grande-Bretagne, vers les chaînes de production, ces pièces seront produites à quelque 200 000 unités par an. Un quota maximum annuel pour cette Mini qui, depuis sa présentation en 2001, a déjà été déjà vendue à 800 000 exemplaires de par le monde (dont 10 000 en Belgique). A la veille de la sortie de cette nouvelle Mini (dans nos showrooms le 17 novembre prochain), Weekend Le Vif/L’Express a voulu en savoir un peu plus sur les dessous de cette success story qui ne se dément pas et, pourquoi pas, des futurs modèles mis en chantier dans ce studio protégé comme un coffre-fort…

Pourquoi déjà sortir une nouvelle génération alors que la Mini précédente cartonne toujours dans les ventes ?

Gert Hildebrand : Il y a à cela deux raisons pratiques. Premièrement, la nouvelle Mini sera dotée de nouveaux moteurs plus légers, plus performants et moins gourmands en essence qui lui seront tout spécialement dédiés. Deuxièmement, en 2008, une nouvelle législation protégeant les piétons entre en vigueur. En deux mots, il faut obligatoirement qu’il existe une distance minimum entre le moteur et la personne qui pourrait être touchée par un véhicule.

Au niveau du design, il est sans doute difficile de modifier de façon drastique cette véritable icône du monde automobile ?

Notre première Mini sortie en 2001 adaptait aux normes contemporaines le modèle original né en 1959 et dont le concept était de transporter un maximum de personnes dans un espace minimum. Pour le nouveau modèle 2006, nous avons repris le modèle 2001 en l’adaptant, lui, aux normes du futur, c’est-à-dire à la protection du piéton et au recours à de nouveaux moteurs. Nous ne voulons en aucun cas en faire une voiture  » fashion  » !

Mais elle est pourtant une voiture très fashion !

Non, pas du tout ! Pour moi, c’est une voiture rationnelle répondant à une demande essentielle : transporter des gens. Ensuite, c’est une automobile unique et inclassable car elle est parfaite pour un usage quotidien mais aussi pour rouler en compétition. Elle séduit les jeunes comme les plus âgés ; les hommes comme les femmes. Une voiture  » fashion  » est une voiture  » kleenex  » que l’on change très rapidement dès qu’elle n’est plus à la mode. Ce n’est pas le cas de la Mini. Les gens qui achètent une Mini la gardent des années durant… Ce qui pour nous est à la fois une bonne et une mauvaise chose car en tant que société automobile nous devons vendre des voitures pour continuer à exister !

En tant que designer, comment expliquez-vous cet extraordinaire engouement pour la Mini ?

Le phénomène est intéressant à étudier. Cette petite voiture suscite un engouement mondial. Le pays qui vend le plus de Mini est la Grande-Bretagne avec 49 000 voitures, suivi des Etats-Unis (40 000) et l’Allemagne (28 000). Je pense tout simplement que cela tient à quatre choses : elle est intemporelle, universelle, classique, neutre. Neutre dans le sens qu’elle plaît aussi bien à un homme qu’à une femme. Donc, elle est unique et parfaite ! Je peux encore ajouter un argument : elle a la chance de faire partie du groupe BMW. Au sein de celui-ci vous pouvez individualiser au maximum votre voiture en recourant aux options.

Mais l’apport d’options n’est pas une exclu- sivité BMW !

C’est vrai mais nous avons poussé cette individualisation très loin : dix jours avant que la voiture que vous avez choisie soit produite vous pouvez toujours réclamer des changements dans votre commande tant au niveau des couleurs que des matières ! C’est cela qui est  » fashion  » aujourd’hui et qui rend BMW et Mini si compétitives dans le monde de l’automobile. Croyez-moi, cette tendance ne fera que croître. C’est un processus très complexe et seules des marques haut de gamme comme les nôtres peuvent se permettre ce genre de chose.

Cette nouvelle Mini connaît donc un changement dans la continuité…

C’est toutefois une toute nouvelle voiture ! Si vous mettez la première génération à côté de la nouvelle c’est un peu comme si vous comparez une mère et sa fille ! Et je vous garantis que si la 2001 a été plébiscitée par 800 000 personnes, la 2006 connaîtra encore autant de succès. C’est une simple réalité. Voyez la pérennité du succès de la Porsche 911 ou encore de la VW Beetle. Au fil des années, ces véhicules ne subissent que de légères modifications car le consommateur ne veut pas que l’on change trop brutalement son modèle fétiche. Il veut, c’est vrai, du changement dans la continuité pour se sentir en quelque sorte en sécurité et rassuré. En design, on ne doit pas changer pour changer. Il faut que cela réponde réellement à un besoin.  » L’art pour l’art  » en design c’est tout simplement répondre à un mouvement de mode immédiat. Notre Mini, elle, doit rester intemporelle. Autre facteur : cette voiture fait aussi partie de l’Histoire automobile. Avec Mini, nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons !

Le charme de la Mini venait aussi de son petit gabarit et à présent vous l’allongez de 6 centimètres…

Nous y sommes forcés pour coller à la législation concernant les piétons ! Les ingénieurs voulaient encore plus de centimètres mais nous, en tant que designers, nous nous y sommes opposés. Nous voulons garder l’esprit Mini : un minimum d’espace extérieur pour un maximum d’espace intérieur.

Après cette Mini, quel est la prochaine sortie annoncée ? On parle beaucoup de votre concept car baptisée Clubman ?

Au printemps dernier, le directoire de BMW a décidé que le concept car que nous présentons depuis quelque temps dans tous les salons automobiles sera mis en production dans deux ans. Cette  » station wagon  » sera assurément une voiture plus  » familiale  » donc plus longue. Mais cela constituera aussi une petite révolution pour Mini qui, pour l’instant, ne possède qu’un produit décliné, certes en plusieurs motorisations, mais toujours du même type. Ici, nous passerons à l’ouverture de la gamme avec un deuxième modèle.

A quand une Mini quatre portes ?

Il ne faut jamais dire jamais mais pour l’instant l’usine d’Oxford où est produite la Mini tourne à plein régime. Ici, nous avons plein de désirs et rêves mais nous devons faire face à la réalité économique : la Mini est une success story et notre but dans le groupe est tout d’abord d’honorer nos commandes !

Votre définition de la nouvelle Mini en trois mots ?

Evolution, révolution, authenticité.

Propos recueillis par Chantal Piret

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