Naoki Takizawa, le designer de la griffe Issey Miyake, propose une mode estivale où la discipline et la rigueur rencontrent un esprit ludique et rafraîchissant. Voilà qui ravira les lolitas du IIIe millénaire.

Le créateur japonais Naoki Takizawa, 43 ans, en charge du prêt-à-porter Issey Miyake Homme et Femme depuis 1999, a imaginé pour le printemps-été 2004 une mode qui ravira les lolitas du IIIe millénaire. Une mode ludique, à fleur de peau, qui prend tout son sens une fois portée. Les couleurs claquent avec des robes de coton froissé arc-en-ciel.  » Une thérapie des couleurs « , dit Takizawa dont les motifs pivoines ou fleurs de lotus, les mousselines gris transparent poétisent sur un air rimbaldesque. Sa vision est jeune, raffinée : une £uvre d’art à endosser qui n’a pas fini d’étonner. Un pantalon a été conçu d’une seule pièce avec des baskets en toile, obligeant le laçage à grimper jusqu’en haut des cuisses… Des robes ultralégères poussent le volume vers l’extérieur grâce à de légers fils de métal. Des modèles en nylon aluminium imprimé font sur le corps un effet de tatouage.  » Je pars de la réalité pour aller vers le rêve « , explique Takizawa. Le créateur a inauguré l’an dernier une boutique à Roppongi Hills (le quartier branché par excellence) à Tokyo qui reste pour le moment le seul point de vente au monde de ses séries limitées. On y trouve les tee-shirts colorés du bestiaire de l’illustratrice Chiho Aoshima : lézards, serpents verts, oiseau de feu au milieu des étoiles… Et aussi les jeans et la lingerie avec les dessins érotiques de Aya Takano réalisés à l’encre de Chine.

Weekend Le Vif/L’Express : Quelles ont été les influences déterminantes dans votre carrière ?

Naoki Takizawa : D’abord ma rencontre avec Issey Miyake, en 1982. Plus récemment, j’ai commencé à travailler, il y a cinq ans, avec l’artiste contemporain Takashi Murakami pour les collections Homme. Il a regroupé autour de lui des artistes japonais, garçons et filles, dans un studio qui s’appelle Kaikai Kihi, du nom de deux personnages qu’il a inventés. J’ai voulu dessiner une collection Homme avec lui. Des vestes, des tee-shirts, des pantalons… Dans la doublure figuraient des personnages de Takashi qui est devenu un ami. Il a eu beaucoup de succès aux Etats-Unis et en France. Vuitton vient de faire toute une collection de sacs avec lui. Son idée est de créer, au Japon, un mouvement qui soit l’équivalent du Pop Art d’Andy Warhol aux Etats-Unis. Depuis la collection printemps-été 2000, je travaille beaucoup avec deux dessinatrices, Chiho Aoshima et Aya Takano. Avec Chiho, j’ai fait une série de tee-shirts qui tourne autour de l’idée de sentiments féminins, de souvenirs, de rêves et de réminiscences enfantines. Il y a beaucoup de portraits de jeunes filles nubiles dans ses dessins faits à l’ordinateur. Je les ai mis sur la lingerie. Mais il y a aussi quelque chose de cruel dans ses illustrations. Ces séries limitées sont vendues exclusivement dans la boutique de Roppongi Hills à Tokyo. Aya Takano a aussi une inspiration assez proche. Elle travaille à l’aquarelle, c’est plus délicat, plein d’humour : elle montre des jeunes filles qui mangent des nouilles, qui jouent avec des nuages. Mais c’est le même registre que chez Chiho Aoshima, les mêmes expériences : le passage de l’enfance à l’adolescence. Grâce à elles, il y a une sorte d’écho féminin dans mon travail.

Pourquoi toutes ces créations sont-elles  » made in Japan  » ?

Dans l’ensemble, toute la production est japonaise. Je travaille toujours sur des matériaux très nouveaux. Quand les tissus sont exportés, le contrôle à la production n’est pas évident. Sauf quand une technique est développée de manière locale. A un moment donné, j’ai travaillé sur le  » pinching « , des tissus pincés et cousus à la main. C’est une technique que les Chinois maîtrisent. Mais je préfère travailler au Japon, être compris rapidement et démarrer la production au quart de tour.

En quoi êtes-vous novateur ?

Une des idées de Issey Miyake et de moi-même est de partir de formes très simples qui vont devenir complexes par la couture ou par des procédés divers, comme le laçage d’éléments. Exemple ? Une structure sur fil de nylon qui est soit en ronds concentriques, soit en toile d’araignée va donner une forme surprenante. On ne peut pas imaginer qu’au départ ce soit un simple carré de tissu. Les matières aussi sont nouvelles. Regardez ce  » tissé  » (weaven) : il a la consistance du film qui se trouve entre l’£uf et sa coquille. C’est très léger.

Comment travaillez-vous ?

Une nouvelle collection est une formidable distraction. Ma première inspiration tourne autour du corps de la femme pour créer une collection sensuelle, entre des vêtements seconde peau ou protecteurs. J’ai fait des emprunts au vestiaire sportif, privilégiant une mode proche de la rue plutôt qu’un public d’initiés. La garde-robe se transforme avec des pattes de cuir ajustables, des lacets de sacs d’escalade. J’ai travaillé avec des marques de sportwear, comme l’américain Champion, le jeanner japonais Lee. Le vêtement s’ouvre sur des combinaisons de tulle tatoué ou des bijoux de latex chair, composant une seconde peau.

Vous êtes aussi l’un des premiers créateurs à avoir intégré des non-professionnels de la mode à vos défilés ?

J’ai fait collaborer des artistes qui m’inspiraient : des danseurs, des acteurs, des sportifs et aussi des musiciens comme Nobukazu Takemura. Pierre Bastien ( NDLR : un des acteurs principaux de la création musicale contemporaine) a fait la musique et jouait pendant le défilé Homme.

Quelles sont vos relations avec Issey Miyake ?

Issey-san est mon maître. Il supervise toujours Please Pleats (littéralement,  » des plis s’il vous plaît « ), une ligne lancée en 1993 qui est ludique, facile à vivre, composée de pièces en polyester ultraléger et indéplissable. A 65 ans, il poursuit l’aventure sur la route de la mode avec une ligne expérimentale, A-Poc (A Piece of Cloth), une collection hors normes, ni japonaise ni occidentale.

Propos recueillis par Michèle Lasseur

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