L’auteure cultive un côté morbide, teinté d’humour. Bravant l’apocalypse des sentiments, elle se met en scène dans ses romans. Confessions d’une femme multiple.

Écrire, est-ce  » une pierre de protection  » ?

L’écriture fonctionne en magie noire et blanche. Elle nous protège contre autrui, mais pas contre soi. Loin d’être face à un miroir, on doit entrer dedans. J’aimerais dépasser l’autofiction pour injecter de la fiction dans le réel, et me réaffirmer.

Pourquoi est-elle  » l’inverse d’une thérapie  » ?

Parce qu’on creuse si loin, qu’on se démultiplie. Écrire ne guérit pas, mais excite. Ce qui m’intéresse, c’est la transmission, le contact avec le lecteur et la réalité sociale.

Quel lien entretenez-vous avec vos lecteurs ?

Il y en a que je vois dans la vie, d’autres avec lesquels je corresponds via Facebook. C’est drôle d’être reliée à des inconnus, avec qui je me trouve des points communs.

Le plus beau compliment ?

Que mon travail est drôle, alors qu’il possède une dimension violente, qui inspire le dégoût, l’empathie ou la compassion.

Et le plus effrayant ?

Quand le lecteur affirme  » vous êtes moi, nous sommes pareils « . Ce transfert est gênant et malsain. La notion d’âme s£ur m’effraie.

De quel roman auriez-vous aimé être l’héroïne ?

L’Écume des jours de Boris Vian. Triste mais sublime, tant on atteint un ressenti précis avec une économie de mots. J’y ai trouvé mon prénom, Chloé. Delaume vient d’Antonin Artaud.

Pourquoi aimez-vous les personnages borderline ?

Parce que je le suis. J’aimerais défendre cette pathologie bipolaire car nous sommes peu représentés. La société désire nous soigner, en pensant pouvoir nous mettre dans un moule, mais ça ne marche pas.

Votre style vestimentaire ?

Le gothique chic. Je garde le deuil du mouvement punk en portant du noir et des têtes de mort (ses bagues).

Que seriez-vous prête à sacrifier ?

Rien. J’ai besoin d’excitation, d’inédit et d’expérimentation.

Si vous étiez un parfum ?

Poison de Dior.

Un rêve secret ?

Écrire le prochain tube d’Indochine. Ce groupe incarne mon doudou, la petite boule à neige dans laquelle je me réfugie, mon territoire intime.

Vous êtes  » une femme avec qui dedans  » ?

Nous sommes nombreuses à l’intérieur…

Si vous pouviez exercer de la magie noire ?

Elle me fascine, mais je préfère les cartes ou les rituels de purification. Ceux qui pourraient me purifier de la violence paternelle ( NDLR : son père a tué sa mère sous ses yeux, avant de se suicider). Nous vivons dans un système patriarcal en crise, qui fait que la femme est abîmée. Cela laisse des traces… La littérature montre la femme dans le rejet, l’agonie ou l’attente amoureuse. Cessons d’être des  » souffreteuses  » !

Une femme avec personne dedans, par Chloé Delaume, Seuil, 141pages.

KERENN ELKAÏM

J’AI BESOIN D’EXCITATION, D’INÉDIT ET D’EXPÉRIMENTATION.

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