Emprunter des produits de luxe pour assouvir non seulement ses désirs mais donner aussi l’illusion d’être riche ? Bienvenue dans l’ère du leasing revisité !

L’idée semble farfelue mais elle se révèle, à l’examen, particulièrement pertinente. On peut en effet louer une maison, une voiture, un DVD, alors pourquoi pas un divan après tout ? Basée à Londres, la société Stop Gap Sofas a lancé son offre il y a six mois à peine et compte, à ce jour, plus de 200 locations de canapés de toutes sortes ( www.stopgapsofas.co.uk). Une réussite, donc. Le principe est simple : vous n’avez pas encore trouvé le divan de vos rêves et vous préférez attendre plutôt que de vous rabattre sur un second mauvais choix ? Ou, plus prévisible, vous avez trouvé le divan de vos rêves, mais le délai de livraison se révèle anormalement long ? Il y a une alternative au camping sur coussins improvisé : la location, à prix doux, d’un sofa qui se rapproche de vos envies esthétiques. Pour 3,15 euros par jour (tarif plancher pour le modèle de base), l’affaire est rondement menée et votre dos, solidement épargné. Certes, l’évocation de ce service inédit n’a rien de spectaculaire et pourrait donc sembler anecdotique, mais elle est, à vrai dire, révélatrice d’un nouvel état d’esprit lancinant dans la société de consommation : donner l’illusion d’être riche. Prenez cette autre trouvaille lumineuse : sur www.bagborroworsteal.com, vous pouvez par exemple louer un vrai sac à main Dior, Chanel, Gucci, Prada, Versace… à prix réduits ! Pour un forfait de départ de 30 euros par mois, cette société de Seattle propose une centaine de marques respectables parmi lesquelles plusieurs modèles sont évidemment disponibles. Libre à vous de garder le sac élu une semaine, un mois ou un an, même si le concept invite forcément à une rotation accélérée des modèles. Car toute la force de l’idée est là : vous êtes une fashion victim, mais vous n’avez pas les moyens de vous offrir une nouvelle besace griffée toutes les trois semaines ? Pas de panique : Bag Borrow or Steal vous sauve la face devant les copines avec un (presque) nouveau sac à main Tod’s ou Ralph Lauren tous les dix jours si vous le souhaitez. La classe ! Et avec un peu de chance, ces mêmes copines découvriront avec stupéfaction que vous avez encore changé de divan dans votre nouvel appart. Bon, tout cela n’est encore que théorique puisque les sacs se louent aux Etats-Unis et les sofas à Londres, mais la logique voudrait que ce type de facilités locatives débarque très prochainement chez nous (entrepreneurs en herbe, à vos marques !) Somme toute légitimes, ces envies de luxe – momentané – à petits prix se retrouvent d’ailleurs dans un autre concept, nouveau et lancé lui aussi sur le sol britannique : l’acquisition partielle d’une chambre d’hôtel haut de gamme ( www.guestinvest.com). La formule s’inspire du time-sharing, mais dans une version beaucoup moins controversée : vous  » achetez  » une chambre d’hôtel pour une durée de 999 ans, vous pouvez y loger gratuitement 52 nuits par an et le fruit de la location résiduelle est équitablement réparti entre la société gestionnaire et vous. Bref, le sentiment de la propriété dans toute sa splendeur sans les désagréments inhérents à ce genre de luxe immobilier. Rien d’étonnant à tout cela : Li Edelkoort, grande papesse des tendances, l’avait prédit il y a quelques années déjà : le xxie siècle sera placé sous le signe du leasing, mais un leasing revisité sous une forme de  » communisme des consommateurs  » où la notion de propriété se voit déclinée d’une façon inédite. La preuve par les sacs haut de gamme et les divans à louer.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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