Naturellement design
Un riche héritage culturel, une nature fabuleuse, une architecture pointue… Helsinki est une destination idyllique avec, aujourd’hui, un atout de plus dans le jeu de la séduction : elle a été élue capitale mondiale du design 2012. Citytrip en avant-première.
L’enfilade de lacs aux reflets d’argent sur un épais tapis de verdure coupé de parcelles caramel est le plus beau souhait de bienvenue à Helsinki. Dès que l’avion amorce sa descente, on comprend tout de suite beaucoup mieux pourquoi le design semble tellement couler de source ici, loin, très loin vers le Nord. En Finlande, les créateurs ont développé un art et un savoir-faire uniques, en étroite relation avec la nature, qui vont droit à l’essence des choses. Et ce n’est sans doute pas un hasard si en 2012, précisément 200 ans après être devenue le centre administratif du pays, Helsinki sera capitale mondiale du design sur décision du Conseil international des sociétés de design industriel (ICSID).
Le maître à penser Alvar Aalto, à qui Helsinki doit bon nombre de ses bâtiments publics et privés, a abondamment puisé dans la nature des alentours pour trouver son inspiration. Son approche fonctionnelle et organique du design a modelé la ville en profondeur, jusqu’à l’intérieur des foyers : ici pas une famille qui ne possède un exemplaire de son tabouret iconique. Sa maison et son studio, dans un quartier résidentiel en dehors de la ville, sont devenus des sanctuaires de son £uvre. Mais la meilleure façon d’aller à sa rencontre est encore de visiter ses réalisations urbaines, à commencer par l’Academic Bookstore sur l’Esplanade, la large avenue commerçante rejoignant le port dont les pelouses sont prises d’assaut par beau temps. Cette impressionnante librairie est dotée d’un gigantesque atrium en marbre de Carrare et meublée exclusivement des créations du père du design moderne. Tout comme le musée d’art contemporain Kiasma, construit en 1998 par l’architecte américain Steven Holl, l’endroit privilégie la lumière naturelle, qui fait cruellement défaut la moitié de l’année sous ces latitudes, grâce à une utilisation massive de blanc et de larges baies vitrées. Si les techniques ont évolué, les idées germaient déjà là, trente ans plus tôt.
À quelques pas, une autre institution déploie sa conception du design sur trois étages. À coups de lignes, de motifs joyeux et de couleurs vitaminées, le label Marimekko s’est glissé dans tous les intérieurs des Helsinkiens. Lancé il y a soixante ans, il connaît un succès que rien ne semble enrayer au vu de la variété des produits proposés qui se déclinent en textiles d’intérieur, vêtements, sacs et autres indispensables. De façon explicite ou implicite, de multiples imprimés sont dictés par la nature environnante. » J’ai grandi dans une maison au milieu de la forêt, explique Erjai Hirvi, à l’origine notamment de motifs de feuillages et de branchages peps. Mes idées peuvent jaillir de n’importe où. Il m’arrive par exemple de m’arrêter le nez en l’air et d’observer la couleur du ciel. «
La Finlande – où le design fait partie intégrante du quotidien comme un moyen parmi d’autres de contribuer à la qualité de vie (ils sont nombreux ici à penser qu’il peut avoir une influence positive sur l’Homme) – est une pépinière de talents confirmés mais aussi à découvrir. Le nouveau quartier à l’arrière de la manufacture Arabia, d’où sort la prestigieuse vaisselle Iittala, a ainsi été intégré dans un projet artistique d’envergure. Le sol de cet ancien terrain vague en bordure d’eau a été nettoyé et traité par la ville. En contrepartie de ses investissements, celle-ci a posé comme exigence que 1 % à 2 % du budget total d’aménagement du site soit affecté à des £uvres d’art disséminées en plein air et à l’intérieur des constructions. Tapis de mosaïques, fresques, sculptures suspendues aux façades des immeubles… les artistes, parmi lesquels figurent les jeunes espoirs locaux, ont eu le champ libre avec pour seule consigne de ne pas couper la vue sur la nature qui dicte tout au Nord.
UNE NATURE PROFONDE
Pour faire la connaissance de la génération montante, il faut arpenter les rues du » Design district » pourvu du plan qui l’accompagne. En tout, ce sont près de 200 adresses mode et déco, neuves ou vintage, qui rassemblent toutes les tendances d’hier et d’aujourd’hui, à tous les prix. La boutique d’IVANAhelsinki, le phénomène de la mode made in Finland, compte parmi les haltes incontournables. Ses vêtements, qui transpirent l’âme finlandaise balançant entre spleen et folk attitudes, ont conquis les femmes bien au-delà des frontières boisées du pays. Après avoir mis le pied à Paris, où elle était, lors de son premier défilé en 2007, la seule marque finlandaise à participer à la Fashion Week, elle a conquis New York avec sa collection automne-hiver 2011. Sa créatrice, Paola Ivana Suhonen, est l’une des valeurs sûres nationales. La preuve : en 2009, le musée de la poste d’Helsinki lui a consacré une exposition avec, à la sortie, des piles de carnets estampillés de son logo – un faon quadrillé de losanges – celui-là même qui, peu de temps auparavant, avait eu l’honneur de figurer sur les canettes de Coca-Cola, tout un symbole.
Niché dans son ancien kiosque de fleuriste à un jet de pierre du Kiasma, le duo Company, formé d’Aamu Song et de Johan Olin, participe aussi, à sa façon, à la promotion du patrimoine local. Le couple, mi-finlandais mi-coréen, qui défend une approche non consumériste du design, propose de petits meubles, vêtements et accessoires, souvent humoristiques, produits en collaboration avec des artisans locaux qu’il prend le temps de connaître en s’installant chez eux. » Nous aimons travailler avec des personnes qui adorent ce qu’elles font, apprendre des choses auprès d’elles, cuisiner avec elles, explique Aamu. La tradition pleine de sagesse qu’elles perpétuent est d’un grand intérêt pour le design d’aujourd’hui. » Avec le temps, le duo a élargi ses horizons et est parti investiguer sur les mystères d’autres pays, dont le nôtre. Les fruits de leurs recherches, comme cette subtile casquette à double visière brodée d’un lion et d’un coq patte tendue, ont été exposés dans un frietkot sur plusieurs marchés bruxellois lors du dernier Design September.
Éco-logique
Avec ses produits 100 % bio récoltés auprès de petits producteurs du pays tout entier, l’épicerie Maatilatori, à deux minutes du kiosque de Company, fait fureur depuis son ouverture, il y a deux ans à peine. C’est là que s’approvisionne le Klaus K, l’hôtel design de la ville, pour ses brunchs au label » The Best of Finland « , et que les Helsinkiens achètent les baies, riches en antioxydants, pour leur muesli quotidien. Les habitants sont de plus en plus nombreux à réfléchir à leur façon de consommer, mieux ou différemment. Les restaurants, tels que l’Ateljé Finne, dans le quartier de Tölöö, sont ainsi fiers de revendiquer une carte finlandaise, c’est-à-dire synonyme de produits de qualité.
Les créateurs de mode, Marimekko en tête, affichent eux aussi comme un indéniable plus une fabrication made in Finland avec un coton organique. Globe Hope va plus loin encore dans la pensée verte chère aux Nordiques. Tout ce qui est vendu dans sa boutique voisine de Maatilatori est issu du recyclage. Il s’agit en gros des textiles des armées suédoise et finlandaise, des hôpitaux, de la poste et de la marine qui, avec un peu de talent, servent à confectionner des robes, vestes, bottes ou sacs à la fois solides et stylés. La marque, lancée en 2003, fait office d’exemple aux quatre coins de la planète pour une mode plus responsable. Du loin de leurs vastes contrées, les Finlandais n’ont pas fini de semer leurs idées à tout vent.
Par Muriel Françoise
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