Grapheuse, illustratrice, créatrice de mode et de bijoux, Fafi poursuit ses collaborations avec les griffes les plus hype en féminisant Adidas. Rencontre exclusive avec une jeune femme à qui le destin sourit.

Sur son poignet, trois étoiles tatouées. Dans ses yeux rieurs, encore des étoiles : Fafi aime les gens, la vie, tout ce qui bouge et de préférence vite. Et si on pouvait dérouler sa carte du ciel, on y trouverait sans doute aussi une étoile, particulièrement brillante. Celle qui a guidé vers la célébrité l’ado rebelle qui bombait les murs de Toulouse. Car, aujourd’hui, tout semble réussir à l’artiste touche-à-tout de 31 ans. Après avoir imaginé une ligne de tee-shirts pour Colette, la trendissime boutique parisienne, dessiné des bijoux, illustré des magazines comme  » Vogue « , Fafi s’attaque au design de vêtements pour Adidas. Elle devient ainsi le nouveau visage de Sleek, une ligne pour femmes au sein de la collection Adidas Originals, qui surfe sur la vague streetwear autant que sur l’engouement pour le vintage.

 » Il y a quelques années, on s’est rendu compte que, dans les magasins de seconde main, les anciens modèles, datant parfois des sixties, étaient très prisés, se souvient Ben Pruess, directeur général d’Adidas Originals. Alors on a décidé de les rééditer.  » Homme d’affaires avisé, Ben Pruess ne tarde pas à réaliser que les vêtements Adidas des années 1950 à 1980 sont principalement masculins, et qu’il reste un énorme marché à conquérir du côté des femmes. Ni une ni deux, la marque aux trois bandes cherche à développer son offre en adaptant les couleurs et les modèles de ses  » oldies « .  » L’idée était de faire une gamme pour femmes très tendance, à partir de quelque chose d’historiquement masculin et ceci tout en gardant l’esprit Adidas de l’époque « , résume Ben Pruess.

De Toulouse à Kyoto

Qui mieux que Fafi pouvait concilier branchitude, esprit streetwear et féminité ? Il suffit de voir les  » fafinettes « , ses héroïnes à la fois sexy, drôles et libérées pour être convaincu de la réponse.  » Dessiner des filles, c’était une manière de m’affirmer dans l’univers très masculin des grapheurs, explique Fafi. J’ai toujours été attirée par ce moyen d’expression, qui alliait l’artistique à l’illégal. Déjà, petite, j’adorais braver les interdits. En 1994, quand j’ai commencé à peindre sur les murs de ma ville, j’avais 18 ans. Les garçons m’ont testée, en recouvrant mes dessins etc. Une manière de me dire :  » On jauge ton courage, pour voir si tu auras l’audace de recommencer.  » Finalement, j’ai été acceptée. Je faisais partie de la bande.  »

Ensuite, tout s’accélère. Les fans emportent des morceaux des palissades et des murs sur lesquels Fafi graphe, elle commence à dessiner aussi dans d’autres villes. Sa réputation passe les frontières, pour éclater au Japon.  » Avant, ce pays représentait une source d’inspiration, se rappelle-t-elle. Mais, bizarrement, plus depuis que j’y suis allée. C’est complètement fou, là-bas !  »

Toute ressemblance entre les  » fafinettes  » et les mangas serait donc purement fortuite. Dès l’hiver prochain, on retrouvera ces petites silhouettes mutines sur les trois paires de baskets, le tee-shirt, les deux tops et la veste dessinés par Fafi pour Adidas, en vente dans les magasins  » Originals  » de l’enseigne.  » On m’a vraiment donné carte blanche, affirme l’artiste. J’ai vu les différents modèles de vêtements, j’ai choisi ceux que je préférais puis je me suis mise à dessiner.  » La marque avait toutes les raisons de faire confiance à Fafi, d’autant plus que leur précédente collaboration, qui a donné naissance à une chaussure pour la ligne Adicolor au printemps 2006, s’était soldée par un succès.

Entre-temps, Fafi a aussi customisé Le Sportsac et présenté une expo chez Colette cet été.  » J’y ai reconstitué le décor d’une chambre de  » fafinette « , avec tout ce qu’elle aurait aimé y trouver « , précise-t-elle. Parce que, à entendre l’artiste, ses personnages ont une vie autonome : chacun a sa nourriture de prédilection, un rôle et une place précise dans le monde imaginaire que s’est créé Fafi, le  » Carmine Vault « .  » Même leurs noms surgissent d’eux-mêmes, confirme la jeune femme. Avant d’avoir fini de les dessiner, je sais déjà comment ils vont s’appeler.  » En l’occurrence : Birtak, Hmilo, Bridili,…  » Parfois, mon homme ( NDLR : DJ Mehdi) me charie :  » Tu sais ce que ça veut dire, Lupus ? C’est une maladie, tu peux pas l’appeler comme ça, ton bonhomme.  » Mais je ne sais pas faire autrement !  »

Au rayon des réalisations de Fafi, on épingle aussi sa participation au single de l’album  » Lucky Boy  » (1) de Medhi, son producteur-compositeur-DJ de mari. Et dans ses cartons, encore pas mal de projets qui pourraient se concrétiser rapidement, dont une nouvelle ligne de bijoux.  » En diamants et tout « , ajoute-t-elle avec la fierté d’une petite fille qui annonce son beau bulletin. Comment choisit-elle parmi la pléthore de propositions qui s’offrent à elle ?  » A l’instinct, au coup de c£ur, sourit la créatrice. Je ne me pose pas trop de questions. C’est comme ça que ça a marché avec Colette : on a la même manière de fonctionner. Depuis, c’est devenu une amie. Si j’ai dit oui à Adidas, c’est parce que j’aime bien cette marque. Quand j’étais petite, mes parents n’avaient pas les moyens de m’offrir des choses comme ça. Ado, je me les procurais dans des fripperies. Aujourd’hui, c’est rigolo de me dire que je dessine une ligne pour eux !  » La tête, les yeux et le c£ur dans les étoiles, mais les pieds bien campés sur terre, Fafi.

(1) DJ Medhi,  » Lucky Boy « , Ed. Banger ABecause, 2006

Delphine Kindermans

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