Monica Bellucci

La belle actrice italienne déploie aujourd’hui ses charmes dans  » Le Pacte des loups « . Monica Bellucci assume et même exalte sa sensualité avec bonheur et générosité.

La place de la Concorde brille sous le soleil d’hiver. Dans la chaleur feutrée d’un palace tout proche, Monica Bellucci resplendit elle aussi d’une lumière particulière. La beauté de ce mannequin star, désormais actrice internationale, est non seulement frappante, mais également épanouie. Aucunement guindée, visiblement à l’aise, la grande Italienne allie la prestance à l’intelligence, l’élégance à la sensualité, pimentant le tout d’un humour qui lui fit accepter naguère une campagne Dolce & Gabbana jouant de l’autodérision, et que bien d’autres auraient refusée. L’actualité de celle qui fit la Une des magazines de mode avant de débuter au cinéma (voici neuf ans) dans le  » Dracula  » de Coppola, c’est  » Le Pacte des loups « , un film d’époque à grand spectacle signé Christophe Gans. Monica y incarne une courtisane de haut vol, doublée d’une intrigante habile, qui séduira le héros incarné par Samuel Le Bihan et lui réservera plus d’une surprise, alternant le chaud et le froid avec un art consommé. Lorsqu’il ne la dénude pas totalement, le rôle réserve à son interprète des tenues somptueuses, qu’elle porte avec prestance. De retour à notre époque, en jupe et bottes de cuir noir, un chemisier noir et blanc (D & G encore) ouvert sur une peau mate et parfaite, Bellucci se livre sans faux-semblant au jeu des questions et réponses. Fascinante de mystère dans  » L’Appartement « , explosive gitane de  » Dobermann « , épouse effacée dans  » Under Suspicion « , celle qui fait rêver un gamin dans le nouveau Tornatore  » Malena « , et qui sera Cléopâtre dans la suite des aventures d’Astérix, n’a pas l’hypocrisie de nier l’importance que sa beauté a eu et a encore dans le succès qu’elle connaît. Ni la fausse modestie de se reconnaître seulement cet unique talent…

Weekend Le Vif/L’Express: Votre Sylvia du  » Pacte des loups  » est comme l’incarnation d’un fantasme.

Monica Bellucci: Un fantasme masculin, oui (rire). La prostituée dangereuse, qui suscite à la fois le désir et la peur. Erotisme, mystère et angoisse: elle incarne tout ça. Si Christophe Gans m’a choisie, c’est qu’il apprécie beaucoup le cinéma italien, et qu’il a pressenti que j’aimerais jouer Sylvia. Il avait raison: j’affectionne son univers très bande dessinée. Quand j’étais petite, je dévorais les bédés, je collectionnais des séries comme  » Diabolique « . J’ai toujours aimé le mélange de réel et de fantastique, également dans ses accents érotiques. Comme je crois qu’on attire toujours à soi les choses qu’on veut et qu’on aime, je n’ai pas été surprise qu’on me propose des films comme  » Dobermann  » et  » Le Pacte des loups « . Ils me mettent sur le fil de la réalité et du pur fantasme, de manière totalement barge comme le premier cité ou de façon relativement plus sage pour le second. J’aime ces univers extrêmes, un peu fous.

On y trouve l’érotisme mais aussi la violence…

Vous savez, la violence, on y baigne tous au moins par le biais de l’imaginaire. L’enfant, c’est les histoires de loups qu’il vous demande de lui raconter, parce qu’il adore avoir peur… Les récits sans méchant ne l’intéressent pas. On garde tous cette attraction pour le danger, les sensations fortes. On va sur les montagnes russes, on plonge au fond de la mer ou on grimpe à 8 000 mètres sur l’Everest. Tout ça pour avoir peur, s’éprouver, frissonner, se sentir plus vivant en côtoyant le danger, voire la mort. C’est pour cela qu’on fait des films de ce genre et que les gens vont les voir. Moi, j’adore y être et en regarder. Mais j’apprécie aussi un film comme  » Rosetta « , qui est magnifique. L’important, en définitive, c’est qu’il y ait une ligne pure, du début à la fin.

Vous aimez incarner une image très sensuelle de la femme, et ce de manière plus directe, plus franche, que beaucoup de vos collègues.

Les actrices qui m’ont toujours fait rêver sont issues de ma culture. Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Sylvana Mangano, Virna Lisi avaient dans leur bagage un physique, une sensualité très forte. Qu’elles aient joué les mamans, ou alors les putains, tout était exprimé ainsi, physiquement, avec le corps.

Les femmes dont vous parlez n’étaient pas seulement des réceptacles à fantasmes. Elles incarnaient une image féminine active, refusant la soumission au regard masculin.

Elles faisaient jouer leur corps, elles savaient le pouvoir que cela pouvait leur donner. Assumer et même exalter sa sensualité, pour une femme, ne signifie pas se soumettre au désir de l’homme, mais bien plus en jouer. Moi, j’utilise tout ce que j’ai à ma disposition. Avec  » Le Pacte des loups « , c’est la première fois qu’on me voit nue dans un film français. Vous me verrez aussi nue dans  » Malena « , le film italien de Tornatore. Je m’étais déjà dénudée bien des fois pour des photographes. Je n’ai pas de problème avec ça, j’aime mon corps et pourvu qu’on le respecte je ne vois pas pourquoi je rechignerais à le montrer. Je ne le ferais pas si j’avais le sentiment qu’on va l’exploiter, et m’exploiter moi par la même occasion. Mais, si c’est beau, et justifié, je marche. Dans le cas de Sylvia du  » Pacte des loups « , c’est une putain. Qu’elle joue de son corps est la moindre des choses (rire). Et moi-même, actrice, qui ne joue ni du violon ni du piano, mon corps est mon instrument. C’est à travers lui que j’exprime les choses. Avec le plus de générosité possible. Et puis ce n’est pas que le corps, c’est la manière aussi dont vous l’habitez, qui compte.

Le corps a son langage, un langage sincère. Il ne sait pas mentir, là où la parole ne s’en prive pas…

Vous avez raison. Le langage du corps a une force unique. Un muscle, un sein, un dos peut provoquer une émotion plus forte que le plus beau des vêtements. Entre autre parce qu’il est vrai. Cette vérité fait peur, parfois, et cela explique que beaucoup d’entre nous soient gênés de se montrer. C’est une fois les vêtements tombés que l’on voit qui vous êtes vraiment. Et ce n’est pas qu’une question d’esthétique, de beauté ou de laideur supposée. La manière dont vous bougez est plus révélatrice encore que votre apparence.

Certaines actrices se plaignent paradoxalement de leur beauté: elle réduirait leur image et les possibilités qui leur sont offertes.

Personnellement, je ne crois pas que je devrais jouer la moche pour prouver que je sais jouer (rire)! Je peux incarner des tas de femmes différentes. Mais il est vrai que certains réalisateurs sont trop intimidés par une très belle femme pour pouvoir la diriger efficacement. Il est vrai aussi que la beauté n’est qu’un élément. Je vois un mec très beau passer, je le regarde, je peux être attirée. Mais si au bout de deux minutes et demie, il n’émane pas de lui autre chose, il perd tout intérêt (rire)! La beauté sans rien d’autre ne vous mène pas très loin. Avec moi en tout cas…

Vous campez le plus souvent des femmes inaccessibles.

Je n’ai pas une image de femme accessible, c’est vrai. Mais les réalisateurs pourraient comprendre qu’on peut être belle et jouer un rôle dramatique, qu’on peut être belle et jouer une ouvrière. Je l’ai fait, dans un petit film italien. J’aimerais le faire plus souvent. La Mangano, Sophia Loren incarnaient souvent des femmes du peuple, sans renoncer en rien à leur sensualité! Elles pleuraient, étaient parfois déchirantes, mais restaient des bombes atomiques… Il est stupide d’opposer beauté et origine sociale. Comme il est stupide d’opposer la beauté à l’âge. Le charme et la puissance dont vous disposez vont au-delà de votre physique, au-delà de votre jeunesse. On peut être vieille et conserver un charme renversant.

Certains opposent aussi rire et beauté. Ils voient mal une très belle femme prêter à rire.

Encore une erreur! Dans  » Cléopâtre « , je joue une hystérique rigolote, mais je fais toujours rêver (rire). Etre charnelle fait partie de ma culture et je ne pourrais pas m’en défaire même si je le voulais. Ce qui n’est pas le cas. Et qui ne le sera toujours pas quand j’aurai 70 ans…

Vous avez l’expérience de la photo et du cinéma. Qui dit le mieux la vérité, l’image fixe ou l’image en mouvement?

La photo vous offre à voir un moment fixe, en quelque sorte protégé, préservé. Vous pouvez méditer la part de vérité qu’elle contient, la vérité d’un instant. Mais le cinéma aussi est révélateur, de manière plus large peut-être. Quand vous vous voyez filmé (même avec une caméra vidéo d’amateur), vous devenez soudain conscient de choses que les autres savaient déjà de vous, mais que vous-même ignoriez. C’est une manière de se découvrir. Et c’est pour ça que tant d’acteurs ont peur de se voir. Accepter de se voir filmé, c’est s’accepter tel qu’on est dans la réalité. Et cela, c’est beaucoup trop pour certains d’entre nous… Quelle illusion pourtant! Il n’y a pas de secret. Dans la vie, tout le monde vous voit, sauf vous!

Avez-vous connu le doute, dans votre carrière?

Oui, au moment où j’ai abandonné mon job de mannequin au profit de l’envie de faire du cinéma. Il y a eu comme un creux, là, qui n’a pas été gai à vivre. Toutes mes copines qui avaient commencé leurs études supérieures en même temps que moi (j’avais choisi le droit) avaient obtenu leur diplôme et commençaient leur vie professionnelle sous les meilleurs auspices… Là, je me suis demandée si j’allais parvenir à être comédienne, ou du moins si j’allais y arriver comme je l’entendais. Je me suis découverte soudain très fragile. J’ai même songé, un moment, à reprendre l’université.

Pas de regret?

Non. Je suis heureuse d’être comédienne, comme je le fus d’être mannequin. Je fais encore des photos, pour des photographes que j’aime bien. Je crois que je ne me laisserai jamais résumer à une seule activité. Je suis avant toute chose un être humain qui se cherche à travers ce qu’il fait. Dans cinq ans, je ferai peut-être encore autre chose…

L’échec vous blesse?

Pas si j’ai trouvé moi-même ce que je cherchais. J’ai fait des films qui n’ont pas marché mais qui m’ont comblée parce qu’ils ont justifié, artistiquement au moins, mon désir de les faire. Ce qui est moche, ce n’est pas l’insuccès, c’est de s’être trompée de film, d’avoir choisi d’en faire un pour de mauvaises raisons (commerciales, par exemple) et puis de le voir se planter tout de même. Quand ça arrive, vous vous sentez très mal.

Propos recueillis par Louis Danvers

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