Le Vêtement de Willy et le duo Shampoo & Conditioner n’ont strictement rien en commun, si ce n’est le même amour de la création textile. Amateur de défis, weekend a choisi de les réunir pour un grand événement de mode belge qui se tiendra à Bruxelles le 21 mai prochain. Show devant !

Carnet d’adresses en page 104.

Le défilé  » Mode c’est…  » se tiendra le samedi 21 mai prochain au Mirano Continental, 38, chaussée de Louvain, à 1210 Bruxelles. Tél. : 02 227 29 48. Internet : www.dirtydancing.be

Une fois de plus, Weekend Le Vif/L’Express crée l’événement. Le samedi 21 mai prochain, notre magazine s’associe, en effet, avec Dirty Dancing û le label porteur des nuits bruxelloises û pour organiser un grand défilé de mode au Mirano Continental, le temple branché de notre capitale. Placée sous l’intitulé  » Mode c’est… « , la soirée mettra en évidence le talent de deux valeurs montantes du stylisme belge, à savoir Le Vêtement de Willy, d’une part, et le duo Shampoo & Conditioner, d’autre part. Diamétralement opposés, les univers de ces créateurs décalés naviguent entre l’enfance et le roman policier, la poésie et l’ultraféminité, à travers des silhouettes particulièrement séduisantes.

Dans la veine de son soutien inconditionnel aux jeunes créateurs, Weekend Le Vif/L’Express a imaginé ce nouveau concept de soirée  » Mode c’est… « , avec trois petits points de suspension pour mieux souligner encore la diversité de l’inventivité  » made in Belgium « . Pour l’occasion, la scène du Mirano Continental accueillera notre défilé qui sera suivi d’une soirée bondissante confiée aux mains expertes des DJ du Dirty Dancing. Pour vous permettre d’assister à l’événement, notre magazine vous offrira de nombreuses places dans son édition du 13 mai prochain. En avant-première, nous vous proposons déjà de découvrir ce double univers fashion à ne pas manquer.

Willy, le conteur de mode

Assis devant un café à une table du Greenwich û bistrot à l’atmosphère authentique de la rue des Chartreux à Bruxelles û, Willy, à la réserve toute enfantine, se dévoile et raconte l’histoire du Vêtement de Willy. Car avant d’être confectionnée, sa mode est d’abord écrite et dessinée. Ses amis de papier s’appellent Poupouki, Potenkine, Kisou et Petit Pain et se présentent comme des héros imaginaires qui sont non seulement devenus, au fil du temps, les protagonistes de ses défilés, mais aussi des présences rassurantes pour le quotidien de ce créateur hors normes.

Extrêmement complexes, les histoires de Willy s’abreuvent des légendes d’Europe de l’Est et sont truffées de références historiques ainsi que de clins d’£il à l’univers de l’enfance. Sa collection printemps-été 2005 relate, par exemple, l’histoire de Rose (un personnage réel qui a eu le privilège de pénétrer dans son monde féerique) et de Petit Pain (son double), deux êtres inséparables réfugiés dans une région située à la frontière de la Russie et de la Chine où le mariage des filles répond à un curieux rituel. Au-dessus de leur village fétiche flotte également l’âme de Potenkine, l’arrière-grand-père de Petit Pain disparu dans les nuages après avoir inventé la balance russe, une grande balançoire utilisée dans les cirques, un autre univers qui inspire beaucoup Willy. Aussi poétique qu’improbable, cette histoire se décortique au fil des silhouettes et se lit notamment à travers les différents symboles brodés sur les vêtements détonants de ce créateur belge.

Surnommé Willy par un de ses copains au moment où était diffusée la série américaine Alf à la fin des années 1980 (série qui mettait en scène notamment un père de famille, timide et maladroit, prénommé Willy), Eric Meunier de son vrai nom, a choisi de garder ce surnom étrange comme signature textile. Du haut de ses 35 ans, il semble d’ailleurs avoir appuyé, comme par magie, sur la touche stop de son existence pour rester à jamais bloqué en enfance. Très sensible à l’aura des personnes et aux environnements, il divise aujourd’hui le monde en deux catégories, les champignons (les gentils) et les oignons (les méchants) et dessine des vêtements (jupes, jupons et petites robes à taille haute agrémentées ou non de tabliers dans des tons rouge, vert ou rose) qui transforment la femme en une véritable princesse aux petits pois.

Remarqué en 1999 par Jean Charles de Castelbajac lors d’un défilé de La Cambre où il avait entamé ses études, Willy a travaillé pendant deux mois auprès du créateur français qui est resté un ami.  » Je l’appelle Parrain et il me donne des conseils, confie le jeune créateur. Une fois, je l’ai rencontré dans un parc non loin de chez lui à Paris et nous avons longuement discuté parce que nous partageons la même vision de la mode. C’est ainsi que j’aime le voir et certainement pas dans son bureau. Je crois beaucoup aux rencontres par hasard.  » Willy, qui aime laisser opérer la dimension irrationnelle dans sa vie, remet à plus tard les démarches commerciales. Aussi, depuis ses premiers succès au début des années 2000 qui vont du parcours Modo Bruxellæ au festival à Hyères en passant par le Coral Fashion Awards (dont il est sorti lauréat en 2002) et ses collaborations avec Christophe Coppens et la Maison Delvaux, Willy a quelque peu délaissé le devant de la scène pour créer en solitaire dans son petit appartement tournaisien. Et comme toujours, il se raconte des histoires qu’il habillera ensuite de costumes.

Créateur résolument à part sur la planète Mode, il aime habiller l’âme et voit surtout le vêtement comme une protection.  » Quand je crée un habit pour une personne en particulier, j’aime la rencontrer avant de me mettre au travail, explique Willy. Je veux faire quelque chose d’artisanal avec l’idée selon laquelle le vêtement peut avoir un défaut.  » Aussi, il affectionne le coton, les anciennes techniques et les confections  » faites naïvement « . Issu d’un milieu ouvrier, ce Tournaisien considère la mode comme un acte d’amour : le luxe serait pour lui  » d’offrir les vêtements plutôt que de les vendre « . Vêtu d’un simple pull rose élimé sur lequel il a enfilé une vieille parka, il ne s’habille d’ailleurs lui-même qu’avec des vêtements qu’on lui a donnés.

Sous la protection de Maman Galaxie û le petit emblème qu’il a dessiné sur sa carte de visite û, Willy continue désormais sagement sa route en travaillant à mi-temps dans la restauration, tout en continuant à créer chez lui des vêtements pour la femme et bientôt pour l’enfant, mais aussi des jouets que l’on découvrira dès le mois de janvier. Dernière obsession de sa recherche artistique : les meubles qu’il confectionne dans des gabarits hors normes, en dessinant des chaises et des tables hautes.  » Je trouve que c’est plus agréable si l’on ne voit que la tête de la personne assise en face de soi et non pas le corps, affirme Willy. Cela facilite le dialogue et j’ai d’ailleurs envie de créer des meubles dans un souci d’améliorer la communication. » Intéressant renversement de point de vue de la part de quelqu’un que l’on avait tendance à étiqueter comme Willy l’éternel timide.

Shampoo & Conditioner, les copines flingueuses

Mimétisme ou simple hasard des tendances ? Vanessa Vukicevic, 33 ans, et Aude De Wolf, 25 ans, arborent la même frange coiffée sur le côté, des yeux noirs assortis à leur tenue vestimentaire et ce petit air canaille qui fait d’elles de véritables femmes flingueuses. Leur duo de mode, Shampoo & Conditioner, c’est du deux en un. Deux brunes sous un nom générique. Le même look en deux exemplaires pour désigner une marque bruxelloise avec laquelle il va falloir désormais compter. Qui est Shampoo ? Qui est Conditioner ? Peu importe. Car les deux copies conformes vont jusqu’à partager plus ou moins le même nom de famille (Wolf et Vukicevic signifiant tous les deux  » loup  » en anglais et en yougoslave).

Le caractère bien trempé, ces Belges s’affichent comme deux serial killeuses qui vénèrent le noir, les robes perfecto et les talons aiguilles, et qui poussent le vice jusqu’à porter des petits revolvers à la boutonnière. Leur collection, c’est du rock’n’roll chic, classe et sexy. Du total look avec une pointe d’autodérision comme on le verrait bien chez nos voisins britanniques.  » On le prend comme un compliment, répondent en ch£ur les deux associées. C’est vrai qu’à Bruxelles, la rue est un peu terne. Nous ne sortons jamais en total look de notre collection. Alors qu’à Londres, on se sentirait plus à l’aise.  »

Assassins, leurs yeux revolver se sont croisés pour la première fois il y a un an et demi à peine au c£ur de la boutique Idiz Bogam, à Bruxelles, où elles pratiquaient toutes deux l’art de la transformation de fripes.  » Quand Vanessa est arrivée, on m’a dit qu’elle faisait la même chose que moi, se souvient Aude, diplômée de Bischoffsheim. Je me suis tout de suite demandée qui était cette rivale que l’on me décrivait en plus comme une fille qui avait fait La Cambre !  » Contre toute attente, c’est le déclic. Malgré leur huit années d’écart, les deux jeunes femmes se rendent compte qu’elles ont les mêmes goûts, qu’elles dessinent les mêmes choses, qu’elles s’habillent toutes les deux en noir et qu’elles partagent la même envie d’ouvrir leur propre boutique.  » Cet espace de la rue des Chartreux nous faisait de l’£il, poursuit Aude. Lorsque nous l’avons visité, on nous a dit que quelqu’un signait le contrat le lendemain, alors on s’est carrément précipitées pour obtenir le bail avant !  »

Gonflées à bloc, les deux complices enfilent salopettes et talons aiguilles et se mettent, avec l’aide d’un architecte d’intérieur, à redécorer le lieu qui sera baptisé Shampoo & Conditioner.  » C’est un nom que l’on avait donné au corner qu’on avait d’abord installé chez Idiz Bogam, s’accordent Aude et Vanessa. Il est sorti comme ça, à la fin d’un repas, après une bonne bouteille de vin, juste pour rigoler. On aimait bien l’idée du deux en un et du total look, mais on n’imaginait jamais qu’il se retrouverait sur l’enseigne d’une boutique.  » Dans cette rue des Chartreux qui devient aujourd’hui une espèce de Dansaert bis et où elles ont ouvert le bal des boutiques de jeunes créateurs, Shampoo & Conditioner se présente comme un univers laqué en rose et noir où des pièces phares se disputent la vitrine : la robe Perf’, la Safarienne, la Tennis (davantage baby doll) et la robe Faux-Cul (plissée dans le dos).  » On est très robes « , avertissent d’emblée les deux copines, mais nous proposons aussi des jupes taillées pour qu’elles flattent un corps qui aurait par exemple tendance à développer une culotte de cheval. Nous avons aussi des modèles que l’on conseillera davantage aux femmes qui veulent camoufler un petit ventre.  » Souci du détail, soin des finitions, lignes qui épousent les courbes du corps…, il y a d’abord chez Shampoo & Conditioner cette volonté de valoriser la féminité.

A l’arrière de la boutique, Aude et Vanessa produisent aujourd’hui à la commande en réalisant elles-mêmes tous les modèles.  » C’est un peu dommage parce qu’on s’est transformées malgré nous en couturières, déplorent-elles. On produit à la chaîne et, du coup, ça tue un peu notre créativité.  » Il n’empêche. Au dernier défilé Modo, leur collection très trash-tonique a connu un vif succès.  » Nous n’avons pas remporté le prix, enchaînent-elles, et cela nous aurait d’ailleurs bien aidées, mais nous sommes tout de même très contentes de l’accueil que nous avons reçu.  » En attendant la reconnaissance, Vanessa et Aude maintiennent leur double activité : la première est maman mais aussi DJette (enfin, elle  » pose des disques « , rectifie-t-elle) ; la seconde travaille dans la restauration. Mais ensemble, elles font toujours tourner la boutique.  » Il faudrait qu’on dégage plus de temps pour la création, la promotion et l’exportation, intervient Aude, mais pour l’instant, c’est impossible. Cela dit, nous sommes fières du chemin parcouru depuis un an et demi.  »

Conquérantes, les deux louves de la mode n’ont pas dit leur dernier mot et sont bien décidées à surprendre, par leur extravagance, les brunes… mais aussi les blondes.  » Car nous ne sommes pas racistes !  » concluent-elles avec le sourire. Humour cinglant à déguster le samedi 21 mai lors de leur défilé.

Agnès Trémoulet

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