Bouillonnante, inventive, tissée par de multiples liens entre artistes, célèbre internationalement, maintes fois récompensée : la scène flamande intrigue, séduit, bouscule. Nos huit coups de cour.

Ces artistes flamands se moqueraient-ils de la frontière linguistique qui crispe la Belgique depuis des mois ? Ces 7 et 8 décembre prochains, le Kaaitheater propose Wolfskers de Guy Cassiers, dont la création Rouge décanté tournera en avril à Bruxelles et à Charleroi. Son comédien Dirk Roofthooft investit le théâtre Varia en mars prochain pour l’adaptation en français du monologue de Jan Fabre, Le Roi du plagiat. Jan Lauwers, lui, s’installe aux Halles de Schaerbeek fin décembre avec son Bazard du homard. Le Myth de Sidi Larbi Cherkaoui revient en février à Bruxelles tandis que Les Tanneurs accueillent ce mois-ci les Ballets C. de la B. Le Théâtre national et le KVS, son homologue flamand, programment quant à eux une Toernee general qui fait la part belle aux créations du nord et du sud du pays, avec tg Stan, la Compagnie Rosas ou encore Josse de Pauw. Et la liste est longue… Galerie de portraits, non exhaustive, des pointures de la danse et du théâtre en Flandre.

Guy Cassiers

Les mots et l’image

Deux ans que la Toneelhuis, théâtre public d’Anvers, est orchestrée par l’homme de scène Guy Cassiers, ancien directeur du Ro Theater de Rotterdam. A ses côtés, un collectif composé de créateurs issus de la nouvelle génération. Attentif à la sensorialité et à l’imaginaire, Guy Cassiers façonne un puissant langage théâtral, qui conjugue la littérature des mots aux technologies de l’image et de la vidéo. Après un cycle consacré à Proust, le créateur a livré Rouge décanté, visible en Wallonie en avril prochain. Son triptyque du pouvoir, consacré aux rapports complexes entre art, politique et culture, entamé avec un Mefisto for ever où s’est illustré le comédien Dirk Roofthooft, se poursuit avec Wolfskers et Atropa, à voir cette saison.

Anne Teresa De Keersmaeker

Rosas ou la métamorphose de la danse

En créant sa compagnie Rosas en 1983, Anne Teresa De Keersmaeker, formée à Bruxelles et New York, donne une toute nouvelle orientation à la danse contemporaine flamande. Fondatrice de l’école internationale de danse PARTS, résidente au Kaaitheater bruxellois puis à la Monnaie dès 1992, ATDK entame aujourd’hui une collaboration conjointe avec ces deux institutions, qui soutiennent les créations de Rosas. Beauté des petits gestes humains, influences minimalistes, nonchalance et soupçon d’espièglerie : la danse de l’une des chorégraphes flamandes les plus célèbres repose sur des rythmes fascinants, aux confins du théâtre textuel, de la musique live et de la vidéo.

Benjamin Verdonck

Explorateur hors les murs

Désireux d’explorer l’espace public et de bousculer les points de vue, Benjamin Verdonck a notamment bâti un nid d’oiseau à 30 mètres du sol, au milieu des buildings de Bruxelles puis de Birmingham, d’où il conversait avec les passants. Il passera trois jours dans une cage en compagnie d’une truie, à qui il confie son incrédulité face à l’intervention américaine en Irak.  » Ce que tente une pièce de théâtre dans une salle, moi je l’expérimente à l’extérieur. J’étudie la force et les fonctions du théâtre dans d’autres contextes « , déclare-t-il. Cette saison, soutenu par la Toneelhuis et le KVS, le performeur crée Global Anatomy et reprend Wewilllivestorm, alliance de précision et de fantaisie.

Viviane De Muynck

Majestueuse et fragile

Prodigieuse comédienne, Viviane De Muynck est, à 65 ans, un monument de la scène flamande. Formée auprès de son mentor Jan Decorte, la plantureuse actrice fut révélée au public francophone par son rôle dans La Chambre d’Isabella, petite bombe de scène signée par Jan Lauwers, l’audacieux directeur artistique de la Needcompany. Leurs parcours se conjuguent d’ailleurs depuis le début des années 1990. Voix rauque, stature haute, présence majestueuse, l’ancienne secrétaire de direction, aujourd’hui également professeur de théâtre, a livré un autre rôle de femme forte cette saison, incarnant l’égérie des artistes, Claire Goll, dans le monologue La Poursuite du vent.

Alain Platel

Père des Ballets C. de la B.

A l’instar de Wim Vandekeybus, Jan Lauwers ou Jan Fabre, Alain Platel, artiste complet, fait partie de la fameuse  » Vague flamande  » qui a métamorphosé la scène. Les  » Ballets contemporains de la Belgique « , présentés voici plus de vingt ans comme une  » riposte frivole aux conflits communautaires qui agitaient la Belgique au cours des années 1980  » devinrent une véritable plate-forme de chorégraphes. Alain Platel, auteur de Allemaal Indiaan et VSPRS, y crée ses spectacles aux côtés des créateurs Christine De Smedt et de Koen Augustijnen. La compagnie gantoise donne la parole aux jeunes talents, dans un éventail de visions artistiques. Pour une danse populaire et engagée.

Dirk Roofthooft

La force tranquille

Il travaille avec les plus grands. Multiplie les scènes internationales. Mêle intimement force et pudeur, calme et tension. Homme de cinéma et de théâtre, acteur fétiche de Jan Fabre le directeur artistique de la compagnie Troubleyn lui consacrera bientôt un troisième mono-logue -, Dirk Roofthooft a travaillé aux côtés de Jan Lauwers, Josse de Pauw, Wim Vandekeybus, Tom Barman ou Zita Swoon. Figure incontournable chez Cassiers, l’Anversois a donné tout son sel à Mefisto for ever, repris cette saison en Europe. Son agenda chargé prévoit la tournée de Rouge décanté, l’adaptation en français du Roi du plagiat, un nouvel opéra de jazz ou encore la création de Lotte van den Berg, jeune artiste de la Toneelhuis.

Sidi Larbi Cherkaoui

Au carrefour des cultures

Entre racines ethniques et société occidentale contemporaine, Sidi Larbi Cherkaoui, jeune prodige de la danse, illumine les scènes européennes. Né de mère anversoise et de père marocain, ce chorégraphe situé dans le sillage de Pina Bausch et d’Alain Platel, avec qui il a collaboré aux Ballets C. de la B., jette des ponts entre hommes, religions, cultures. Outre Zero Degrees, duo de choc avec le Bangladais Akram Khan, Cherkaoui a livré plusieurs temps forts de la danse, avec Foi, Myth ou Apocrifu, présenté en septembre dernier à la Monnaie. Désormais résident à la Toneelhuis, celui qui mêle spiritualité et humour planche sur Origine, spectacle intimiste prévu pour janvier 2008.

tg Stan

Les quatre d’Anvers

Collectif fondé en 1989 par quatre acteurs du Conservatoire d’Anvers – Jolente De Keersmaeker, s£ur de Anne Teresa, Damiaan De Schrijver, Frank Vercruyssen et Waas Gramser, aujourd’hui remplacé par Sara De Roo -, tg Stan (pour Stop Thinking About Names ) privilégie l’acteur, refusant dogmatisme, esthétisme ou mainmise d’un metteur en scène. La troupe puise dans le registre contestataire – Thomas Bernhard notamment – misant sur l’immédiateté, la spontanéité. Ni répétition, ni mise en scène : les acteurs, dans un jeu dépouillé à rebrousse-poil, remettent en question les codes scéniques traditionnels. Pour le plus grand plaisir d’un public européen.

Carnet d’adresses en page120.

Marie Liégeois

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